La cour d’appel de Lyon a autorisé, vendredi 24 octobre, l’extradition vers la Russie et l’Ukraine d’un ressortissant kazakh, Moukhtar Abliazov, détenu en France depuis quinze mois. Priorité est donnée à la Russie où les faits reprochés à cet hommes d’affaires devenu opposant politique sont plus importants.
Le dossier Abliazov revêt une dimension exceptionnelle, tant par l’ampleur des sommes en jeu que par son arrière-plan politique. Détenu à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes (Bouches-du-Rhône) depuis le 1er août 2013, M. Abliazov est soupçonné d’escroquerie à grande échelle au détriment de la banque kazakhe BTA, établissement qu’il dirigeait et dont il a été l’actionnaire majoritaire entre 2005 et 2009, avant sa nationalisation par Astana. Le préjudice total s’élèverait à près de 6 milliards de dollars (4,4 milliards d’euros), selon la BTA. La banque a notamment déposé onze plaintes devant la Haute Cour de justice d’Angleterre, qui lui a donné raison sur certains points. Signe de la complexité du dossier, Londres a aussi accordé à M. Abliazov le statut de réfugié.
« Chasse à l’homme politique »
Une part de ces activités frauduleuses auraient été commises en Russie et en Ukraine, par le biais d’entreprises offshore, basées notamment aux Seychelles. Le Kazakhstan ne disposant pas de convention d’extradition avec la France, seuls Moscou et Kiev ont émis des demandes d’extradition.
L’intéressé, lui, dénonce une « chasse à l’homme politique », lancée par le président kazakh, Noursoultan Nazarbaïev, au pouvoir depuis vingt-quatre ans, dont il est devenu un opposant déclaré après avoir été son ministre. En 2002, peu après avoir lancé un parti politique, M. Abliazov avait déjà été mis en prison par le régime kazakh. Ses défenseurs craignent désormais que le régime de M. Nazarbaïev n’utilise les tribunaux russes pour arriver à ses fins.
En janvier, le tribunal d’Aix-en-Provence s’était déjà prononcé dans le sens d’une extradition, avant de voir sa décision annulée par la cour de cassation. Comme leurs collègues de la cour d’Aix-en-Provence, les juges lyonnais ont estimé que la justice russe avait apporté des garanties suffisantes. Ils demandaient notamment à la Russie de ne pas réextrader M. Abliazov vers le Kazakhstan ni de le soumettre à des travaux forcés.
C’est précisément sur cet aspect qu’avait misé la défense de Moukhtar Abliazov, tentant de faire entendre plusieurs témoins, dont Garry Kasparov, ancien champion d’échecs et opposant à Vladimir Poutine, avec deux messages : la Russie ne respecte pas ses engagements internationaux ; la justice russe est aux ordres et le sort de M. Abliazov servira de « monnaie d’échange » entre MM. Poutine et Nazarbaïev.
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