Orchestre des jeunes Demos : des quartiers défavorisés à la Philharmonie de Paris

Près de 3 000 enfants des quartiers apprennent le classique grâce à un dispositif novateur. Ce week-end, une partie joue à la Philharmonie de Paris.

Philharmonie de Paris (XIXe), mercredi. « J’ai un peu le trac », confiait Anna, 9 ans, qui répétait avec ses copains de Pantin (Seine-Saint-Denis) avant de se produire sur scène, hier soir. La petite fille apprend le tuba grâce au programme Demos.
Philharmonie de Paris (XIXe), mercredi. « J’ai un peu le trac », confiait Anna, 9 ans, qui répétait avec ses copains de Pantin (Seine-Saint-Denis) avant de se produire sur scène, hier soir. La petite fille apprend le tuba grâce au programme Demos. LP/FRÉDÉRIC DUGIT

    Dans ses petits bras, son tuba a l'air énorme. «J'ai choisi cet instrument pour son gros son», fanfaronne Anna, 9 ans, avant de s'avancer aux côtés d 'une centaine d'autres enfants sur la scène de la Philharmonie, à Paris, là même où se produisait une semaine plus tôt le London Symphony Orchestra. Anna n'est pourtant pas (encore) une virtuose.


    La première fois qu'elle a touché un instrument, c'était il y a à peine deux ans. La fillette participe à Démos. Ce programme permet à près de 3 000 enfants issus de quartiers défavorisés ou de zones rurales en manque d'équipements culturels d'apprendre gratuitement la musique avec des professionnels. Le dispositif, qui a débuté en 2010, essaime aujourd'hui dans toute la France.


    Mercredi, Anna répétait une dernière fois avec ses copains de Pantin (Seine-Saint-Denis), avant le grand concert de samedi soir. «J'ai un peu le trac», confie-t-elle. «Pour ce public qu'on dit éloigné de la musique classique, c'est une expérience exceptionnelle», souligne Laurent Bayle, le directeur de la Philharmonie, à l'origine du projet. Pour les parents aussi, assister au bouquet final, dans ce temple du classique, a quelque chose de magique. La plupart n'étaient jamais entrés dans un lieu aussi prestigieux. En tout, onze orchestres comme celui d'Anna vont se produire jusqu'à ce soir. Par quel miracle des enfants qui ne connaissaient rien au solfège il y a quelques mois arrivent-ils à jouer ?

    Les instruments sont prêtés ou donnés

    Les morceaux ont été un peu simplifiés et l'interprétation est appuyée par une poignée de pros. Mais le secret tient surtout à une pédagogie novatrice. «Contrairement aux conservatoires, nous les plongeons directement dans le bain. Ils pratiquent d'abord, par mimétisme. La théorie vient ensuite. Elle est introduite très progressivement, à partir de la deuxième année», détaille Joël Soichez, chef d'orchestre.


    Les cours sont assez intensifs : quatre heures par semaine réparties en deux séances. Exclusivement collectifs, ils ont lieu pour l'essentiel dans des centres sociaux. Les instruments sont prêtés, souvent même donnés, par la Philharmonie, dont le budget de 7,8 millions d'euros par an est financé aux deux tiers par des subventions publiques et le reste par des mécènes. «Quand je vais les chercher à la sortie de l'école pour les emmener à la musique, je suis toujours surpris de voir à quel point ils y vont avec entrain», témoigne Abdoulaye Sylla, animateur à Bondy (Seine-Saint-Denis). «La motivation, ce n'est effectivement pas un problème. En revanche, il faut parfois faire un peu de discipline», lâche Daniele Latini, qui enseigne la clarinette.

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    Dania, 9 ans, est la première de sa famille à jouer d'un instrument. Elle a choisi la flûte traversière. Elle ne se contente pas des cours mais répète aussi beaucoup chez elle. «On les incite à le faire, mais ce n'est pas obligatoire, car nous savons très bien qu'il y a des situations familiales qui ne le permettent pas», commente avec pudeur Daniele Latini. Comme près d'un inscrit sur deux, Dania compte poursuivre la musique à l'issue des trois ans du cycle Démos.

    La rentrée en fanfare ?