Un bouquet de fleurs à la main, il regarde d’un air vague le centre commercial Olympia, derrière le périmètre de sécurité mis en place par la police. Lukas Ruttar, 15 ans, a appris qu’une de ses amies du collège avait péri dans la fusillade de la veille, dans ce quartier du nord de Munich.
Comme un certain nombre de Munichois, ce samedi 23 juillet, il est venu se recueillir. Il s’est arrêté devant la bande de sécurité et contemple le toit du centre commercial d’où un tueur solitaire, un jeune homme de 18 ans, a tiré sur les passants, faisant vingt-sept blessés et neuf morts, dont son amie.
Toute la nuit, vendredi, la ville s’est figée dans le silence et la terreur, en quasi-état de siège. Samedi, la capitale de la Bavière retrouvait son air de vacances, comme si rien ne s’était passé. Ou presque.
Un marché et les tentes d’une fête estivale attirent les touristes sur Odeonsplatz, au centre-ville. Même la station d’essence, située juste en face du périmètre de sécurité qui protège le centre Olympia, a repris son activité normale et les voitures vont et viennent continûment.
Hospitalité
C’est un quartier hybride situé de part et d’autre du Ring (périphérique). Les immeubles de logements sociaux voisinent avec le joli parc olympique aménagé pour les Jeux de 1972 et cet immense « mall » populaire, un des plus grands de la ville. Dans le café-supérette de la station d’essence, un couple enchaîne les cappuccinos en attendant de pouvoir récupérer sa voiture, coincée dans le parking du centre commercial.
La veille, ils se trouvaient dans le magasin d’électronique Saturn, à l’intérieur du centre, quand ils ont entendu les coups de feu à l’extérieur. Ils en sont ressortis plusieurs heures plus tard, après avoir dû témoigner devant la police qui avait établi ses quartiers dans le fast-food KFC. Et sans pouvoir récupérer leurs affaires ni leurs clés d’appartement, restées dans la voiture. Comme beaucoup d’autres ce soir-là, ils ont profité de l’hospitalité de Munichois qui les ont accueillis pour la nuit.
La chancelière Angela Merkel a rendu hommage à ces habitants qui ont ouvert spontanément leur porte à tous ceux qui, comme ce couple de la supérette, se retrouvaient piégés ; car la police avait bloqué les transports en commun et demandé de se mettre à l’abri, dans l’hypothèse où le tueur n’aurait pas été seul. Leur attitude a montré que « nous vivons dans une société libre et qui fait preuve d’humanité », a dit la chancelière, soulignant que dans ces valeurs réside « notre grande force ».
« Il y a beaucoup de cerveaux malades »
Dans la panique, fantasmes et les hallucinations sont allés bon train jusqu’à ce que soit connue l’identité du tueur, qui s’est suicidé sur place. De nombreux « témoins » étaient convaincus d’avoir entendu des coups de feu dans le centre-ville, la nuit, alors qu’il n’en a rien été. Des politiques et des internautes se sont égarés un peu vite sur les motivations islamistes de l’attentat.
Samedi en fin de matinée, le président de la police de Munich, Hubertus Andrä, a mis les choses au point. L’auteur de la tuerie, a-t-il indiqué, un Irano-Allemand de 18 ans, n’avait aucun lien avec l’organisation Etat islamique (EI) et n’était pas un réfugié. Né à Munich de parents ayant émigré en Allemagne à la fin des années 1990, il suivait un traitement médical et psychiatrique pour dépression.
D’après sa page Facebook, il aurait planifié son geste pour le faire correspondre au cinquième anniversaire du massacre commis par le militant d’extrême droite Anders Breivik en Norvège. Celui-ci avait exécuté un à un 77 jeunes sociaux-démocrates et blessé 151 autres, sur le modèle des jeux vidéo, dont il était très friand.
Le jeune garçon venu pleurer sur son amie du collège, devant le centre commercial Olympia, a la sagesse de ne pas tirer de conclusion hâtive sur le doublé macabre qui vient de frapper la Bavière : le 17 juillet, à Wurtsbourg, un jeune Afghano-Pakistanais a blessé à la hache les passagers d’un train en se réclamant de l’EI. « Là il n’y a pas de lien avec les réfugiés ni avec l’islamisme. Mais il y a beaucoup de cerveaux malades », constate Lukas, son bouquet à la main.
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