Facebook veut faire « le parfait journal personnalisé de tout le monde »
Facebook veut changer le mode de consommation du journalisme avec son algorithme.
« Notre but est de bâtir le parfait journal personnalisé de tout le monde ». Prononcée par le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, début novembre, dans un forum public, cette petite phrase d’abord passée inaperçue est en train de faire cogiter tout le secteur de la presse. Et si, au moment où la fronde anti-Google s’organise en Europe dans le domaine de l’information, le futur interlocuteur des éditeurs n’était autre que le réseau social qui compte déjà 1,3 milliard d’utilisateurs se connectant chaque mois ?
Il y a d’abord un paradoxe. Ce fil d’infos que les utilisateurs de Facebook connaissent bien et dans lequel sont insérés des liens vers des articles, par le biais de recommandations d’amis, est loin d’être aujourd’hui optimal. Alors qu’il est nourri la plupart du temps par trop d’entrées, beaucoup d’utilisateurs se plaignent de la sélection opérée par Facebook, qui leur donne parfois des nouvelles régulières d’une lointaine connaissance... et rien sur le mariage de leur proche cousine.
Mais, sous la houlette d’un certain Greg Marra, un ingénieur de vingt-six ans que le « New York Times » n’hésite pas à décrire comme « l’une des futures personnes les plus influentes dans le monde de l’information », Facebook cherche aujourd’hui à changer la donne. Avec une équipe de 16 personnes, il est en train de travailler sur l’algorithme qui, espère-t-il, offrira la meilleure combinaison d’informations : du plus personnel – le fameux mariage de la cousine – à l’article de fond sur le conflit en Ukraine, en passant par les infos locales ou plus légères. Selon Greg Marra, le code, actuellement révisé à peu près une fois par semaine, est constitué de « milliers et de milliers de métriques » pour être le plus précis possible.
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Si Facebook est avant tout un moyen de rester proche de ses amis, son influence n’est plus du tout anecdotique dans la consommation d’infos. Le réseau social est en effet le point de départ de 20 % du trafic vers des sites d’information, selon le bureau de recherches SimpleReach. De même, quelque 30 % des adultes américains s’informent par le biais de ce réseau social, selon le Pew Research Center.
Des questions sociétales
Les ambitions de Facebook posent des questions sociétales. Si chacun filtre ses news, la société ne s’en trouve-t-elle pas plus fragmentée et les internautes moins bien informés ? « Nous essayons explicitement de ne pas nous voir comme des rédacteurs en chef : on ne veut pas de jugement éditorial », expliquait Greg Marra au New York Times. Mais l’initiative de Facebook pose aussi des questions de modèle économique pour les éditeurs de presse. Pour eux, il pourrait bientôt s’agir de plaire à tout prix à l’algorithme de Facebook pour générer du trafic, et donc des revenus publicitaires ou même de futurs abonnements.
Compte tenu de son poids, le « News Feed » de Facebook pourrait être la fragmentation ultime de la consommation d’articles. La page de garde d’un journal ne sera en effet plus qu’une page de pub, et non plus un point d’entrée privilégié, redoutent certains. Dans ce cas, la logique de subventions croisées entre différents types d’articles est cassée. Et il est moins facile de facturer de la publicité attachée à un article qu’à un support tout entier.
Nicolas Madelaine