Dimanche 26 octobre, 143 millions de Brésiliens sont appelés à se rendre aux urnes pour élire leur président. Le scrutin devra départager Dilma Rousseff, présidente sortante, représentant le Parti des travailleurs (gauche) et Aécio Neves, le candidat du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB, centre droit), soutenu par la droite.
Le Parti des travailleurs fragilisé
Fondé en 1980 et à la tête du pays depuis 2002, le Parti des travailleurs (PT) reste associé à la figure de l'ex-président du pays Luiz Inacio Lula Da Silva. Après une forte ascension au début des années 2000, ses scores s'érodent depuis 2010.
Même si Dilma Rousseff est arrivée en tête du premier tour de la présidentielle avec une avance confortable (41,6 % des voix), l'issue du vote de dimanche est imprévisible. Il est difficile d'anticiper sur quel candidat se reporteront les voix des électeurs qui ont voté pour la candidate du PSB (Parti socialiste brésilien), Marina Silva (21,3 %). Cette dernière, comme la grande majorité des candidats éliminés, a appelé à soutenir le candidat du PSDB, Aécio Neves.
Autre inconnue, les indécis. Le vote au Brésil est obligatoire et 29 % des électeurs n’ont opté pour aucun des candidats. Ce total est le plus élevé depuis 1998.
La base électorale du PT se situe dans le Nordeste brésilien, où le parti atteint ses scores les plus élevés. Cette région concentre une population défavorisée qui a largement bénéficié des programmes sociaux lancés par le président Luiz Inacio Lula et poursuivis par Dilma Rousseff. Le programme le plus emblématique est la bolsa familia, une aide versée aux plus démunis, qui a concerné plus de 11,5 millions de familles en 2014. Entre 2003 et 2013, cette bourse a permis de sortir de la pauvreté plus de 3 millions de Brésiliens par an.
Source : ministère du développement social brésilien
Des classes moyennes négligées
Si la base la plus pauvre du pays semble acquise à Dilma Rousseff, la question se pose du vote des classes moyennes, strate sociale la plus importante du pays et délaissée par le Parti des travailleurs. Elle a émergé avec le boom économique que le Brésil connaît depuis les années 2000. Cette nouvelle classe moyenne assez large, appelée classe C dans les statistiques du pays, comprend une population tout juste sortie de la pauvreté ayant un revenu minimum mensuel de 1 734 reals (681 euros) jusqu'à une population plus aisée affichant un revenu mensuel de 7 475 reals soit 2 939 euros.
Source : Fondation Getulio Vargas
Au sein de cette nouvelle classe moyenne, près de 100 millions de Brésiliens ont subi de plein fouet le ralentissement économique de leur pays. La croissance baisse depuis plusieurs années, le deuxième trimestre 2014 est en recul à – 0,6 %, précédé par un recul de – 0,2 % au premier trimestre.
L'inflation, hantise du pays, repart à la hausse depuis 2008. Les prix à la consommation progressent trop rapidement et affectent directement le pouvoir d'achat des classes moyennes.
Voir aussi nos explications sur le bilan économique de Dilma Rousseff en 3 graphiques
Face aux doutes et à la peur du déclassement, une partie des classes moyennes ont exprimé leur mécontentement à l'occasion de la préparation de la Coupe du monde de football 2014. Des manifestations ont eu lieu en juin 2013, après l'augmentation des tarifs de transport et en réaction aux sommes colossales dépensées pour l'évènement (entre 9 et 11 milliards d'euros selon les sources).
Sources : Ipsos Brasil : Reuters
Santé, éducation et transports : nouvelles priorités
Cette population, sortie de la pauvreté, reste vulnérable aux chocs économiques et a de nouvelles exigences de qualité de vie. Elle réclame de meilleurs services publics, notamment dans les transports, la santé et l'éducation.
Les transports sont insuffisants, trop chers. Les Brésiliens souffrent de la faiblesse des aides publiques accordées à ce secteur et aux affaires de corruption qui y sont liées.
Le système de santé, même s'il s'est amélioré cette dernière décennie, reste très inégalitaire. La Constitution brésilienne impose un accès gratuit aux soins mais les hôpitaux publics manquent de lits et les délais pour une intervention sont longs. Aujourd'hui 30 % des Brésiliens ont contracté une assurance personnelle pour pouvoir se soigner dans le secteur privé et une médecine à deux vitesses s'installe.
Sources : Ipsos Global Advisor ; Reuters
L'éducation, seule garantie pour la mobilité sociale dans un pays qui compte 9 % d'analphabètes (12 millions de personnes), est aussi une revendication forte de ces classes moyennes.
Bien que le pays consacre 19 % de ses dépenses publiques à l'éducation (2011), chiffre largement au-dessus de la moyenne des pays de l'OCDE (13 %), cet effort reste insuffisant au regard de la dépense par étudiant ou écolier : 2 360 euros contre 7 080 dollars pour la moyenne des pays de l'OCDE en 2011. Les écoles, collèges et lycées publics sont défaillants tant au niveau des infrastructures que des enseignements. Le manque d'établissements entraîne un roulement des classes où les enfants du primaire optent pour des cours soit le matin soit l'après-midi. Les professeurs sont en nombre insuffisant et leur formation est de piètre qualité.
Transports, santé, éducation : autant de sujets peu abordés par les candidats à l'élection présidentielle. Face à ce mécontentement, l'interrogation reste forte : comment ces classes moyennes, qui représentent 44 % du corps électoral, vont-elles voter dimanche ? D'après les derniers sondages disponibles, publiés jeudi 23 octobre par les instituts Ibope et Datafolha, Dilma Rousseff remonte dans les intentions de vote et devance son adversaire Aécio Naves d'au moins six points.
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