En 2006, à l’occasion d’une rencontre économique franco-chinoise à Tianjin, port situé à l’est de Pékin, l’ancien président Valéry Giscard d’Estaing avait prononcé son discours d’ouverture en chinois.
Si les Français ne parlant pas le mandarin dans la salle n’avaient rien compris, il en avait été de même pour les Chinois. La prononciation et le phrasé de l’homme politique français rendaient incompréhensible ce qu’il pouvait dire, mais, heureusement, sur un écran défilaient le discours en chinois avec les caractères providentiels.
De manière diplomatique, l’agence Nouvelles de Chine avait salué la performance d’un homme ayant décidé d’apprendre une langue si difficile à l’âge de 70 ans. « Même si la prononciation n’est pas encore standard, c’était suffisant pour surprendre tout le monde », jugeait-elle.
Mercredi 22 octobre, de passage à Pékin, c’est le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, qui a surpris son monde en s’exprimant en chinois, qu’il apprend depuis quatre ans. Même s’il a reconnu que son chinois « était horrible », il a pu parler pendant près d’une demi-heure et tenter de répondre aux questions. S’il a expliqué s’y être mis pour pouvoir communiquer avec la grand-mère de sa femme qui ne parle que le chinois, il a aussi souligné que la Chine était « un pays puissant ».
Le niveau d’un enfant de 7 ans
M. Zuckerberg, qui s’est rendu à plusieurs reprises dans le pays, semble vouloir y implanter son réseau social. Ecueil de taille : Facebook est bloqué par les autorités chinoises. Cette prestation en chinois à Tsinghua, berceau des élites, peut aussi être une belle opération de communication pour charmer Pékin. Même si, comme l’a souligné Foreign Policy, il avait le niveau d’un enfant de 7 ans. « Pour emprunter la boutade de Samuel Johnson, il ressemblait à un chien qui marche sur ses pattes arrière : ce n’était pas terrible, mais c’était surprenant qu’il réussisse à le faire », a conclu le site.
Même si le chinois de Zuckerberg laisse à désirer, nul doute que ses efforts seront appréciés dans un pays comme la Chine. L’empire du milieu, volontiers « narcissique », aime voir des étrangers tenter de maîtriser sa langue, au point de parler « comme un Chinois ». De nombreux étrangers sont des vedettes en Chine, mais totalement inconnus dans leurs pays d’origine, en raison de leur maîtrise de l’art du « xiangsheng », un dialogue comique entre deux acteurs, qui joue notamment sur les jeux de caractères. Comme le Français Julien Gaudfroy.
Un Américain avait obtenu un succès d’estime avec une parodie de Gangnam Style, intitulé « Laowai Style » (« laowai » est le terme d’argot utilisé pour désigner les étrangers), jouant sur les clichés associés aux étrangers en Chine : « Je suis le genre de laowai qui ne conduit pas une BMW mais un vélo d’occasion »…
Du côté des dirigeants politiques ou économiques, peu d’étrangers manient le chinois avec fluidité (liuli en mandarin), une langue où la moindre faute de ton peut entraîner des incompréhensions terribles ou des confusions embarrassantes : vous pensiez demander un crayon (bi au troisième ton), mais vous vous retrouvez à évoquer le vagin (bi au premier ton).
Langue de bois ?
L’un des rares à pouvoir revendiquer une maîtrise parfaite est l’ancien premier ministre travailliste australien, Kevin Rudd, qui a étudié le mandarin, mais se permet de plaisanter (« La seule chose qu’il faut craindre, c’est que Kevin Rudd parle chinois ») avant d’entamer un discours parfaitement maîtrisé, comme ici en janvier à Harvard, aux Etats-Unis.
D’ailleurs, vendredi sur son compte Sina Weibo, Kevin Rudd a salué, en chinois, les efforts du fondateur de Facebook :
« Je suis très heureux de voir Zuckerberg essayer de parler chinois à l’université Tsinghua, c’est très bien. D’autres Occidentaux devraient s’inspirer de Mark, apprendre le chinois et comprendre la Chine, car l’avenir de la Chine est notre avenir commun. »
En France, le président du directoire de Schneider Electric, Jean-Pascal Tricoire, s’est mis au chinois. En 2011, à Pékin, pour les dix ans de l’entrée de la Chine à l’OMC, il avait prononcé un discours en chinois, où il avait démontré qu’il avait également réussi à maîtriser la langue de bois typique des dirigeants du Parti communiste.
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