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Shoah, l’histoire contre les fanatismes

Plus d'un million de juifs sont morts dans ce qui fut le plus grand camp d’extermination nazi, il y a tout juste soixante-dix ans.

Publié le 27 janvier 2015 à 11h57, modifié le 19 août 2019 à 13h39 Temps de Lecture 2 min.

Edito du « Monde ». C’était il y a dix ans. Le 27 janvier 2005, Jacques Chirac inaugurait le nouvel aménagement du pavillon français du musée d’Auschwitz. Dans son discours, le chef de l’Etat liait l’exigence du souvenir au devoir d’agir. Agir pour « oppos[er] implacablement la rigueur de la loi à ceux qui prétendent nier l’horreur de ce qui s’est passé ». Agir pour bâtir « une Europe qui tarisse à leur source la haine, l’intolérance et le fanatisme ». Agir pour que « nulle part le crime contre l’humanité ne [trouve] refuge ou répit ».

Dix ans plus tard, alors que François Hollande se rend à son tour à Auschwitz, cette « géhenne [où] l’on meurt à petit feu », pour reprendre les mots d’Aragon, chacune des injonctions de son prédécesseur pourrait être répétée dans les mêmes termes. Avec davantage de vigueur, même. Parce que la parole de « ceux qui prétendent nier l’horreur de ce qui s’est passé » s’est libérée comme jamais. Parce que « la haine, l’intolérance et le fanatisme » prospèrent comme jamais au cœur d’une Europe qui s’était fait la promesse de les abolir. Parce que le crime contre l’humanité trouve à nouveau « refuge », ici où là. Et nourrit des violences, justifie des tueries sans cesse renouvelées, comme on vient de le vivre à Paris.

Face à l’incompréhensible « trou noir d’Auschwitz » dont parlait Primo Levi, le devoir de mémoire, si souvent invoqué, paraît de plus en plus inopérant et impuissant. Il fut un temps où il avait un sens, quand l’époque était à l’amnésie et à l’effacement. Depuis maintenant plus de trente ans, la tendance est plutôt à l’« hypermnésie », comme l’a souvent souligné l’historien Henry Rousso, spécialiste de la mémoire de la seconde guerre mondiale. Au trop peu a succédé une forme de trop-plein. Dans les médias, dans les librairies, à l’école, la Shoah n’a jamais été aussi présente. Pour les enseignants, emmener des élèves à Auschwitz est devenu une habitude. Il n’a jamais été aussi facile de savoir. Et pourtant…

Effet pervers des lois mémorielles

Oui, que s’est-il donc passé ? Comment une société où le « plus jamais ça » a été érigé en impératif catégorique s’est-elle mise à nouveau à sécréter un racisme et un antisémitisme que l’on croyait révolus ? « Comment accepter, comme l’a dit Manuel Valls le 13 janvier, quelques jours après les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, que dans certains établissements on ne puisse pas enseigner la Shoah ? »

Cette impasse du devoir de mémoire s’est heurtée, il faut le reconnaître lucidement, à deux évolutions récentes. D’une part, l’adoption de lois mémorielles qui ont eu un effet pervers. Elles ont conduit d’autres communautés à ériger leur mémoire en Histoire et à entrer dans une détestable compétition « victimaire » avec les juifs. Au risque de nier la singularité absolue du massacre des juifs (et des Tziganes) d’Europe par le régime nazi. D’autre part, les vieux thèmes de l’antisémitisme européen ont été repris avec plus de vigueur que jamais, dans le monde arabe, dans la longue guerre qui l’oppose à Israël. Par tous les canaux de diffusion, notamment sur Internet, cette sinistre rhétorique a envahi certains secteurs des communautés musulmanes d’Europe.

Ce nouvel antisémitisme meurtrier rend plus que jamais nécessaire le rappel de ce qu’a été Auschwitz. Au-delà des principes humanistes et moraux, l’inlassable travail des historiens pour établir la vérité des faits reste la meilleure arme contre les négationnismes.

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