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Vingt ans de réclusion pour l'auteur de la tuerie de Bozel, en Savoie

JEAN-PIERRE CLATOT/AFP

Jordan Lénisa comparaissait devant les assises de Chambéry pour le meurtre de son père et de ses deux frères en 2012 alors qu'il avait 24 ans. Il a expliqué son geste par «la haine» qu'il éprouvait pour son père. Sa mère et sa sœur ont évoqué l'héritage familial.

La cour d'assises de Chambéry a condamné Jordan Lénisa à vingt ans de réclusion criminelle, assortis d'une peine de sûreté de treize ans pour l'assassinat de ses deux frères et de son père. Le jeune homme a également été reconnu coupable de tentative d'assassinat sur sa mère. Les motivations qui ont conduit Jordan Lénisa à passer à l'acte restent toutefois floues à l'issue de son procès.

L'avocat général avait requis trente ans de réclusion criminelle avec une période de sureté de vingt ans. «J'ai la conviction que vous auriez tué toute votre famille si les circonstances s'y étaient prêtées», a déclaré Jacques Dallest lors de son réquisitoire, en décrivant un «dossier qui nous confond d'horreur et d'incompréhension». Avant de nuancer: «Jordan Lénisa, vous n'êtes pas un monstre. Vous êtes un jeune homme tombé dans le meurtre.»

De la «haine» pour son père

Les faits remontent au 26 juillet 2012 au sein du chalet familial à Bozel, un village de 2.000 habitants en Savoie. Âgé de 24 ans à l'époque, Jordan Lénisa se trouve seul, ce jour-là, avec ses deux petits frères. A l'aide d'un un pistolet automatique de calibre 6,35 mm, il commence par abattre Benjamin, 17 ans, d'une balle dans la tête en se positionnant derrière lui. Puis c'est au tour de son frère cadet de tomber sous les balles de Jordan, la veille de son huitième anniversaire. Une petite heure plus tard, son père, Florent Lénisa, regagne le domicile familial. Alors qu'il consulte ses mails à son bureau, il reçoit une balle dans le dos.

Lors du procès, Jordan a raconté qu'il éprouvait de «la haine» pour son père qui «le rabaissait» continuellement. Il a assuré avoir «entendu une voix» qui lui disait de tuer aussi ses deux frères. Il a affirmé en revanche qu'il ne souhaitait ni la mort ni de sa mère, ni celle de sa sœur, Charlène, 22 ans, qui se trouvait à Annecy au moment du drame. Michelle Lénisa , la mère de famille, a pourtant bien failli faire partie des victimes. A son retour au domicile, quelques minutes après la tuerie, Jordan avait tenté de l'étrangler. Après s'être débattue, elle avait réussi à lui échapper.

«Moi, je ne joue pas au loto, je joue à l'héritage»

La veille de la tuerie, Jordan avait montré l'arme du crime à ses amis, l'air bravache, «mort de rire», tout en leur annonçant qu'il allait tuer sa famille et bénéficier de l'héritage: «Moi, je ne joue pas au loto, je joue à l'héritage.» Pour sa mère et sa sœur, rescapées de la tuerie, et qui s'étaient constituées «parties civiles», Jordan en voulait à la fortune du père, acquise en brevetant un procédé d'isolation de murs et de façades. Pas de doute pour elles: Jordan a agi «pour l'argent» car «il en voulait toujours plus». La famille, très aisée, possédait deux Ferrari, et Jordan, garçon flambeur et oisif, avait à de nombreuses reprises montré son intérêt pour l'héritage familial.

S'il conteste avoir voulu tuer sa mère, c'est pour pouvoir toucher l'héritage, a même assuré Me Christophe Cossonnet, avocat de la famille. «S'il est condamné pour tentative d'assassinat sur sa mère, il sera frappé d'indignité successorale, il ne pourra pas toucher les millions: c'est pour cela qu'il conteste», a-t-il lancé. «J'ai pas tué pour l'héritage», s'est défendu Jordan lors du procès, tout en reconnaissant s'être renseigné sur le sujet sur internet.

«A la crête de la schizophrénie»

«Le rapport à l'argent est sans doute ce qu'il y a de plus trouble dans ce dossier», a reconnu l'avocat général Jacques Dallest. Mais pour lui, «les raisons profondes de l'acte» sont «psychologiques évidemment», a-t-il estimé, citant un «sentiment d'abandon» ou «la rivalité avec les frères».

«Si ce garçon était capable de verbaliser ce qu'il s'est passé, croyez-vous qu'il aurait commis ces crimes?», s'est interrogée Me Florence Vincent, avocate de l'accusé, face aux demandes d'explications des parties civiles. «Ce serait nier ses troubles de la personnalité», a-t-elle ajouté, rappelant que le jeune homme était «à la crête de la schizophrénie», les experts ayant décrit une «personnalité schizoïde». «Il n'est pas fou, il est atteint de troubles psychiques qui ont altéré son discernement», a d'ailleurs souligné l'avocat général. La cour a d'ailleurs pris en compte cette altération du discernement dans son verdict.

Pendant tout son procès, le jeune homme est apparu le regard noir, le teint blafard et la posture figée, s'enferrant souvent dans ses contradictions. Sa froideur face à son ex-petite amie en larmes, qui l'accusait de viol et d'agression, a particulièrement marqué les débats. Ce jeudi soir, avant que la cour ne se retire, il a «demandé pardon» à sa mère et sa sœur «pour le mal» qu'il leur a fait.

Avec AFP

Vingt ans de réclusion pour l'auteur de la tuerie de Bozel, en Savoie

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19 commentaires
  • lyncky

    le

    Je ne comprends pas que ce gars soit libérable un jour ! avec un changement de gouvernement peut être aurons nous un jour une vraie justice ...

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