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Réseaux sociaux : la mode joue à chat

Poster sur Instagram la photo de son chien ou de son chat, les créateurs de mode s'y mettent. Question d'image : les animaux rendent leurs maîtres plus accessibles. Et dopent les ventes de leurs produits.

Publié le 19 décembre 2014 à 14h55, modifié le 19 décembre 2014 à 15h28 Temps de Lecture 4 min.

Bat le lapin bélier somnole sur un bureau au milieu des dossiers, Leo le chien frisé dort dans des poses acrobatiques, Choupette le chat se concentre sur le choix de sa gamelle... Ces instantanés familiers sont légion sur Instagram. Les bestioles concernées ont leurs propres comptes mais, derrière elles, se cachent leurs maîtres, des sommités de la mode. Dans l'ordre ici : Katie Grand, l'une des meilleures stylistes et consultantes, Inez et Vinoodh, duo de photographes ultracotés, et Karl Lagerfeld, créateur agitateur multifonction.

A une époque où les professionnels de mode ont acquis un statut de star grâce notamment à leur présence sur les réseaux sociaux, le succès en ligne de ces boules de poils est proportionnel à la notoriété de leurs maîtres. Et si l'élite d'un milieu réputé aussi snob que celui-ci se livre à des pratiques aussi communes, c'est qu'il est concerné, comme le reste de la population, par l'évolution du rapport de l'humain aux animaux. « Ce lien est en train de changer, y compris dans le droit, explique Marion Vicart, sociologue, auteure du précis d'anthropologie Des chiens auprès des hommes (éd. Petra). Désormais, l'animal est considéré comme un être sensible [le 30 octobre 2014, l'Assemblée a adopté un projet de loi selon lequel l'animal n'est plus un « bien meuble » mais un « être vivant doué de sensibilité », ndlr] ; nous avons de plus en plus d'empathie pour nos animaux. »

Une photo de Choupette, la chatte de Karl Lagerfeld, postée sur son compte Instagram dédié


RENDRE VISIBLE AUX YEUX D'AUTRUI TOUT EN SE PRÉSERVANT EN TANT QU'INDIVIDU

En présentant ainsi leurs animaux familiers, les membres de la communauté mode ont aussi trouvé un outil de communication consensuel qui leur permet de dépasser l'image parfois snob, superficielle et souvent négative que le grand public a d'eux. Difficile de détester quelqu'un avec lequel on partage un faible pour les chats qui se roulent sur le tapis, les chiens habiles à jongler avec une balle de tennis ou les lapins rongeurs invétérés de câbles électriques. « Il y a là un côté fédérateur qui permet d'expliquer aussi pourquoi des stars se font prendre en photo avec leur chat ou leur chien. Les gens peuvent se reconnaître dans cette relation et cela permet de se rendre accessible au plus grand nombre », souligne la sociologue.

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Ce partage a cependant des limites : Choupette a beau s'amuser dans le lavabo, elle ne partage certainement pas ses ablutions avec son célèbre maître en direct sur le Net. Avec des clichés Instagram de son chat ou son lapin, on entrouvre, juste ce qu'il faut, la porte de son univers. « Aujourd'hui, Internet cristallise vraiment cette problématique qui consiste à se rendre visible aux yeux d'autrui tout en se préservant en tant qu'individu. Ce jeu entre identité et anonymat, l'animal le permet au quotidien », poursuit Marion Vicart. Dans un univers aussi tourné vers l'apparence que la mode, savoir montrer ce qu'il faut est primordial et partager les exploits de son animal sous-tend plus d'enjeux que dans d'autres milieux. Ces animaux, aussi sincèrement aimés soient-ils, restent une version de l'image de marque - toujours cruciale - de leurs compagnons humains.

« Aujourd'hui, le pouvoir de l'animal de compagnie est extrêmement fort, explique-t-on chez Shu Uemura. Une photo de chat ou de chien récolte en moyenne trois à quatre fois plus de "like" qu'un autoportrait. »

Ces derniers ont par ailleurs la possibilité de capitaliser sur le succès virtuel de leurs animaux, en les associant à la réalisation de produits commerciaux. L'omniprésente Choupette apparaît sur de nombreux accessoires et vêtements de la ligne Karl Lagerfeld et elle vient de « co-signer » une ligne de beauté (pour humains) chez Shu Uemura, une marque de cosmétique japonaise. C'est la maison mère en Asie qui a eu l'idée d'associer le félin griffé au projet. Son maître dessine depuis longtemps avec les fards de la marque, qu'il utilise comme des pastels. Il avait déjà signé il y a deux ans une collaboration fructueuse. Mais ce n'est rien face à la frénésie déclenché par la ligne Shupette. Illustrée par un portrait de l'égérie signée Karl et digne des meilleurs mangas, elle s'inspire de sa physionomie mignonne et racée.

« S'EMPARER D'UN PHÉNOMÈNE QUI FONCTIONNE ET D'EN FAIRE UN COMMERCE »

« Aujourd'hui, le pouvoir de l'animal de compagnie est extrêmement fort, explique-t-on chez Shu Uemura. Une photo de chat ou de chien récolte en moyenne trois à quatre fois plus de "like" qu'un autoportrait. Les réseaux sociaux étaient dès le début associés à la stratégie de lancement de cette gamme, notamment grâce au concours Shucats organisé sur Instagram. » Près de 12 000 personnes ont participé à cette compétition pour laquelle il fallait envoyer une photo de ses yeux ou de ceux de son chat. Autant d'admirateurs pour Choupette Lagerfeld et de clients potentiels pour la marque.

Le grand photographe Bruce Weber, amoureux des animaux, vient quant à lui de cosigner une ligne d'accessoires et de jouets pour animaux avec la marque américaine Shinola. L'auteur a joint l'utile à l'amusant en signant des posters chez Colette, revendus au bénéfice de l'association 30 Millions d'amis. « C'est le rôle de la mode et de la publicité de s'emparer d'un phénomène qui fonctionne et d'en faire un commerce », conclut Marion Vicart.

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