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Qui est Viktor Orban, le premier ministre qui veut arrêter les migrants en Hongrie ?

Alors que son pays est le théâtre de scènes d’exode inédites, l’homme fort hongrois a fait renforcer la législation anti-migrant.

Le Monde

Publié le 04 septembre 2015 à 17h41, modifié le 04 septembre 2015 à 20h52

Temps de Lecture 5 min.

Le premier ministre Viktor Orban le 3 septembre à Bruxelles.

Un mur de barbelés de 175 km entre la Hongrie et la Serbie voisine, et maintenant une loi, votée vendredi 4 septembre, qui criminalise les passages illégaux de la frontière et augmente les pouvoirs de l’armée : le premier ministre hongrois, Viktor Orban, affiche avec une fermeté grandissante une politique anti-immigration sans complexe. En témoigne son entretien avec le quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung (FAZ) publié jeudi 3 septembre, dans lequel il affirme que l’afflux des réfugiés en Europe, selon lui « musulmans dans leur majorité », constitue une menace pour l’identité chrétienne de l’Europe. Une position qui choque et détonne de plus en plus avec la volonté affichée des instances européennes, depuis la diffusion de l’image tragique de l’enfant syrien gisant mort sur une plage turque, de trouver une solution rapide à l’accueil des migrants.

Pourtant, le discours actuel de Viktor Orban n’est pas nouveau. Il est dans la droite lignée de la tendance souverainiste et conservatrice qu’il a fait prendre à son gouvernement depuis qu’il est revenu au pouvoir en 2010. Cette apologie des « valeurs chrétiennes » de l’Europe mises en danger par l’arrivée de migrants de confession musulmane fait en effet un écho direct aux propos qu’il tenait en 2013 à Londres sur « le rôle des valeurs traditionnelles dans l’avenir de l’Europe ». A l’époque, le dirigeant hongrois soulignait déjà que « la démocratie, en Europe, repose sur la chrétienté ». Sans parler de l’image de lui et de sa famille priant dans son bureau diffusée peu de temps après sa prise de fonctions il y a cinq ans.

Affiches et questionnaires anti-migrants

En outre, depuis quelques mois, son gouvernement de droite dominé par le Fidesz (Union civique hongroise) distille les ferments d’une politique clairement tournée contre les étrangers. Une nouveauté en Hongrie, où le racisme est historiquement plus tourné contre les juifs et les Roms. Pour le premier ministre, l’attentat contre Charlie Hebdo en janvier est devenu un argument servant son nouveau thème fétiche : les étrangers sont des profiteurs ou des terroristes en puissance.

Début mai, le gouvernement a envoyé 8 millions de questionnaires aux citoyens hongrois comportant douze questions, dont celle-ci : « Etes-vous d’accord avec le fait que les migrants menacent l’existence et l’emploi des Hongrois ? » Cette campagne ouvertement hostile aux migrants s’est illustrée par des affiches officielles réclamant aux étrangers de ne pas « prendre le travail des Hongrois » ou de respecter la culture hongroise. Les étrangers, boucs émissaires parfaits pour détourner l’attention des électeurs de la corruption du pouvoir et de la chute de popularité du Fidesz face à l’extrême droite du Jobbik. Un parti qui avoue lui-même ne pas pouvoir, sur la question des migrants, doubler le gouvernement par la droite.

De la lutte anticommuniste à la droite conservatrice

Le parcours politique de Viktor Orban débute lorsque, jeune étudiant en droit aux cheveux longs, il avait été parmi les premiers à réclamer des élections libres et le retrait de l’Armée rouge dans un pays occupé par les troupes soviétiques. Il venait alors de fonder le Fidesz, un mouvement libéral, radical, alternatif et anticommuniste, et faisait figure de jeune espoir des pays de l’Est libérés du joug soviétique. Presque dix ans plus tard, en 1998, il était élu pour la première fois à la tête de la Hongrie, devenant à 35 ans le plus jeune premier ministre d’Europe. Mais, déjà, c’était l’heure de la désillusion pour ses amis libéraux : il était passé comme une comète du radicalisme à une droite conservatrice et populiste aux accents nationalistes.

Depuis, le premier ministre (avec une interruption de huit ans entre 2002 et 2010 où il était dans l’opposition) prône le retour d’un Etat fort, en rupture avec le passé. D’entrée de jeu, Viktor Orban s’est fixé une méthode : l’urgence à agir pour prévenir l’effondrement du pays et pour restaurer la crédibilité de l’Etat, ébranlée par l’incompétence et le clientélisme de la gauche postcommuniste qui a mené la Hongrie au bord de la faillite. Il engage une avalanche de réformes sur plusieurs fronts, et fait adopter dans le même mouvement, en 2011, une nouvelle Constitution – qui inscrit le principe de séparation de l’Eglise et de l’Etat mais se réfère néanmoins à Dieu dès les premiers mots de son préambule.

Economiquement à gauche mais culturellement à droite, Viktor Orban échappe aux clivages politiques traditionnels. Son vrai credo est le souverainisme. A peine reconduit pour un deuxième mandat consécutif en 2014, il a réclamé l’autonomie pour les minorités hongroises vivant dans les pays frontaliers, en particulier l’Ukraine. Une telle revendication place Viktor Orban directement dans le sillage de Moscou, qui réclame l’indépendance pour les minorités russes à l’est du pays. D’ailleurs, l’homme fort de Budapest ne cache plus son admiration pour le « grand frère » du Kremlin et ses méthodes autoritaires. Il décrit aujourd’hui la Russie comme un partenaire d’avenir, tournant définitivement le dos à l’âge où il était un fier militant antisoviétique.

Affaibli à sa droite

En 2010, l’écrivain György Konrad le décrivait d’ailleurs déjà ainsi : « Orban, c’est Poutine en moins violent, et Berlusconi en moins capitaliste. C’est un étatiste qui veut diriger seul la politique, l’économie, les médias, tout. » Pour lui, le nouveau régime hongrois méritait sa propre définition : une « démocrature », entre démocratie et dictature. Mais en cinq ans, Viktor Orban s’est fait rattraper par l’extrême droite dans les urnes. Selon un sondage publié le 17 mars par Ipsos, le parti Jobbik, si radical qu’il est jugé infréquentable par le Front national français comme par le FPÖ autrichien, serait aujourd’hui la deuxième force du pays, avec 18 % d’intentions de vote sur l’ensemble des électeurs, contre 21 % pour le Fidesz-KDNP.

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Viktor Orban se retrouve, en outre, de plus en plus isolé au niveau européen. Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a vertement rétorqué à sa récente tribune dans la FAZ : « Je voudrais souligner que pour moi être chrétien en public, dans la vie sociale, signifie avoir un devoir envers ses frères dans le besoin ».

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Dans une interview donnée en 2012 au Monde, Viktor Orban regrettait déjà que les Européens réagissent mal à ses prises de position : « Nous avons parfois des difficultés car nous voyons que, lorsque nous défendons une approche plus traditionnelle des valeurs, comme le christianisme, la nation ou la famille, nous nous heurtons de temps en temps à des réactions hostiles. On nous dit alors que notre attitude n’est pas européenne. » C’est exactement la situation qu’on observe trois ans plus tard.

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