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Julien, 24 ans, « la gâchette trop facile » dans les cités de Marseille

Le jeune homme comparaissait aux assises jeudi et vendredi pour la deuxième fois en un mois : il a tiré au 357 Magnum sur une jeune fille pour un « mauvais regard ».

Par  (Marseille, correspondant)

Publié le 28 novembre 2014 à 09h07, modifié le 19 août 2019 à 14h10

Temps de Lecture 4 min.

La police municipale dans le quartier Belscunce  de Marseille (image  d'illustration).

Julien Gleise traverse la vie comme dans un western. « C'est vrai, j'ai la gâchette trop facile. C'est pas ma faute, je vois un psy », reconnaît-il pour expliquer qu'il se promenait dans Marseille avec une arme de poing à la ceinture ou avec une kalachnikov dans l'étui d'une raquette de tennis. Julien Gleise a le nez cassé, une volumineuse tignasse qui lui tombe jusqu'au milieu du dos. Sur son visage, une cicatrice et une balafre attestent de sa pratique de la boxe et de ses innombrables « embrouilles » dans les cités marseillaises. Ce jeune homme de 24 ans devait être jugé, jeudi 27 et vendredi 28 novembre, par la cour d'assises des Bouches-du-Rhône pour une tentative de meurtre.

Un simple « mauvais regard » avait suffi, le 23 août 2011 pour qu'il s'empresse d'aller chercher un 357 Magnum et ouvre le feu sur une jeune fille dans le quartier de Belsunce, en plein centre-ville. La victime avait été blessée à la jambe. « Elle m'a manqué de respect », justifie-il.

Vendredi, le procès a tourné court. Julien Gleise s’est présenté dans le box le visage tuméfié, le pantalon déchiré. Selon son avocat, qui a demandé et obtenu le report du procès, son client a été « tabassé » par les surveillants de la prison de Luynes (Bouches-du-Rhône) lorsqu’il en a été extrait, vendredi matin.

Le jeune homme est emblématique de cette génération qui tire comme on respire, dans une ville de Marseille envahie par les armes de guerre. Début novembre, Julien Gleise avait déjà comparu devant la même cour d'assises. D'autres jurés l'avaient condamné à dix-huit ans de réclusion criminelle – il a fait appel – pour avoir mitraillé à l'aide d'une kalachnikov deux jeunes hommes venus, à main nue, lui réclamer des comptes au lendemain d'une rixe dans une boîte de nuit.

« Qui c'est qui me cherche? »

Une scène à la Sergio Leone... Sur le seuil de la buvette de la cité de la Rouguière où il jouait aux cartes, il avait lancé : « Qui c'est qui me cherche? » avant d'arroser le sol d'une rafale de kalachnikov. Poursuivies et touchées par les balles du fusil d'assaut, les deux victimes avaient été sévèrement blessées et conservent d'importantes séquelles. Lors de ces deux procès à trois semaines d'intervalle, Julien Gleise reconnaît bien avoir tiré mais sans intention de tuer, précise-t-il à chaque fois.

Le jeune accusé utilise toujours la même expression pour expliquer son geste : « C'est parti en sucette ». Parti en sucette déjà, lorsque, à l'âge de 17 ans, un contrôleur lui demande de descendre du tramway car il n’a pas de ticket. Il sera condamné à huit mois de prison pour violences et menaces, et connaîtra sa première incarcération. Seize condamnations figurent sur son casier judiciaire pour des menaces de mort, des vols, des violences. La première mention : un vol en réunion. Il avait 11 ans. Il ne veut plus entendre parler de tout cela : « Je n'aime pas parler du passé. »

Lors de son précédent procès, l’avocat de la partie civile, Me Alain Lhote, l’avait comparé à « une grenade dégoupillée ». « Sa compagne : la kalach. Sa devise : la vie c'est de la merde, comme il l’a dit à un enquêteur », avait plaidé l'avocat de partie civile. « La moindre étincelle, chez ce type de personnalités, avait aussi argumenté l'avocat général, peut mettre le feu aux poudres. » Un expert psychologue confirme un portrait à la Janus : « A froid, il est lucide. Quand il a des émotions, tout part, il voit rouge et il n'y a plus de limites. » Le jeune accusé l'avoue lui-même : « Je m'énerve tout de suite. C'est mon défaut, j'ai du mal à me contrôler. »

« Sa seule socialisation s'est faite en milieu carcéral »

Il faut fouiller dans son enfance maltraitée pour comprendre, comme le souligne son avocat, Me Christophe Bass, qu’« absolument tous les repères lui manquent ». A l'enquêteur qui demande à son père : « aimez-vous vos enfants ? », ce dernier répond sans détour : « Non pas du tout. Nous n'avons pas les mêmes centres d'intérêt. » S'enchaînent une scolarité en classes spécialisées et les rapports d'éducateurs des foyers où il est placé dès l'âge de 11 ans : « Ses multiples vols, mensonges et violences montrent combien son manque de repères est important. »

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A la Grognarde, une résidence où vit sa mère à deux pas de cités où se déroule le trafic de stupéfiants, Julien Gleise s'impose en petit caïd. « C'est un type à embrouilles, raconte son ami Malik. Il est en guerre avec les dealers du quartier. » Par la peur, il impose à un jeune de la cité de cacher sa kalachnikov et de la lui apporter au moindre SMS.

D’après son entourage, il se fait appeler Mohamed, le nom de famille de sa mère, marque d'une conversion à l'Islam qu'aujourd'hui il réfute. « C'est faux, je ne suis pas musulman. Je suis sportif c'est pour cela que je ne fume pas, pas parce que c'est interdit par la religion. » Dans la mosquée de la rue Thubaneau qu'il fréquente, raconte pourtant son ami Malik, Mohamed-Julien demandait aux fidèles s'il est licite de tuer pour se venger. « On a essayé de me planter, on m'a tiré dessus », explique-t-il...

Cinq années de détention font que « sa seule socialisation s'est faite en milieu carcéral », déplore un psychologue. Mais pour sa mère à laquelle, depuis son box de verre de la cour d'assises, il adresse des petits signes, « Julien n'est pas un tueur. C'est un gentil garçon, calme et pas agressif. »

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