Irak : les Rafale décollent, la bataille de Mossoul se précise

Irak : les Rafale décollent, la bataille de Mossoul se précise
Un avion Rafale décolle du porte-avion Charles de Gaulle vendredi 30 septembre. ((AFP))

Après des mois de préparation, la coalition internationale va s'attaquer à la deuxième ville d'Irak, tenue par le groupe Etat islamique.

Par Le Nouvel Obs
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8 heures, vendredi 30 septembre : huit Rafale décollent un à un du pont du Charles-de-Gaulle, le porte-avion français, et filent au-dessus de la mer méditerranée orientale. Direction l'Irak. Les avions vont exécuter une mission de reconnaissance ou opérer des frappes sur les djihadistes du groupe Etat islamique, à l'occasion de cette troisième mission du Charles-de-Gaulle au sein de la coalition internationale depuis février 2015. Cap sur la ville de Mossoul, la deuxième ville du pays, un des derniers grands bastions de Daech.

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Après une offensive fulgurante en 2014, durant laquelle ils s'étaient emparés de plusieurs pans du territoire irakien au nord et à l'ouest de Bagdad, les djihadistes avaient fait de Mossoul leur place forte. Les forces irakiennes, qui ont depuis deux ans reconquis de vastes espaces, surtout dans la grande province occidentale d'Al-Anbar, se préparent depuis quelque temps à lancer l'assaut sur cette ville.

Plusieurs responsables occidentaux ont laissé entendre que l'offensive pourrait être lancée en octobre, et la semaine dernière, Barack Obama a dit qu'elle aurait lieu "assez rapidement". La mission du porte-avions français – qui triple la capacité de frappes aériennes françaises dans la région est aussi prévue "de fin septembre à fin octobre". 

Une bataille difficile

Barack Obama a averti :

"Cela va être une bataille difficile, Mossoul est une grande ville."

La ville de Falloujah avait été reprise en trois semaines en 2004. Mais "Falloujah est une ville moyenne", expliquait à "l'Obs" en mai dernier le géopoliticien Gérard Chaliand :

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"En revanche, prendre Mossoul sera une autre affaire. Je ne vois pas comment cette ville de plus d'1 million d'habitants à majorité sunnite peut être libérée par les chiites et les Kurdes. C'est un peu comme si on envoyait des Russes libérer Varsovie."

L'interview de Gérard Chaliand en intégralité

Pour cette bataille, les services du Premier ministre irakien ont demandé une dernière augmentation du nombre de "conseillers militaires" américains, afin de soutenir les forces irakiennes qui vont libérer la ville. Ces soldats vont être déployés dans les prochaines semaines. Le président américain Barack Obama a donné mercredi son feu vert à l'envoi de quelque 600 soldats supplémentaires, portant le nombre total de troupes américaines dans le pays à environ 5.000.

Selon le chef du Pentagone Ashton Carter : 

"Le rôle de ces forces sera principalement d'aider les forces de sécurité irakiennes, ainsi que les peshmergas (combattants kurdes) dans les opérations visant à reprendre le contrôle de Mossoul."

Il évoque notamment les missions d'entraînement, de collecte de renseignement et d'aide logistique. Les troupes américaines auront aussi pour mission de "protéger et accentuer les gains enregistrés ailleurs en Irak par les forces de sécurité irakiennes", a-t-il ajouté.

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Une catastrophe humanitaire ?

Ce qui inquiète aussi, c'est l'après. Le Haut-Commissariat de l'ONU (HCR) pour les réfugiés a indiqué jeudi se préparer à devoir aider au moins 700.000 personnes dans le besoin. La bataille "a le potentiel pour devenir l'une des plus grandes catastrophes de ces dernières années", a déclaré le représentant du HCR en Irak, Bruno Geddo.

"Plus d'1 million de personnes pourraient être déplacées lors de la prochaine offensive et nous prévoyons qu'au moins 700.000 auront besoin d'aide, d'abris, de nourriture, d'eau."

Le HCR a déjà construit des camps en prévision de ce déplacement massif, mais il manque de terrains, de fonds et de temps pour en construire d'autres.

Au total, l'agence de l'ONU espère pouvoir disposer de 11 camps d'ici la fin de l'année avec une capacité de 120.000 personnes, tandis que les autorités irakiennes pensent pouvoir en accueillir 150.000 dans d'autres camps, a spécifié Bruno Geddo.

Il manque donc 450.000 places par rapport aux estimations des besoins. L'ONU a prévu de construire des "camps d'urgence", où les gens séjourneront pendant de courtes périodes, qui seront situés dans "des lieux près du théâtre des opérations". "Une fois que la situation sera rétablie dans leur village, ils pourront y retourner", a expliqué le haut responsable onusien. Afin d'être prête, l'ONU est en train de prépositionner des tentes chacune pouvant accueillir 6 personnes "partout proche du théâtre des opérations au cas où les gens sortent avant que les camps ne soient prêts", a-t-il également dit. Depuis mars, plus de 61.900 personnes ont fui Mossoul et ses environs, selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM).

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De précieux renseignements

Mossoul n'en est pas moins stratégique. Le Pentagone espère obtenir une moisson de renseignements sur le groupe Etat islamique (EI), y compris ses réseaux à l'étranger. Comme l'a expliqué le colonel John Dorrian, un porte-parole militaire de la coalition :

"Quand vous libérez une ville comme Mossoul, vous pouvez vous attendre à une moisson colossale de renseignements."

Il s'agit notamment d'exploiter très rapidement les ordinateurs, disques durs et autres clefs USB abandonnés par les djihadistes, comme la coalition l'a déjà fait récemment après la reconquête de la ville de Minbej, en Syrie. Vingt térabits de données avaient été collectées, puis "transmises aux services de renseignement dans les pays d'Europe de l'Ouest".

La fin de l'Etat islamique ?

Il faudra d'abord reprendre la ville. Selon le colonel Dorrian, de "3.000 à 4.500" combattants de l'EI s'y trouvent. Une estimation légèrement en baisse par rapport aux estimations précédentes, plus proches de 5.000. "Ils continuent à perdre du monde, parce que nous continuons à les pilonner avec nos frappes aériennes", a assuré le colonel Dorrian.

La reprise de la ville ne signera pas encore la fin du groupe Etat islamique. "Si la perte des villes sonne la fin du caractère territorialisé de l'Etat islamique", expliquait récemment à "l'Obs" Adam Baczko, chercheur à l'EHESS :

"Elle ne mettra pas fin à l'insurrection de l'EI qui devrait rester présent dans les campagnes, en Irak comme en Syrie. Voire, par le biais d'attentats, dans les villes."

"La chute de Mossoul et Raqqa se dessine"

Donald Hebert avec agences

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