Le nouveau visage du site Monsanto de Saint-Andiol

Dans cette pièce, la station de recherches de Monsanto stocke les graines de toutes les variétés créées depuis 15 ans à Saint-Andiol. Une "banque génétique", selon Juan Francisco Jiménez.

Dans cette pièce, la station de recherches de Monsanto stocke les graines de toutes les variétés créées depuis 15 ans à Saint-Andiol. Une "banque génétique", selon Juan Francisco Jiménez.

Photo valérie farine

Saint-Andiol

La multinationale, qui vient d'investir 4 M€ dans sa station de recherche, veut corriger son image

C'est peu de dire que Monsanto traîne en France une réputation peu flatteuse. La faute à plusieurs polémiques sur le maïs transgénique Mon810, accusé de tuer les abeilles, ou au Roundup, la star des herbicides. "Beaucoup de choses font partie d'un mouvement de désinformation", tranche Yann Fichet, directeur des affaires institutionnelles et industrielles pour la France.

Hier, la firme américaine avait convié des journalistes à Saint-Andiol pour présenter son investissement de 4 M€ dans sa "station de recherche" en semences potagères. C'est là que Monsanto élabore, à partir de croisements, les variétés de légumes qu'il proposera ensuite aux agriculteurs, à travers les marques De Ruiter et Seminis : tomates, salades, melons charentais... Et attention, prévient Monsanto : il ne s'agit pas de manipulations génétiques. "Nous n'avons pas l'intention de vendre des semences potagères OGM. Toute l'activité en France est conventionnelle", précise Yann Fichet.

Conventionnelle, certes, mais aussi industrielle, tant le processus de sélection des plants est très poussé. Pour faire simple, là où la méthode traditionnelle se contentait de croiser des espèces, en semait quelques-unes et attendait une saison pour voir ce que ça donnait, Monsanto en cultive des milliers et effectue au fur et à mesure des tests pour identifier les "marqueurs génétiques" de chaque plante. "Cela permet d'avancer beaucoup plus rapidement pour étudier à quel niveau sont les résistances", argumente Juan Francisco Jiménez, directeur du site de Saint-Andiol. "On économise du temps et de l'argent", résume Yann Fichet. Immunités à certaines maladies ou insectes, qualités de conservation, rendements... plusieurs critères sont ainsi à l'étude. En moyenne, il faut "cinq à sept ans pour créer une nouvelle variété". 1 500 d'entre elles figurent ainsi au catalogue du semencier américain, qui se partage le marché français avec trois autres sociétés. Lequel ne représente toutefois qu'environ 5 % du chiffre d'affaires mondial (16 milliards de dollars) du géant américain.

Pour cette opération communication, Monsanto accepte de répondre à quelques questions qui fâchent. Comme celle sur la stérilité des graines de deuxième génération, qui obligerait les agriculteurs à racheter chaque année des semences. "Ça fait partie des mythes, conteste Yann Fichet. Les semences sont fertiles. Simplement, un agriculteur fait ses choix tous les ans et, économiquement parlant, il préfère racheter des semences, les nôtres ou celles d'un concurrent." Un peu plus tard, devant l'entrée d'une serre, le lobbyiste complète : "La descendance d'un hybride, si on la sème de nouveau, est complètement hétérogène, avec une perte de rendement de 30 à 40 %." Autre point de discorde, très politique, sur la "brevetisation" du vivant. "Toutes les semences doivent être autorisées à la mise sur le marché à travers le catalogue des semences", reconnaît Yann Fichet. Selon lui, c'est "une garantie sur la variété et ses qualités", mais aussi, plus prosaïquement, "un élément qui nous permet d'opérer au niveau économique". L'entreprise est en revanche moins loquace sur le chiffre d'affaires qu'elle génère en France.

Par contre, ses responsables sont beaucoup plus diserts sur la mission que l'entreprise se fixe au niveau mondial : "D'ici 2050, il faudra doubler la production alimentaire mondiale. Nous avons donc l'objectif de doubler les rendements pour certaines cultures d'ici à 2030", lance Yann Fichet. Monsanto entend mettre tous les moyens de son côté pour y parvenir.


"Cette sélection n'est pas faite pour les consommateurs"

L'ancien leader de la Confédération paysanne, José Bové, avait largement contribué à la médiatisation du "cas" Monsanto. Guy Kastler, responsable de la commission semences au niveau national du syndicat agricole, est sur la même ligne. Pour Monsanto comme pour les autres acteurs du marché (Pioneer Hi-Bred, Syngenta et Vilmorin-Limagrain), il pointe du doigt deux dérives, au niveau juridique et technique. "Ce qui est gênant, c'est d'abord qu'il y a de plus en plus de semences brevetées. L'agriculteur n'a plus aucun droit. Les caractères génétiques qui sont brevetés peuvent ainsi se retrouver dans un champ voisin par la pollinisation, ce qui fait que le semencier peut obliger un agriculteur à payer cette utilisation. C'est de la biopiraterie." Autre problème mis en avant : "La quasi-totalité des semenciers sont des hybridateurs. Ce qui fait qu'un paysan ne peut plus utiliser sa récolte comme semence puisque cela donne des plantes peu résistantes." Résultat : les professionnels sont obligés de se fournir auprès des industriels pour pouvoir continuer à produire.

Le consommateur se retrouverait également face à "des légumes d'un aspect irréprochable, pour lesquels on fait traîner la maturité, mais dont les qualités gustatives, les vitamines et les antioxydants sont moindres que dans les variétés traditionnelles. La sélection n'est pas faite pour les consommateurs mais pour être standardisée pour la grande distribution, qui a besoin de légumes calibrés et qui se conservent quatre jours". Quant à l'utilisation moindre de pesticides par le jeu des croisements, "c'est vrai, ils vont sélectionner certains caractères qui permettent d'éviter de s'en servir, reconnaît Guy Kastler. Mais ces plantes ne sont pas durables. Leurs défenses sont vite contournées au bout de quelques années."

Le ton est plus avenant du côté de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles des Bouches-du-Rhône. Le processus d'élaboration des semences potagères dans des sites locaux, comme celui de Saint-Andiol, est perçu comme positif. "C'est intéressant d'avoir deux ou trois marchands qui correspondent à nos besoins, juge Serge Mistral, président de la FDSEA 13. Et aujourd'hui, pour éviter de traiter nos cultures, la meilleure façon, c'est de prendre des hybrides, qui sont beaucoup plus robustes. On laisse faire les spécialistes."


 

Située sur la route de Cavaillon, à Saint-Andiol, la station de recherche de Monsanto, créée en 2000 par De Ruiter, ressemblerait presque à n'importe quelle exploitation agricole de la plaine de la Durance. Ses 16 hectares recèlent toutefois des équipements qui la différencient d'une ferme traditionnelle. Comme ces serres en verre dernier cri avec régulation automatique de la température grâce à un système de volets et de ventilation, qui font partie d'un investissement de 4 millions d'euros sur quatre ans. Sur 4 500 m², les salades sont élevées en hydroponie (hors sol) pour en prélever des graines, "ce qui permet de n'avoir aucune contamination du sol", assure Juan Francisco Jiménez. Baskets aux pieds, le directeur du site nous guide également dans les tunnels chauffés (dont 1,3 hectare neuf) où poussent poivrons et salades. Un peu plus loin, des melons charentais : "On voit quels plants sont résistants au mildiou et lesquels ne le sont pas." Des plaques collantes bleues et jaunes sont suspendues pour permettre de compter les insectes capturés. Juste à côté, un hangar abrite les bureaux, la chaudière et le "coffre-fort", une pièce où les étagères sont remplies de petits cartons, chacun contenant des dizaines de sachets avec des graines de chaque variété développée sur le site. "Ça, c'est notre banque génétique", indique Juan Francisco Jiménez. L'inauguration des travaux aura lieu ce matin en présence des personnalités et élus locaux.