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Slim Riahi, le Berlusconi tunisien

Surfant sur les attentes d'une jeunesse tunisienne désespérée par l'absence de perspectives, l'homme d'affaires, à la fortune considérable, est candidat à l'élection présidentielle de dimanche.

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Publié le 22 novembre 2014 à 14h04, modifié le 22 novembre 2014 à 15h14

Temps de Lecture 4 min.

Au dernier jour de la campagne de l'élection présidentielle, Slim Riahi, homme d'affaires, propriétaire d'un des deux clubs de foot de Tunis, investit l'avenue Bourguiba dans la capitale tunisienne.

Son goût des affaires, son style bling-bling et ses ambitions politiques lui ont valu le surnom de « Berlusconi tunisien ». A 42 ans, Slim Riahi, richissime homme d'affaires et président du Club Africain, l'une des deux grandes équipes de foot de Tunis, est l'un des 27 candidats déclarés à l'élection présidentielle de dimanche. La recette de ce businessman à la réputation sulfureuse est simple : faire rêver une jeunesse qui n'a rien vu venir après la révolution de 2011.

L'homme a clos sa campagne en grande pompe, vendredi 21 novembre, sur l'avenue Bourguiba, l'artère principale de Tunis. Ecrans géants, distribution de casquettes et tee-shirts, concert de rap : la machine électorale du jeune candidat a battu son plein, attirant une foule compacte : des électeurs, souvent très jeunes, supporters du Club africain, mais aussi de nombreux curieux amusés par le spectacle. « Slim Riahi réussit parce qu'il a beaucoup d'argent, et parce qu'il est le président d'une équipe de foot, mais il n'est pas un homme politique », estime, dubitative, Asma, une étudiante qui va voter dimanche pour le leader de la gauche, Hamma Hammami.

FERVEUR DES JEUNES SYMPATHISANTS

Devant la scène, la ferveur des jeunes sympathisants est bien réelle. Les arguments sont toujours les mêmes : la réussite du candidat et son jeune âge, qui tranche avec le reste de la classe politique (Béji Caïd Essebsi, le chef de la formation anti-islamiste Nidaa Tounès et favori de l'élection présidentielle va sur ses 88 ans). « Slim Riahi a de l'argent, il nous faut de l'argent dans ce pays, des projets pour le faire grandir. En plus, c'est un jeune. Béji, je ne pense pas qu'il puisse nous comprendre », soutient Mohamed, la trentaine, lunettes Ray-Ban sur le nez.

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« C'est un homme d'affaires, alors lui il va pouvoir ramener des investisseurs dans le pays », estime de son côté, Bilal. L'image de réussite du candidat porte d'ailleurs au-delà de la jeunesse : « C'est quelqu'un qui s'est investi pour son équipe de football, pourquoi il ne le ferait pas pour le pays ? », soutient Dalila, une mère de famille. « Béji, c'est quelqu'un de bien, mais il va mener la politique de Bourguiba, et puis c'est un vieil homme. Nous, on veut quelqu'un qui travaille lui-même pour le pays, et pas qu'il soit remplacé par son entourage. »

L'UPL EN TROISIÈME POSITION AUX LÉGISLATIVES

Sur scène, l'animation est assurée par une très jolie présentatrice, qui n'a aucun mal à faire réagir le public de jeunes supporteurs. Pour ce dernier rassemblement, l'équipe de campagne a aussi fait appel au rappeur Kafon, récemment emprisonné pour avoir fumé du cannabis. Tout un symbole, alors que la loi sur la consommation de cannabis, dite « loi 52 », héritée du régime Ben Ali et très répressive, a parfois été utilisée pour faire taire de jeunes contestataires.

Sur l'avenue Bourguiba, à Tunis, le 21 novembre, veille de l'élection présidentielle.

Les ficelles électorales de Slim Riahi peuvent sembler simplistes, mais elles fonctionnent. Son parti, l'UPL, est arrivé en troisième position lors des élections législatives du 26 octobre, remportant 16 sièges (sur 217) dans la future Assemblée nationale. Une campagne menée à grands frais dans toutes les régions du pays a porté ses fruits.

Le sport est aussi un puissant mobilisateur, qui permet de toucher les jeunes et d'atteindre les quartiers les plus populaires. Deux autres personnalités du monde du football ont d'ailleurs été élus députés en octobre : Moncef Sellami, ancien président du Club sportif sfaxien, et Ridha Charfeddine, président de l'Etoile du Sahel.

Le succès surprise de l'UPL aux législatives n'est pas non plus une nouveauté : en 2011, une autre liste populiste, menée par Hechmi Hamdi, un homme d'affaires propriétaire d'une chaîne de télévision et installé à Londres, était arrivée deuxième, sans que personne ne s'y attende. « Au vu des scrutins de 2011 et 2014, il semble qu'environ un cinquième de l'électorat vote pour des listes populistes », soulignait le constitutionnaliste Ghazi Gherairi au lendemain des législatives.

PAS DE LIGNE POLITIQUE CLAIRE

Outre ses pratiques politiques, on reproche à Slim Riahi, né en 1972 à Bizerte (nord de la Tunisie), puis exilé en Libye et à Londres, l'origine opaque de sa fortune. L'homme d'affaires aurait entretenu des liens étroits avec la famille de l'ex-dictateur libyen Mouammar Kadhafi. Lui affirme avoir fait sa fortune dans l'immobilier et le pétrole.

Rentré à Tunis au lendemain de la révolution de janvier 2011, il crée dès le mois de mai son parti, l'UPL, qui ne remporte aucun siège lors des élections d'octobre. La formation n'a pas de ligne politique claire, mais promet des projets et des emplois pour le pays : 422 000 exactement, selon le programme en dix points de l'UPL aux législatives de 2014. Autre promesse : « extirper le terrorisme de ses racines dans un délai ne dépassant pas les six mois ». Face à son succès récent, nombre d'observateurs et d'adversaires l'accusent d'avoir dépensé sans compter pour attirer les électeurs.

Sur l'avenue Bourguiba, ce vendredi, le candidat aura fini par arriver après deux heures d'attente, montant sur scène au son d'un efficace We Are the Champions. Le discours est simple. Le candidat fait référence à l'avenue Bourguiba, lieu de la révolution du 14 janvier 2011, avant de renvoyer chacun à ses convictions – « Celle qui veut porter le voile, qu'elle le fasse ». « Je ne vais pas vous dire que je serai le garant de vos libertés. Ce sont vos libertés, c'est vous, le peuple tunisien, qui les défendrez », poursuit-il. « Nous, ce qui nous importe, c'est comment les Tunisiens peuvent vivre mieux. » Samir, la vingtaine, au chômage, avait choisi le parti Ennahda (islamiste) en 2011. Déçu, il votera pour le leader de l'UPL dimanche : « On peut toujours essayer, non ? »

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