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Au Mexique, fin de partie pour « La Tuta », chef d’un cartel entre secte et mafia

Servando Gomez, ancien instituteur, dirigeait les Chevaliers templiers, une organisation criminelle basée dans l’ouest du pays.

Par  (Mexico, correspondance)

Publié le 27 février 2015 à 18h03, modifié le 19 août 2019 à 13h18

Temps de Lecture 3 min.

Des policiers fédéraux surveillant

Fin de cavale pour Servando Gomez, chef du cartel mexicain des Chevaliers templiers. Vendredi 27 février, celui qu’on surnomme « La Tuta », a été arrêté dans la ville de Morelia, capitale de l’Etat du Michoacan (ouest du Mexique), fief de son étonnante organisation criminelle, à la fois secte et mafia. Cet ancien instituteur de 49 ans, décrit comme un stratège ultraviolent, a longtemps fait trembler les hommes politiques en diffusant sur le Web des vidéos révélant ses réseaux de corruption.

Aucun coup de feu n’a été tiré lors de la capture de « La Tuta », vendredi à l’aube, dans une maison d’un quartier populaire de Morelia. Le criminel le plus recherché du Mexique, dont la tête était mise à prix 30 millions de pesos (1,8 million d’euros) par le gouvernement, était à la tête d’une organisation mafieuse d’un genre nouveau. Fondé en 2011, le gang des Chevaliers templiers impose un code moral et religieux à ses membres, contraints de manger du cœur humain lors de rites initiatiques. Spécialisé dans le trafic de méthamphétamines vers les Etats-Unis, le cartel a étendu ses activités aux enlèvements, au racket des producteurs de citrons ou d’avocats du Michoacan et à l’exportation frauduleuse de minerai de fer vers l’Asie.

Son profil criminel, réalisé par le ministère public, le décrit comme un manipulateur, fan de combats de coqs, et un superstitieux, adepte du tarot.

Né le 6 février 1966 dans la ville d’Arteaga, dans le sud du Michoacan, M. Gomez, a été instituteur avant de se consacrer, corps et âme, au début des années 2000, au trafic de drogue. « J’avais un travail très sain et très honnête, mais il ne satisfaisait pas mes aspirations », justifiait-il dans une bande audio diffusée le 2 février sur les réseaux sociaux. Surnommé aussi « El Profe » (Le Prof), M. Gomez a continué de percevoir jusqu’en 2010 un salaire versé par l’éducation nationale. Pourtant, quatre ans plus tôt, il était déjà identifié par la police comme un des fondateurs du cartel de La Familia Michoacana, réputé pour décapiter ses ennemis. Son profil criminel, réalisé par le ministère public, le décrit comme un manipulateur, fan de combats de coqs, et un superstitieux, adepte du tarot.

Producteur de vidéos

Fin 2010, une lutte interne au sein de La Famila Michoacana l’incite à quitter ses rangs pour créer le cartel des Chevaliers templiers aux côtés de Nazario Moreno Vargas, alias « El Chayo », chef messianique de cette nouvelle mafia sectaire inspirée de l’ordre médiéval des Templiers. À la mort de ce dernier en mars 2014, « La Tuta » prend les rênes du cartel. Pour se protéger d’éventuelles trahisons politiques et médiatiques, ce fin stratège avait pris l’habitude de se transformer en producteur de vidéos distillées sur le Web et les réseaux sociaux.

Une casquette de baseball vissée en permanence sur la tête, M. Gomez s’adressait ainsi à la population assurant être « un mal nécessaire » face aux autres organisations criminelles et au vide laissé par l’Etat. Sans compter ses vidéos tournées en caméras cachées où on le voyait en compagnie d’élus, syndicalistes ou hommes d’affaires, dont Rodrigo Vallejo, fils de l’ancien gouverneur du Michoacan, Fausto Vallejo. La simple apparition de ces personnalités dans ces vidéos les rendait complices supposés du narcotrafiquant. Au point d’entraîner la démission de Jésus Reyna, gouverneur intérimaire du Michoacan en 2013. Diffusée en septembre dernier, une de ces vidéos montre le correspondant local du géant de l’audiovisuel, Televisa, conseiller « La Tuta » sur sa communication, avant d’accepter l’argent du narcotrafiquant.

Son arrestation était une des principales revendications des groupes d’autodéfense, fondée début 2013 par des habitants du Michoacan, excédés par l’incapacité des autorités à les protéger contre les Chevaliers templiers. Traqué, le fugitif aurait passé des mois dans les montagnes, avant de se rendre à Morelia dans le but de réaliser une opération chirurgicale destinée à changer son visage et sa voix. « Son arrestation marque la fin de l’ère d’une organisation qui contrôlait d’importantes structures gouvernementales », s’est félicité dans les médias le politologue Salvador Maldonado. Un joli coup de filet pour le président, Enrique Peña Nieto, qui coïncide avec son premier remaniement ministériel, après la destitution du ministre de la justice, Jésus Murillo Karam. Ce dernier était contesté dans sa gestion de la disparition de 43 étudiants, enlevés cinq mois plus tôt par des policiers véreux dans l’Etat de Guerrero, voisin du Michoacan.

De là à annoncer la fin du cartel des Chevaliers templiers, il n’y qu’un pas que M. Maldonado refuse pourtant de franchir : « Des chefs régionaux pourraient prendre vite la relève. » Le nom de Homero González Rodríguez, surnommé « El Gallito », cousin d’« El Chayo » est déjà évoqué dans les médias comme successeur probable de la « Tuta ».

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