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Adel Kermiche, sous bracelet électronique, a-t-il trompé les juges ?

VIDÉO - En mars 2016, la juge d'instruction en charge du dossier avait estimé que le jeune avait «pris conscience de ses erreurs» et avait décidé de le libérer, en l'assignant à résidence sous surveillance électronique.

Pour quelles raisons Adel Kermiche, l'un des deux assaillants ayant assassiné le père Jacques Amel, a-t-il été libéré sous bracelet électronique après 10 mois de détention provisoire? Le jeune homme avait été mis en examen par le juge Marc Trévidic et placé sous contrôle judiciaire dès mars 2015 pour avoir tenté de rejoindre la Syrie. Deux mois plus tard, il tentait une seconde fois de fuir vers les terres du djihad. Il avait alors été de nouveau mis en examen, puis incarcéré provisoirement.

Pour savoir si elle devait libérer ou non Kermiche, la juge antiterroriste en charge du dossier s'est en partie reposée sur les conclusions d'une enquête de personnalité qu'elle avait ordonnée, rapporte Le Monde ce mercredi. Interrogé, le jeune homme a évoqué ses projets professionnels, assuré qu'il n'était «pas extrémiste» et s'est décrit comme «un musulman basé sur les valeurs de miséricorde, de bienveillance». Devant la magistrate, il a aussi expliqué qu'il ne supportait plus son incarcération et qu'il regrettait ses velléités de départ: «J'ai envie de reprendre ma vie, de revoir mes amis, de me marier», a-t-il plaidé.

Kermiche avait des envies suicidaires en prison

Pour la juge magistrate, le jeune homme «a pris conscience de ses erreurs». En plus, il a eu des «idées suicidaires» durant son incarcération et sa famille semblait disposée à lui apporter «encadrement» et «accompagnement», relate encore le quotidien du soir. Ainsi, le 18 mars 2016, elle décide de le libérer et de l'assigner à résidence sous surveillance électronique. Opposé à cette décision, le parquet fait appel et requiert sa détention: le procureur s'inquiète de sa «réelle détermination» à partir combattre aux côtés des groupes djihadistes et estime qu'il faut «éviter toute concertation» entre Kermiche et d'autres protagonistes actuellement en Syrie, selon une source proche du dossier.

Mais la chambre d'instruction de la cour d'appel ne suit pas ces réquisitions: trois magistrats réunis confirment la décision de la juge antiterroriste. Kermiche sort de prison et part s'installer chez ses parents, équipé d'un bracelet électronique. Il ne peut quitter son domicile qu'entre 08H30 et 12H30 en semaine, un créneau horaire durant lequel il a perpétré, mardi, avec son complice, la prise d'otages au cours de laquelle le prêtre Jacques Hamel a été égorgé.

93% des mis en examen pour terrorisme en détention provisoire

Difficile de comprendre après le drame de Saint-Etienne-du-Rouvray pourquoi une telle décision a été prise. Selon Le Monde, le jeune homme était suivi depuis l'âge de 6 ans et avait effectué durant son adolescence plusieurs séjours en hôpital, dont 15 jours dans une unité psychiatrique. Dans le voisinage, certains jeunes du quartier interrogés par Le Parisien affirment qu'ils connaissaient bien son obsession pour la Syrie et ses envies de «tuer des soldats de Bachar». «C'était une vraie bombe à retardement», lâche l'un d'entre eux. D'autres, au contraire, le décrivaient comme «normal» et «adorable avec les enfants».

L'ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, qui a mis en examen Adel Kermiche, se souvient, lui, d'un adolescent «très suffisant». À l'époque, «il disait: 'Libérez-moi, donnez-moi une dernière chance'. J'ai rapidement compris qu'il n'y avait pas de discussion possible. J'avais en face de moi quelqu'un qui était déterminé à repartir», raconte-t-il à L'Express . «Son cas est typique de l'individu qui veut partir à tout prix, mais que la justice arrive à retenir. Alors, il se venge en faisant le djihad en France. Kermiche possède un profil hyper inquiétant».

« Les juges antiterroristes sont des magistrats spécialisés, habitués à ces dossiers et dont le but est de lutter contre le terrorisme »

Virginie Duval, présidente l'Union syndicale des magistrats (USM)

Peut-on dès lors parler d'une erreur judiciaire? «C'est compliqué de répondre à cette question», réagit Virginie Duval, présidente l'Union syndicale des magistrats (USM), classé à droite. «Cette décision paraît étonnante aujourd'hui. Mais c'est toujours facile de refaire l'histoire quand on connaît la fin. Les juges antiterroristes sont des magistrats spécialisés, habitués à ces dossiers et dont le but est de lutter contre le terrorisme», veut-elle rappeler. «Il faut aussi savoir que ce sont des décisions difficiles à prendre. En l'occurrence, il n'est pas toujours évident de repérer des individus qui tiennent un double discours et qui pratiquent des techniques de dissimulation».

La surpopulation carcérale aurait-elle pu influencer la décision de la juge? «En aucun cas», rétorque Virginie Duval. «Si un juge estime qu'une personne doit être envoyée en prison, il le fait». Elle avance pour preuve les taux de détention provisoire: «En droit commun, il est de 20%. En matière de terrorisme, il est de 93%», insiste-t-elle. En effet, le premier ministre Manuel Valls avait indiqué la semaine dernière que sur 285 personnes mises en examen, 264 étaient en détention provisoire.

13 djihadistes présumés sous bracelet électronique

Même discours au Syndicat de la magistrature (SM), marqué à gauche. «En tout, cette décision a été prise par quatre magistrats et trois d'entre eux l'ont fait de manière collégiale», déclare sa secrétaire nationale Mathilde Zylbergberg. «Vous savez, en matière de terrorisme, on ne prend pas de décision à la légère et on ne libère pas quelqu'un facilement», ajoute-t-elle, tout en rappelant que la détention provisoire répond à des critères et qu'elle «doit rester exceptionnelle», selon le Code de procédure pénal.

Un bracelet électronique. Archive de 2006. PHILIPPE HUGUEN/AFP

Selon le ministère de la Justice, 13 personnes sont actuellement surveillées à l'aide d'un bracelet électronique en France en lien avec des affaires de djihadisme. Dans le détail, il s'agit de sept individus mis en examen et en attente de jugement, assignés à résidence sous surveillance électronique, et de six autres placés sous surveillance électronique après avoir été condamnés, précise la chancellerie. À l'issue du Conseil des ministres, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll s'est dit favorable à une «évaluation» de la décision tout en rappelant que la justice restait indépendante «pour agir et juger».

(Avec AFP)

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395 commentaires
  • Vaffanc

    le

    Bisousnours a tous les niveaux. Que peut il nous arriver d'autre?

  • Pichoun1313

    le

    Le journaliste qui pose cette question s 'appelle-t-il Mr de la Palissade ?

  • Pichoun1313

    le

    Pas de fautes professionnelles chez les juges ..... dommage .
    C 'est vrai qu 'ils n 'en font jamais .

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