Brighelli - Collège : une réforme contre le réel

Samedi 10 octobre, les enseignants manifestent contre la réforme du collège et le mépris souriant de leur ministre. Voici pourquoi Brighelli y sera.

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Une tribune signée de savants, chercheurs, académiciens, artistes dénonce la réforme de Najat Vallaud-Belkacem, qui repose sur des présupposés idéologiques dépassés. © CITIZENSIDE/YANN BOHAC

Temps de lecture : 4 min

Les pseudo-z-intellectuels se suivent et se ressemblent : ils pensent que la réforme du collège n'était ni faite ni à faire, et que « malgré tous les sourires de la ministre de l'Éducation nationale et de l'Enseignement supérieur et les coups de menton du Premier ministre, elle constitue déjà un échec ». C'est ce qu'affirme, dans un article-pétition du Journal du dimanche, une bande déchaînée de dangereux contestataires, chercheurs, membres de l'Institut, académiciens, hommes de théâtre et j'en passe.

Un modèle dépassé

« Le principal adversaire de la ministre, c'est le réel » : tel est l'argument de base de ces terroristes de la pensée. « La réforme, disent-ils après tant d'autres, repose sur un déni de réalité et procède d'un aveuglement idéologique obstiné. » Najat Vallaud-Belkacem et les puissantes inintelligences du ministère se sont inspirées du modèle suédois, mis en place dès les années 1990, et dont on sait aujourd'hui qu'il se conclut, vingt ans plus tard, sur un échec total et une régression spectaculaire des savoirs : ce n'est pas moi, inexpiable polémiste que je suis, qui le dis, c'est l'OCDE - encore un nid de terroristes de l'intellect. À croire qu'en éducation aussi, ailleurs, l'herbe est plus verte. Mais voilà, le réel revient en force. Et on ne l'évacue pas avec un sourire peint sur un visage.

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Que dit le réel ? Que l'égalitarisme, quand il devient prêchi-prêcha, tue non seulement l'excellence, mais la possibilité même que des élèves ordinaires parviennent au plus haut de leurs capacités. Ce ne sont pas seulement les sales fils de bourgeois (à l'exclusion des bourgeois de la rue de Solférino, qui savent dans quelles écoles inscrire leurs rejetons), ceux qui font latin et allemand dans des classes bi-langues, que le ministre a dans son collimateur : ce sont les déshérités de la culture, tous ceux qui ne sont pas nés avec une cuillère en argent dans la bouche.

Le latin, c'est moderne

La ministre ignore-t-elle que le latin est la troisième langue la plus étudiée au collège ? Soit les élites sont majoritaires dans ce pays, soit il faut bien que les élèves et leurs familles trouvent dans cet idiome ancien un mode d'accès à la modernité, à la culture humaniste mais aussi à la science, comme le révélait en 2007 une note rédigée entre autres par Pascal Charvet, un inspecteur général qui aujourd'hui encore n'a pas baissé les bras (et pendant ce temps-là, que font les autres inspecteurs généraux ?). Le latin est un « laboratoire scolaire de la modernité », prétendent aujourd'hui ces abominables extrémistes de l'Institut.

Et ce n'est pas Jean-Pierre Demailly, signataire lui aussi, et qui avait ici-même exprimé son point de vue de mathématicien sur les actuels programmes de maths, qui les démentira.

Ébahissement des universitaires

Parmi les signataires, je relève le nom de Michel Zink, l'un de nos meilleurs spécialistes des langues et littératures médiévales - un pseudo-z-universitaire probablement. Il y a quatre mois, il s'était ironiquement interrogé ici-même sur la compétence ministérielle. Il réitère aujourd'hui, encadré d'un quarteron d'agitateurs : l'interdisciplinarité, panacée des ignorants du ministère, est la dernière recette pour anéantir les disciplines. Sans compter, comme le notent en ce moment les chefs d'établissement, dans toutes les réunions suscitées dans tous les rectorats pour vendre cette réforme invendable, que la mise en place des EPI sera un casse-tête chinois au niveau des emplois du temps. Si Daniel Mesguich, certainement l'un de nos plus grands metteurs en scène de théâtre - et auquel nous devons tant d'extraordinaires souvenirs -, signe cette tribune, c'est que le théâtre ne se satisfait pas de bricolages : un spectateur se fabrique dès l'enfance, par la lecture et l'étude des grands textes - pas dans l'agitation d'un gloubi-boulga pédagogique. Mais peut-être Mesguich n'a-t-il pas lu Michel Zakhartchouk, ce phare de la pensée constructiviste, ni Laurence de Cock ou Véronique Servat, grandes prêtresses de la désinstruction nationale, qui protestent si fort aujourd'hui contre la réécriture des programmes d'Histoire.

Pour une vraie réforme du collège

Non qu'une réforme du collège ne soit pas nécessaire : l'enseignement en France cherche depuis quinze ans à toucher le fond mais creuse encore. Oui, quinze ans : certains des signataires de la pétition de dimanche participaient déjà, en 2000, avec d'autres mécontemporains, à un colloque organisé par Sauver les Lettres, une association de profs qui n'a vraiment aucun - mais alors aucun - lien avec la droite. Mais Mme Vallaud-Belkaem vit dans un mode à deux tons, où tout ce qui n'est pas pour elle est forcément d'extrême droite.

Alors oui, et dix fois plutôt qu'une : il faut participer massivement à la manifestation de samedi prochain. Rendez-vous à 13 h 30 au métro Port-Royal, et en route vers la rue de Grenelle : les citadelles des certitudes idéologiques sont les plus difficiles à démanteler, mais le peuple français a déjà accompli de plus rudes tâches. Et j'y serai.

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Commentaires (18)

  • le Papou

    Décidément, dans ce gouvernement, les conseillers en communication ont pris le pouvoir et ils tirent les ficelles des ministres-marionnettes qui s'agitent sur le devant de la scène en exhibant leurs dents blanches.
    Oui, c'est bien le mépris souriant : les socialistes ont, une fois pour toutes, le monopole de la vérité et n'acceptent aucune contradiction. En face d'eux, pas d'adversaires mais des ennemis à abattre par tous les moyens et, à défaut d'arguments, il faut les discréditer : "pseudo-intellectuels"...
    Comme débat d'idées, il y'a mieux : quelle décadence !

  • Viviane M

    En effet, que propose-t-elle pour améliorer la lecture ? Les résultats d'une étude qui s'appuie sur les pratiques de 141 enseignants de CP "LIRE-ECRIRE" qui dit que la méthode utilisée fait 16% du problème. Les bonnes pratiques consistent en une alchimie où on apprend à un rythme soutenu le décodage (un autre mot pour le syllabique), et en même temps écriture, expression, dictée, explication de sens, ... Qui peut être contre cela ?
    Qu'est la base de la réforme du collège ? Un programme atteignable par tous avec lequel on pourra faire progresser tout le monde, ceux qui n'ont pas les fondamentaux avec un soutien adapté et les meilleurs en leur donnant des défis au niveau de leur curiosité.
    Oui l'enseignement du latin a des impacts utiles pour ceux qui y ont le droit. Personne ne le nie. Mais, quand je fais la liste des enseignements qui peuvent être utile aux élèves, j'arrive à 70 heures par semaine. Et ce n'est pas le latin que je garde. Mais la connaissance de la société actuelle, dans ses domaines techniques, organisationnels et sociologiques. D'autant plus que la façon de pratiquer le latin regrettée par les intellectuels n'existe plus depuis 10 ans. Et que le rôle du latin et son mode de construction sera enseigné à tous dans un EPI.
    Par ailleurs, la ministre a déjà cédé aux revendications corporatistes des profs de latins, l'option latin sera possible.
    Aujourd'hui, 97% des élèves qui arrivent au collège en maîtrisant insuffisamment la lecture et l'expression ne progressent pas pendant les années Collège. Il faudrait penser à ces élèves là et regarder ce qu'il y a vraiment dans la réforme.

  • Piote64

    Qu'ils soient nombreux samedi ceux qui refusent le sacrifice de la culture humaniste sur l'autel d'un humanitarisme qui confond l'égalité et l'égalitarisme

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