Hillary Clinton a tranché. La future candidate démocrate a jugé que l’élection présidentielle du 8 novembre se gagnera au centre et a pour cette raison choisi comme colistier le sénateur de Virginie Tim Kaine. L’annonce en a été faite vendredi 22 juillet, trois jours avant le début de la convention d’investiture prévue à Philadelphie (Pennsylvanie), du 25 au 28 juillet.
Le sénateur « coche » il est vrai toutes les cases nécessaires. Elu d’un « swing state » – un Etat qui peut alterner, d’un scrutin à l’autre, entre les deux partis dominants –, ancien gouverneur, actuel membre de la prestigieuse commission des affaires étrangères du Sénat, il jouit d’une réputation d’intégrité apparemment à toute épreuve, parle couramment l’espagnol et partage l’essentiel des convictions politiques de l’ancienne secrétaire d’Etat.
Sa fiche d’identité politique serait parfaite en année électorale ordinaire. Elle peut en revanche alimenter des interrogations dans une campagne qui ne ressemble pour l’instant à aucune autre.
Passablement rasoir
La première renvoie à l’image de bosseur invétéré que cultive ce catholique revendiqué. Une critique a d’ailleurs fusé dès que son nom a commencé à circuler pour le poste de vice-président : Tim Kaine serait passablement rasoir. Pas véritablement un atout pour harceler le « ticket » républicain, composé du plus grand imprécateur qu’aient jamais connu les Etats-Unis, Donald Trump, et d’un moine soldat conservateur, Mike Pence, le gouverneur de l’Indiana.
Interrogé sur ce point par Chuck Todd de NBC, le 26 juin, le sénateur s’était bien gardé de démentir. « Je SUIS ennuyeux », avait-il revendiqué, avant d’ajouter avec humour que les gens ennuyeux appartenaient selon lui à la catégorie démographique connaissant la plus forte croissance des Etats-Unis.
La seconde interrogation découle de la course à l’investiture démocrate qui a opposé de longs mois durant Mme Clinton au sénateur indépendant du Vermont, Bernie Sanders.
Pour s’assurer le report de l’électorat enthousiaste et exigeant qui avait entretenu la combativité de M. Sanders, l’ancienne secrétaire d’Etat ne devait-elle pas chercher du côté de l’aile gauche démocrate ? M. Kaine a voté en faveur de pouvoirs accrus pour M. Obama en matière de traités commerciaux sans dire s’il sera au final favorable ou opposé au projet d’accord de libre-échange négocié avec les pays riverains du Pacifique. Il est donc peu probable que sa prudence suscite l’engouement des supporteurs du sénateur du Vermont.
Limiter les pertes
Pour les séduire, le nom de la sénatrice du Massachusetts, Elizabeth Warren, avait souvent été avancé. Il n’a pas été retenu, vraisemblablement pour des raisons de stratégie politique, mais aussi parce qu’il s’agissait d’une femme. Mme Clinton semble avoir considéré qu’être la première candidate susceptible d’entrer à la Maison Blanche était un symbole suffisamment fort en soi. C’est ainsi qu’ont été écartés les autres symboles qu’auraient été le choix de latinos membres de l’actuelle administration, les secrétaires au logement et au travail Julian Castro et Thomas Perez, comme encore celui du jeune sénateur afro-américain Cory Booker (New Jersey).
Tim Kaine a pour objectif électoral de limiter les pertes pour Mme Clinton dans l’électorat masculin blanc sur lequel M. Trump règne en maître, et où le milliardaire espère compenser ses déficits criants auprès des femmes et des minorités. Si l’électeur républicain modéré peut d’ores et déjà être passé par pertes et profits, la personnalité de M. Kaine peut en revanche rendre le « ticket » démocrate plus acceptable chez certains indépendants.
Kaine n’a jamais perdu une élection
Le futur candidat à la vice-présidence est né en 1958 à Saint Paul (Minnesota) au sein d’une famille catholique très pratiquante d’origine irlandaise et a grandi à Kansas City (Missouri). Son père y dirige une petite fonderie où les enfants sont tenus de donner des coups de main.
Passé par l’université du Missouri, il rejoint plus tard la prestigieuse école de droit de Harvard, dont il sort diplômé en 1983. Auparavant, il s’est accordé un congé sabbatique pour enseigner dans un établissement tenu par les jésuites au Honduras.
Devenu avocat, Tim Kaine exerce pendant plus d’une décennie avant de se tourner vers la politique, avec succès puisqu’il n’a jamais perdu une seule élection. Adversaire de la peine de mort, il ne s’est pourtant pas opposé à l’exécution de onze condamnés lors de son mandat de gouverneur à la tête d’un Etat devancé seulement par le Texas au chapitre de la peine capitale.
Opposé personnellement à l’avortement, il estime que la décision d’y recourir ou pas doit être laissée à l’appréciation des personnes concernées et conteste toute intervention de l’Etat en la matière.
Une vieille controverse
En 2007, il a été confronté comme gouverneur à la fusillade de Virginia Tech dans laquelle trente-deux personnes avaient été tuées. Il défend un meilleur encadrement du marché des armes à feu et des restrictions pour les armes de guerre et les chargeurs de grande capacité.
L’équipe de campagne du magnat de l’immobilier a réagi, vendredi, à cette nomination en exhumant une vieille controverse qui ne semble pas être de nature à nuire véritablement au sénateur de Virginie.
Pendant son passage aux postes de lieutenant-gouverneur, puis de gouverneur de Virginie, de 2001 à 2010, M. Kaine a accepté des dons d’amis pour un montant total de 160 000 dollars (146 000 euros), principalement pour financer des déplacements professionnels. Ces dons étaient parfaitement légaux et ils ont toujours été déclarés par l’intéressé.
Le camp républicain a aussi assuré que le choix du sénateur était l’aveu de l’incapacité de « Hillary-la-malhonnête et de Kaine-le-corrompu » à réformer un système politique jugé « pourri ».
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