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L'American way of life se fait rhabiller

Pour sa collection printemps-été, Miu Miu dévergonde les desperate housewives. Un vestiaire tout en ironie qui rend hommage à la filmographie iconoclaste de John Waters.

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Publié le 03 mars 2015 à 15h11, modifié le 03 mars 2015 à 15h11

Temps de Lecture 2 min.

Tops trop courts, volants hystériques, fleurs faussement innocentes... La collection printemps-été de Miu Miu revisite le vestiaire américain bourgeois.

Une jupe crayon pas trop serrée, un pantalon en coton habillé de petites fleurs innocentes, un manteau droit propret, des escarpins drapés portés avec un sac rétro..., la collection printemps-été 2015 de Miu Miu a presque l'air d'un vestiaire idéal pour bourgeoise tranquillement échappée du rêve américain.

Presque, parce que les tops courts le sont trop, les volants semés ici et là un peu hystériques, les couleurs qui s'entrechoquent (bleu turquoise, caramel blond, bordeaux saignant) ressemblent à un maquillage de cocktail qui aurait viré. Cette bourgeoise-là noie son ennui et ses désillusions dans le whisky et les cachets sur ordonnance, pêchés par poignées dans des flacons bien alignés. La musique du défilé achève de vendre l'éméchée : les cinéphiles y ont reconnu la bande-son du film de John Waters Female Trouble.

Ce long-métrage bizarroïde, trash et sans limites est l'une des œuvres-phares de l'homme à la fine moustache dessinée au crayon, réalisée en 1974 dans sa ville référence : Baltimore. Une de ses actrices fétiches, le transsexuel Divine (plus d'un quintal sans les faux cils), y interprète Dawn, une sorte d'adolescente qui fugue parce que ses parents lui refusent une paire de chaussures à talons.

Une collection qui s'inspire de “Female Trouble”, de John Waters.

Comme toujours chez John Waters, l'Amérique prépolitiquement correcte, dopée à la mythologie Kennedy naissante, en prend pour son grade. Rien de mieux qu'un de ses films pour se réveiller en ricanant de l'utopie du sain et du beau soigneusement aseptisé. Le roi du trash et du mauvais goût (c'est souvent lui qui le dit) rejoint ici une des obsessions de Miuccia Prada : les dessous pas très nets de la bourgeoisie racée.

La collection printemps-été de Miu Miu.

La créatrice italienne aime imaginer pour ces femmes une garde-robe faussement classique, chic malgré les distorsions esthétiques qu'elle lui fait subir. Cette ancienne militante communiste a conservé un regard acide sur les oripeaux de la réussite sociale, les signes extérieurs de compte en banque obèse. Son rêve à elle n'est pas tant américain que philosophico-esthétique.

Les femmes au foyer de “Stepford Wives”, de Bryan Forbes.

Les Américains, qui ont inventé ce concept pétri de bons sentiments et d'espoir, savent merveilleusement interpréter ce discours en images. Le cinéma de John Waters ou de Tim Burton (l'enfant des banlieues de Burbank, en Californie) donne volontiers la parole aux déclassés de cette chimère sociale. Quelques oeuvres isolées, comme Stepford Wives (la version de 1975 de cette critique désabusée de la caste des femmes au foyer), envoient ça et là des coups de griffe bien sentis à cette promesse de perfection désuète. Miuccia Prada aime livrer une interprétation textile de cette tragi-comédie aussi universelle et vaine que la course au bonheur, une interprétation à l'ironie subtile que tout le monde n'est pas prêt à saisir. Cela ne la rend que plus pernicieuse et alléchante.

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