La veuve de Serge Reggiani menacée d'expulsion

Il suffirait de presque rien pour que Noëlle Adam se retrouve à la rue. A 80 ans, elle n'a pas les moyens de régler les loyers de son petit HLM parisien.

La veuve de Serge Reggiani menacée d'expulsion

    Fatiguée, rattrapée par la dépression, elle reçoit dans sa chambre, toute de blanc vêtue, étendue dans l'immense lit depuis lequel elle organise désormais sa vie. Une pièce chargée de photos, de disques, d'albums souvenirs et de livres, entièrement dédiée, comme tout son petit appartement de la rue du Général-Niox, dans le XVIe arrondissement de Paris, à la mémoire de l'homme avec qui elle a partagé trente-trois années de son existence.

    Noëlle, la veuve du chanteur et comédien Serge Reggiani, décédé en 2004, fêtera son 81e anniversaire le 25 décembre dans la crainte qui ne la quitte plus d'être brutalement expulsée. En cause : une dette locative qu'elle ne parvient pas à apurer totalement (1 700 â?¬), qui a donné lieu à un jugement, rendu au mois d'octobre dernier par le tribunal de grande instance de Paris : le bailleur social Paris Habitat, qui lui loue un peu plus de 900 â?¬ le 30 m 2 où elle réside depuis dix ans, ne lui accordera plus de délais pour régler la somme due. Elle est expulsable. Même si un appel déposé par son avocat et la trêve hivernale légale lui octroient un répit de quelques mois. « Ma vie était extraordinaire... Elle est devenue on ne peut plus modeste après le décès de Serge, confie-t-elle, mais aujourd'hui je n'ai plus rien. J'ai vendu tout ce qui pouvait l'être et j'ai à peine de quoi me nourrir avec une retraite de 400 â?¬. »

    Les héritiers aux abois

    L'origine de sa détresse financière, Noëlle Reggiani l'attribue à une procédure engagée par trois des enfants de l'artiste, nés de ses deux premières unions, Carine, Célia et Simon, et deux de ses petits-enfants, Nicolas et Aurélia, autour de la succession de Serge Reggiani. Les héritiers, qui se trouvent, comme la veuve de l'artiste, dans le cadre d'une indivision successorale, entendent obtenir une répartition différente des revenus de l'exploitation de l'oeuvre du chanteur-comédien. Procédure sur laquelle la justice n'a pas encore tranché, mais qui prive les intéressés des royalties occasionnelles qui leur étaient attribuées.

    « C'est d'autant plus incroyable, soupire la veuve, qu'il y a très peu d'argent. D'une part, Serge était interprète, pas compositeur : lorsque d'autres reprennent les chansons qui ont fait sa célébrité, nous ne touchons pas un centime. Et puis il faut bien reconnaître que, malheureusement, la famille n'a pas su valoriser ni faire vivre, après son décès, l'oeuvre de mon mari. La France l'aime toujours, mais presque plus personne ne parle de lui. »

    Un couple pas si vieux

    « De son vivant, poursuit-elle, nous avions une très belle existence, mais il aimait par-dessus tout la simplicité et n'a jamais songé à faire des économies... Serge n'était pas un gestionnaire, il achetait vite et revendait mal. Quant à ma pension de réversion, elle est presque inexistante : nous n'avons été mariés que seize mois avant sa disparition malgré nos trois décennies de vie commune. Aujourd'hui, je n'ai plus que mes souvenirs. Ceux de l'appartement de 130 m 2 que nous partagions boulevard Suchet (XVIe), réunis dans ces deux pièces... Comment imaginer qu'à mon âge je me mette à la recherche d'un autre logement ? »

    Contacté hier, le bailleur social, tout comme Ian Brossat, l'adjoint au Logement de la maire de Paris, assurent désormais qu'en dépit du jugement prononcé, il serait fait montre d'humanité envers la veuve : « Une grosse dette s'était accumulée, qui nous a contraints à engager une procédure judiciaire, souligne-t-on à Paris Habitat. Mais aujourd'hui, la somme due est considérablement réduite, et une solution sera trouvée. Nous n'avons pas vocation à précipiter nos locataires dans la précarité. »