Cet homme, également soupçonné d'être impliqué dans une tentative d'incendie à l'extérieur du même établissement le 9 janvier, a été placé en garde à vue du chef de "dégradations volontaires par incendie", a précisé le parquet

Emmanuel Macron a ses habitudes à La Rotonde, un restaurant où l'on peut croiser un "Tout-Paris" plus intello que "tape-à-l'oeil".

Wikimedia / LPLT / CC BY-SA 3.0

Des banquettes d'un velours rouge pétant, de belles boiseries, un éclairage un tantinet tamisé et la plus belle collection de faux Modigliani de Paris. Bienvenue à La Rotonde, célèbre brasserie du boulevard Montparnasse, dans le VIe arrondissement. C'est dans ce cadre qu'Emmanuel Macron a fêté dimanche avec Line Renaud, Jacques Attali, Stéphane Bern, Pierre Arditi, Romain Goupil, sa femme Brigitte et d'autres proches son résultat du premier tour de la présidentielle 2017.

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ÉDITO >> Macron, La Rotonde et le banquet des conséquences

"La Rotonde, ce n'est pas totalement le Fouquet's", a tenu à rappeler ce lundi matin sur BFMTV Gérard Collomb. Depuis dimanche soir, les troupes du candidat d'En Marche! sont en opération déminage. Ils soulignent les différences avec le restaurant des Champs-Elysées, où Nicolas Sarkozy avait fêté sa victoire de mai 2007. Rive gauche contre rive droite. Menus d'une quarantaine d'euros contre le double. Absence contre présence de grands patrons.

"C'est mon plaisir d'inviter mes secrétaires, mes officiers de sécurité, les politiques, les écrivains, les femmes et les hommes qui modestement, depuis le premier jour m'accompagnent, (...) c'était mon moment du coeur, a-t-il expliqué en sortant de l'établissement, passablement agacé, à l'émission Quotidien. Je crois qu'au Fouquet's, il n'y avait pas beaucoup de secrétaires, d'officiers de sécurité."

En novembre, Paris Match y évoquait les plateaux de fruits de mer partagés ici avec son épouse Brigitte. En terrasse, côté brasserie ou côté restaurant, au rez-de-chaussée ou dans l'une des salles privatisables de l'étage, Emmanuel Macron est ici chez lui. Il y a ses habitudes depuis plusieurs années, pour le plaisir ou le travail.

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La brasserie a ainsi donné son nom au groupe d'économistes (Jean Pisani-Ferry, Philippe Aghion, Elie Cohen, Gilbert Cette) qu'animait le jeune banquier de 33 ans au deuxième semestre 2011. Leurs propositions ont alimenté François Hollande pendant la primaire socialiste. L'actuel président connaît bien La Rotonde. Avec ses proches, il y avait fêté, le 16 octobre 2011, sa victoire pour l'investiture du PS face à Martine Aubry.

Les responsables socialistes affectionnent depuis longtemps La Rotonde. Dominique Strauss-Kahn y a été aperçu en compagnie de Jérôme Cahuzac en 2013 et fréquente l'établissement en voisin. En 2010, L'Express racontait comment Ségolène Royal et Martine Aubry, dans une des salles de l'étage, y avaient tenu l'un des rendez-vous qui leur ont permis d'enterrer la hache de guerre.

Le "Tout-Paris" intello

Les politiques ne forment qu'une fraction de ses habitués. On peut régulièrement y apercevoir l'académicien Alain Finkielkraut et une flopée d'essayistes, d'écrivains, de journalistes, d'éditorialistes et de gens du spectacle. "Mettre la noble Rotonde et le clinquant Fouquet's sur le même plan est une honte pour l'esprit, l'estomac et la raison", a ainsi tweeté le philosophe et animateur Raphaël Enthoven.

Fayard et Albin Michel y ont quasiment table. On y croise le "Tout-Paris" de l'édition qui, au dire d'un habitué, affectionne particulièrement les boxes - où l'on est entre soi tout en étant vu -, la qualité de l'assiette et du service, garantie par la constance de la maison. Depuis 25 ans, elle est gérée par deux frères, Gérard et Serge Tafanel, troisième génération de ces Auvergnats régnant sur une partie de la restauration parisienne depuis un siècle.

Emmanuel Macron et Jacques Attali fêtent les résultats du 1er tour au resturant La Rotonde à Paris, le 23 avril 2017

Emmanuel Macron et Jacques Attali, à La Rotonde, le 23 avril 2017.

© / afp.com/GEOFFROY VAN DER HASSELT

"Ce n'est pas un lieu trop arrogant, la richesse n'y est pas ostentatoire comme au Fouquet's. Cela a toujours été un lieu d'intellos, de tolérance, ouvert sur le monde, considère Olivier Renault, auteur de Montparnasse, les lieux de légende, aux éditions Parigramme. Cela colle bien avec le profil d'Emmanuel Macron, un homme cultivé qui possède une base philosophique [il a été assistant de Paul Ricoeur]. Mais attention, ce n'est pas Belleville non plus."

Les regards critiques y voient un tout autre symbole. "C'est un lieu emblématique d'Emmanuel Macron, qui se veut ni de gauche, ni de droite, ni public, ni privé, estime la sociologue Monique Pinçon-Charlot, auteure d'une Sociologie de Paris (La Découverte) et de nombreux livres sur les élites, en collaboration avec son mari, Michel Pinçon. Il objective dans l'espace urbain son appartenance à une oligarchie. Ici, rive gauche, le luxe et l'argent ont pris le pas sur la culture."

Le souvenir de la Bohème et des Années folles

Car les copies de Modigliani n'ont pas été accrochées par hasard sur les murs de La Rotonde. Le peintre sans le sou était l'un des habitués de la période bohème de l'établissement, lors de la décennie qui a suivi son ouverture en 1911. Il y retrouvait Soutine, Picasso, Cendrars et d'autres. Là où Macron rayonnait dimanche soir, Trotski et Lénine ont probablement bu un verre. "Il n'existe pas de preuve formelle, mais de bonnes chances qu'ils y soient passés, parce qu'ils ont bu partout dans le quartier", précise Olivier Renault.

La Rotonde fut ensuite un lieu emblématique du Montparnasse des années folles, avec Le Sélect, Le Dôme et La Coupole, à quelques foulées à peine. Leurs décors attirent encore de nombreux touristes, venus s'attabler aux mêmes terrasses qu'Ernest Hemingway ou Henry Miller. "A La Rotonde, on leur montre la table de Foujita [peintre franco-japonais emblématique des années 20], alors qu'il en changeait tout le temps", s'amuse Olivier Renault. Bientôt, peut-être, leur en indiquera-t-on une autre. Celle où l'on pouvait apercevoir Emmanuel Macron.

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