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Interview

Bruno Le Maire : «Le droit du travail devrait protéger les salariés, il crée du chômage»

INTERVIEW - Le député de l’Eure et ancien candidat à la présidence de l’UMP réagit pour « Les Echos » à la nouvelle hausse du chômage en mars. Il juge que la loi Rebsamen sur le dialogue social est « un simulacre de simplification » et estime que le Code du travail devrait passer de « 3.700 pages à 150 pages ».

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Bruno Le Maire.

Par Leïla de Comarmond, Gabriel Nédélec

Publié le 27 avr. 2015 à 19:17

Le chômage a encore ­augmenté en mars. Ne faut-il pas y voir une forme de fatalité ?

Ce chiffre est un nouveau coup dur pour la France. La hausse continue du chômage depuis 2012 signe l’échec du quinquennat de François Hollande. Elle est sa première trahison. Depuis 2012, le chômage a augmenté de plus de 600.000 personnes. Tant que nous ne nous attaquons pas aux causes profondes du chômage, nous resterons dans un modèle économique et social qui exclut du marché du travail des millions de Français. Assez avec cette méthode des petits pas, assez avec ce dialogue social qui ne débouche sur rien, assez avec ce paritarisme national qui est mort et qui ne donne aucun des résultats que les salariés, les chômeurs et les entrepreneurs sont en droit d’attendre.

Vous ne croyez pas à la reprise ?

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La petite brise actuelle tient à trois choses : la baisse de l’euro, la baisse du prix du pétrole et le niveau très bas des taux d’intérêt. Elle ne tient en rien aux mesures du gouvernement. Et, hélas, elle ne crée aucun emploi.

Que pensez-vous du projet de réforme du dialogue social présenté la semaine dernière ?

Avec les commissions régionales paritaires pour les très petites entreprises, on rajoute encore une instance : est-ce vraiment de la simplification ? La loi Rebsamen est un simulacre de simplification. En réalité, elle va rajouter une nouvelle couche de complexité. Ajoutez à cela la loi sur la pénibilité. Avez-vous regardé les fiches individuelles que les employeurs vont devoir remplir pour leurs salariés ? Les hôteliers devront distinguer si le personnel qui fait le ménage change des draps ou des housses de couette. Et le petit patron du bâtiment va devoir compter le nombre de grammes de poussière sur son chantier. La loi sur la pénibilité est ubuesque, elle ruine les efforts de compétitivité des entrepreneurs.

Il est une simplification lancée lorsque vous étiez au pouvoir qui a tourné au fiasco : le RSI, sur lequel le gouvernement a chargé deux députés PS de travailler...

Le RSI est un échec. Avec mon collègue Julien Aubert, nous allons entamer une série d’auditions pour proposer des pistes de réforme. Nous ne pouvons pas laisser des artisans, des commerçants, des entrepreneurs individuels se faire étrangler financièrement par le RSI et poursuivre par des huissiers, sans aucune voie de recours.

Quelle réforme du Code du travail préconisez-vous ?

Le droit du travail est la première crainte des PME et des investisseurs étrangers. Il devrait protéger les salariés, il crée du chômage. Le Code du travail doit passer de 3.700 pages à 150 pages, pour définir les droits fondamentaux des salariés. Tout le reste, sans exception, doit être négocié dans les entreprises entre les directions et des représentants des salariés élus.

Quelle place auraient les ­syndicats dans votre système ?

Oui au syndicalisme, non aux organisations politiques et idéologues. Il faut ouvrir le premier tour des élections professionnelles à tous les salariés qui le souhaitent. Plus globalement, le pouvoir politique doit assumer ses responsabilités et reprendre la main en matière sociale. La loi de 2007 qui impose de saisir les partenaires sociaux avant toute réforme du Code du travail est un obstacle à lever. Il y a urgence à traiter les vrais problèmes, devant lesquels nous reculons depuis trente ans : le Code du travail, l’assurance-chômage, le financement de la protection sociale. Prenez la seule assurance-chômage : quand aurons-nous le courage de faire le choix de la dégressivité des allocations en échange d’une réelle attention à la situation particulière de chaque chômeur dès le premier jour ? Un chèque ne vaut pas un emploi. Pour le Code du travail, comme pour les indemnisations chômage ou les retraites, un seul principe doit nous guider : la valorisation du travail.

Faut-il réformer le contrat de travail ?

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En 2005, nous avons créé le contrat nouvelle embauche (CNE) pour les très petites entreprises. 450.000 embauches ont eu lieu sous ce contrat en deux ans. Des obstacles juridiques ont conduit à son abandon. Si nous voulons mettre en place un nouveau contrat de travail, nous devons donc le sécuriser juridiquement. La renégociation de la convention 158 de l’Organisation internationale du travail, en particulier, est une nécessité. Ce que nous promettons, nous devons nous donner les moyens de le tenir. Fini les slogans faciles et les promesses oubliées.

Emmanuel Macron a signé une tribune dans « Le Monde » pour l’actionnariat responsable au long terme. C’est ­quelque chose dans lequel vous vous retrouvez ?

Oui, très bien. En matière économique, je crois à des entreprises libres et à un Etat stratège, qui crée un environnement favorable et porte les investissements du futur, comme le haut débit sur tout le territoire. Mais je remarque juste que les changements successifs de fiscalité depuis 2012, les taxes et les impôts qui pleuvent sur les entrepreneurs et les ménages, ne sont pas de nature à amener la stabilité que le ministre appelle de ses vœux. Comme toujours avec les socialistes, il y a un océan entre les grands discours et les décisions minuscules. On nous parle de simplification, mais on décide une loi sur la pénibilité. On nous parle de compétitivité, mais on limite le recours au temps partiel. On nous parle de confiance, mais on stigmatise les jeunes entrepreneurs qui vendent leur entreprise. Illusions, simulacre, jeu de rôle : voilà tout le socialisme.

Un sondage BVA paru ­dimanche donne les intentions de vote des agriculteurs en faveur du FN à 36 %. Qu’en dit l’ex-ministre de l’Agriculture ?

Tout notre travail d’opposition est de revenir au plus près des Français. Entendre leurs difficultés, leurs attentes, leur apporter un espoir crédible. La situation des agriculteurs est plus que préoccupante. Qui en parle ? Personne. ­Personne ne porte leurs revendications et leurs inquiétudes dans le débat public. Je tire la sonnette d’alarme : si nous ne répondons pas aux attentes concrètes de nombre de Français, ils iront vers les extrêmes ou une abstention de masse. Quelle solution pour les personnes de plus de 50 ans licenciées brutalement ? Quelle proposition pour les femmes seules, peu qualifiées, qui élèvent des enfants et cherchent un emploi ? La vie politique souffre de cette avalanche de lois pinailleuses et du manque de décisions radicales, concrètes et courageuses.

Plusieurs voix s’élèvent à droite contre le nouveau nom de l’UMP, ­Les ­Républicains, porté par ­Nicolas Sarkozy. Et vous ?

En 2014, dans ma campagne pour la présidence UMP, je proposais de garder le nom de notre parti. Ma conviction reste la même. Mais les militants ont tranché. Il est donc normal que le président du parti aille au bout de la proposition sur laquelle il a été élu. Passé le congrès du 30 mai, qui est un moment important pour notre famille politique, nous devrons retourner auprès des Français.

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