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Législatives en Tunisie: la crainte d'un retour des islamistes au pouvoir

Le drapeau tunisien

Le drapeau tunisien - Fethi Belaïd - AFP

La Tunisie vote ce dimanche pour les premières élections législatives depuis la révolution de 2011, un scrutin crucial pour lequel un vaste dispositif de sécurité sera déployé par crainte d'attaques jihadistes. Une présidentielle suivra le 23 novembre prochain. Notre journaliste revient justement de Tunisie.

Il y a eu la révolution du 11 janvier 2011. Puis deux fois en 2013, de grandes figures de gauche furent abattues par des assassins furtifs, et une espèce de deuxième révolution eut lieu. Le gouvernement Ennahda, et l'assemblée constituante, durent "désislamiser" le texte final de la Constitution et également mettre en place un gouvernement de technocrates depuis le début de 2014.

Le parti Ennahda (Renaissance, islamiste) n'était donc plus formellement à la direction des affaires, et l'islamisation rampante a effectivement ralenti sinon cessé jusqu'à aujourd'hui. Évidemment, la société civile progressiste et laïque veut maintenir leur système politique séculariste, mais cela ne peut se faire par l'éviction électorale d'Ennahda.

Ennahda: le parti islamiste n'est pas l'ami des journalistes et féministes

Car les associations des droits de l'homme et les associations féministes craignent qu'en cas de victoire islamiste, ce sera la fin de la traditionnelle ouverture tunisienne, cette ambiance de rationalisme si fortement enracinée. Le vœu d'Ennahda d'en finir avec tout cela ne laisse aucun doute pour eux. Le parti nie sans cesse vouloir imposer son idéologie sans l'appui du peuple. Toute la tension est là: comment le peuple va-t-il se prononcer? La Constitution verrouille toute dérive rapide vers l'islamisation, mais les progressiste n'ont toujours pas le moral.

"Nous avons goûté aux délices de la liberté"

Écoutons ce que disent ces ONG de la société civile : d'abord les associations de journalistes. Aux débuts d' Ennahda, un journaliste reporter d'image qui a filmé le ministre de la Culture recevant un œuf fut arrêté et incarcéré pour diffamation! Cette ambiance répressive pris fin au cours de cette année 2013 mouvementée. Mais reprend-elle en cas de premier ministre islamiste?

Selon un journaliste tunisien incarcéré sous Ben Ali, Ziad el Heni, de l'Organisation tunisienne des droits de protection des journalistes: "Même si Ennahda passe aux élections, nous avons goûté aux délices de la liberté. Nous résisterions, pour préserver libertés. Nous sommes le quatrième pouvoir et l' opinion publique nous soutient. Dans le secteur public, le journalisme tient. Le problème est pour les chaînes privées, arrosées par l'argent du Qatar, et ces sources de financement ne sont pas divulguées."

Un recul "net et délibéré"

Du côté des associations féministes, qui ne sont pas rares en Tunisie, un son de cloche assez proche. Prenons Cawtar, le Center of Arab Women for Training and Research. La directrice Soukeina Bouraoui estime que le recul sur toutes les questions de genre est "net et délibéré". Ennahda a tenté de faire de la femme "le complément de l'homme", sans en discuter avec les associations de femmes: c'était à prendre ou à laisser.

Ce weekend, les électeurs se choisiront une assemblée nationale de 217 députés, et comme aucun parti n'aura de majorité claire, il ne pourra y avoir ni révolution islamiste, ni coup d'État. La société civile aura encore beaucoup de marge pour forger une Tunisie humaniste.

Harold Hyman, spécialiste en géopolitique