Dans un entretien au Journal du dimanche, publié dimanche 19 octobre, la maire de Lille, Martine Aubry, demande au président, François Hollande, et au premier ministre, Manuel Valls, d'engager une « réorientation de la politique économique » dans un sens plus favorable à la croissance. Selon elle, le gouvernement doit « emprunter le bon chemin dans les deux ans qui viennent », faute de quoi la gauche va « échouer » en 2017.
La socialiste se livre à une critique en règle des réformes engagées par le gouvernement et apporte son soutien aux « frondeurs » du PS, qui comptent dans leurs rangs plusieurs de ses proches. Martine Aubry, qui s'exprime pour la première fois depuis deux ans et demi, cible quelques réformes qu'elle détaille dans une contribution aux Etats généraux du Parti socialiste.
« SOUTENIR AUSSI LA DEMANDE »
« La politique menée depuis deux ans en France, comme presque partout ailleurs en Europe, s'est faite au détriment de la croissance, dit-elle dans son entretien au JDD, les déficits ne se sont pas résorbés et le chômage augmente. » Pour l'ancienne ministre du travail, la raison profonde du malaise des Français est l'absence de cap : « On ne mobilise pas un pays sur la seule gestion financière, on doit donner la destination du voyage. »
Elle reproche à François Hollande, dont elle ne cite jamais le nom, sa politique de l'offre, qui repose sur des baisses de charges et de fiscalité des entreprises, alors qu'il faut aussi à ses yeux soutenir la demande, celle des ménages et des collectivités locales. Elle propose ainsi de cibler les aides uniquement sur les entreprises exposées à la concurrence internationale ou qui investissent et embauchent, ce qui doit permettre de libérer 20 milliards d'euros sur les 41 milliards prévus par le Pacte de responsabilité.
Ce montant servirait à soutenir l'investissement des collectivités locales, menacées par la baisse programmée des dotations de l'Etat, et le pouvoir d'achat des ménages. Pour cela, Martine Aubry propose d'agir sur les loyers avec la loi Duflot sur l'immobilier, que le gouvernement de Manuel Valls a entrepris d'édulcorer, la politique familiale, et des tarifs pour l'eau et l'énergie plus faibles pour les besoins essentiels. Elle juge encore nécessaire de créer davantage d'emplois aidés en attendant le retour de la croissance.
« VIEILLES RECETTES LIBÉRALES »
La fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG permettrait aussi de distribuer du pouvoir d'achat aux plus modestes, en l'accompagnant d'un prélèvement à la source qui « permettrait d'éviter de se retrouver dans la difficulté quand votre revenu baisse brutalement. »
A l'inverse, la maire de Lille n'a pas de mots assez durs pour dénoncer les dernières réformes envisagées par le gouvernement. Croire qu'il y a un gisement d'emplois dans l'extension du travail dominical « est un mirage ». « Le pouvoir d'achat ne va pas s'accroître par miracle parce que l'on consomme un jour de plus », poursuit-elle, et toute réforme en ce sens se ferait « au détriment du petit commerce (...) et donc, in fine, aussi de l'emploi. »
Elle s'oppose de même à toute modification des règles de l'assurance chômage, un autre thème évoqué ces derniers jours par le gouvernement, « au moment où il y a tant de chômeurs ». « Pour moi, la réforme doit être synonyme de progrès. Il faut en finir avec les vieilles recettes libérales », conclut-elle. Quant à savoir quel rôle elle entend jouer dans la seconde moitié du quinquennat de François Hollande, elle répond : « Je suis candidate... au débat d'idées. »
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