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L’Etat islamique fait exploser la mosquée Al-Nouri, emblème historique de Mossoul

Les troupes irakiennes rencontrent une résistance acharnée des djihadistes, retranchés dans le dédale de ruelles de la vieille ville.

Par  (Mossoul, Irak, envoyée spéciale)

Publié le 22 juin 2017 à 06h48, modifié le 22 juin 2017 à 15h22

Temps de Lecture 4 min.

Un emblème historique est parti en fumée : la mosquée Al-Nouri, du XIIe siècle, avec son célèbre minaret incliné, a été détruite, mercredi 21 juin au soir, à Mossoul. Les forces antiterroristes irakiennes venaient d’atteindre le dernier immeuble faisant face à la mosquée, au cœur de la vieille ville. Une rue – cinquante petits mètres – les séparait du site où le « calife » autoproclamé de l’organisation Etat islamique (EI), Abou Bakr Al-Baghdadi, avait fait son unique apparition publique le 4 juillet 2014.

Guerre de communiqués

Les généraux et les commandants irakiens étaient réunis pour préparer cette bataille tant attendue depuis le début des combats, fin 2016, dans la grande métropole du nord de l’Irak. Elle devait marquer l’effondrement symbolique du califat de l’EI. La nouvelle leur est parvenue peu après 22 heures. Les images, prises par un drone de la coalition, sont sans appel : la mosquée, avec son célèbre minaret, surnommé « Al-Hadba » (« la bossue ») par les Mossouliotes, a été réduite en poussière. L’édifice et son voisinage ont été littéralement rasés, ce qui suggère le déclenchement – voulu ou accidentel – simultané d’explosifs. Les alertes s’étaient multipliées récemment, qui évoquaient la possibilité que la zone eût été minée.

« Daech a commis un nouveau crime historique en faisant exploser la mosquée Al-Nouri et la Hadba », s’est empressé de communiquer le responsable de l’offensive de Mossoul, le général Abdoulamir Yarallah, devançant les accusations de l’EI. Par la voix de son agence de propagande Aamaq, le groupe djihadiste a imputé la responsabilité de ces destructions à l’aviation américaine. « Cette nouvelle destruction creuse les blessures d’une société déjà affectée par une tragédie humanitaire sans précédent », a commenté jeudi la directrice générale de l’Unesco.

Les responsables de la coalition anti-EI ont dû multiplier les démentis pour tenter de désamorcer une polémique à même de fédérer la colère de millions de musulmans sunnites, au moment même où ils célébraient la nuit du destin, au cours de laquelle, selon la tradition, l’ange Gabriel a révélé le Coran au prophète Mahomet.

« Nous n’avons pas conduit de frappes dans cette zone à ce moment-là », a expliqué le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition. « Je peux vous assurer que ce n’est pas une frappe. La mosquée Al-Nouri fait partie des sites désignés par le premier ministre irakien comme ne pouvant pas être ciblés. Même si quinze combattants de Daech s’y trouvent, nous ne pouvons pas opérer sur ce secteur », a abondé auprès du Monde une source au sein de la coalition.

Réactions indignées

Les images de la mosquée détruite ont fait le tour de la Toile, suscitant des réactions indignées. « Elle a traversé toutes les guerres et toutes les invasions, pour être détruite par l’EI… L’EI a tout simplement détruit Mossoul aujourd’hui », a réagi sur Twitter le blogueur anonyme Mosul Eye, un historien mossouliote indépendant.

Du haut de ses 45 mètres, le minaret penché, décoré de motifs géométriques, était le symbole de la ville, imprimé sur les billets de 10 000 dinars irakiens, et le seul vestige de la mosquée construite en 1172 par Noureddine Al-Zinki, l’unificateur de la Syrie et une figure de la résistance aux croisades, contre lesquelles il fut le premier à déclarer le djihad. Le reste du site avait été reconstruit en 1942 après sa destruction.

La grande mosquée Al-Nouri, avec son minaret penché, vue depuis une position avancée des forces spéciales irakiennes, à Mossoul (Irak), le 19 juin.

Après avoir conquis Mossoul en juin 2014, les djihadistes de l’EI avaient envisagé de détruire Al-Hadba, comme de nombreux édifices historiques ou religieux de la ville, jugés « idolâtres ». Les habitants les en avaient empêchés en formant une chaîne humaine. Un drapeau noir flottant à son sommet, le minaret est devenu un symbole de leur règne.

« L’Etat islamique les a détruits par fierté »

Début juin 2017, les djihadistes avaient fait évacuer le site et ses environs pour préparer l’ultime bataille, selon les témoignages d’habitants. Les archéologues craignaient ces combats destructeurs autour de la mosquée Al-Nouri et notamment d’Al-Hadba, déjà menacée d’écroulement. Et ce d’autant plus que l’EI n’a jamais hésité à utiliser les mosquées à des fins militaires lors des précédentes batailles urbaines en Irak ou en Syrie, y aménageant des positions de tir ou y entreposant des munitions.

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« L’EI l’a détruite par fierté. Abou Bakr Al-Baghdadi a été le premier chef djihadiste à faire un discours public et médiatisé dans un lieu aussi symbolique. Daech ne voulait pas voir les forces irakiennes reconquérir la mosquée et y parader », analyse le colonel Arkan.

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La destruction du site ôte aux forces irakiennes le lieu emblématique où elles entendaient acter leur victoire à Mossoul. Mais, pour le premier ministre irakien, Haïder Al-Abadi, sa destruction n’en est pas moins « une déclaration officielle de défaite » du groupe djihadiste.

La bataille se poursuit pour les différentes forces irakiennes à l’offensive. « On va pouvoir reprendre le reste de la vieille ville sans courir », poursuit le colonel Arkan. Depuis que l’assaut final a été déclenché sur la vieille ville, le 18 juin, les troupes font face à une résistance acharnée de la part des quelques centaines de djihadistes retranchés dans ce dédale de ruelles et de passages, truffé de pièges explosifs, où pourraient encore se trouver, selon les Nations unies, près de 100 000 civils.

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