Le pape François exhorte l'Europe à retrouver "sa bonne âme"
À Strasbourg, devant les institutions européennes, le chef de l'Église catholique a tenté de ranimer l'espérance du Vieux Continent.
Par Jérôme CordelierTemps de lecture : 2 min
"Le moment est venu d'abandonner l'idée d'une Europe effrayée, repliée sur elle-même." Invité à s'exprimer devant le Parlement européen le 25 novembre, le pape François dans un discours long, dense, parfois touffu, a tenté de redonner du souffle à l'Europe. Non sans paradoxes, ce souverain pontife sud-américain de 77 ans retient, en effet, "une impression générale de fatigue et de vieillissement d'une Europe grand-mère et non plus féconde et vivante". Conséquence, selon lui : "Les grands idéaux qui ont inspiré l'Europe semblent avoir perdu leur force attractive, en faveur de la technique bureaucratique de ses institutions."
En cause, "la tendance à une revendication toujours plus grande des droits individuels, qui cache une conception de la personne humaine détachée de tout contexte social et anthropologique, presque comme une monade toujours plus insensible aux autres monades présentes autour de soi". En clair, nous sommes devenus des êtres autocentrés, coupés des autres et souffrant de solitude, plaie contemporaine fortement dénoncée par le souverain pontife.
"Culture du déchet" (pape François)
Offensif, le pape a accusé "des styles de vie un peu égoïstes, caractérisés par une opulence désormais insoutenable", protestant contre la "culture du déchet", "la mentalité de consommation exagérée" qui pousse à traiter l'être humain "à la manière d'un bien de consommation à utiliser", condamnant ainsi au passage l'avortement et l'euthanasie.
Comme à chaque fois, François s'est situé au long de son adresse du côté du faible, de la personne seule, fragile, vieillissante, rendant un hommage appuyé aux migrants dans une formule cinglante : "On ne peut tolérer que la mer Méditerranée devienne un grand cimetière."
Le meilleur antidote aux puissances du mal qui gangrènent les sociétés européennes, selon François ? La richesse des racines religieuses qui permettrait, si on en tirait profit, d'immuniser l'Europe "contre les nombreux extrémismes qui déferlent dans le monde" et "contre le grand vide d'idées auquel nous assistons, parce que c'est l'oubli de Dieu et non pas sa glorification qui engendre la violence".
"Transmettre de l'audace" (Henri Madelin)
"Le pape n'a pas fait un sermon aux Européens, souligne le jésuite Henri Madelin, en poste auprès des institutions européennes. Il n'a pas tenu un discours d'accablement mais, au contraire, nous a projetés dans l'avenir. Il est entré à l'intérieur des problèmes de l'Europe pour transmettre de l'audace." Le vieux sage était venu pour ranimer la flamme des pères fondateurs de l'UE, exhortant les chrétiens à "travailler pour que l'Europe redécouvre sa bonne âme".
"Le moment est venu d'abandonner l'idée d'une Europe effrayée et repliée sur elle-même, pour susciter et promouvoir l'Europe protagoniste, porteuse de science, d'art, de musique, de valeurs humaines et aussi de foi", a lancé le pape aux eurodéputés. Aux côtés du Saint-Père, le président du Parlement européen, le social-démocrate Martin Schulz, affichait un visage radieux. Et ce sourire était la meilleure réponse aux eurosceptiques militants qui avaient tenté d'instrumentaliser cette visite pour promouvoir leurs idées.