VIDEO. Payé en chèque emploi service pour construire la piscine du président Barbaux

VIDEO. Payé en chèque emploi service pour construire la piscine du président Barbaux

    Alors qu'il était encore maire de Neufmoutiers-en-Brie, conseiller général du canton de Rozay-en-Brie et président de la communauté de communes du Val Bréon, Jean-Jacques Barbaux a embauché fin 2011 Miguel Lluch, un maçon de 53 ans, pour construire une piscine couverte, véritable extension de sa maison.C'est une connaissance qui le lui a présenté : Jacques Ducastel, l'ex-directeur de la Fondation Hardy, établissement public médico-social de Fontenay-Trésigny dont Jean-Jacques Barbaux a présidé le conseil d'administration jusqu'en juin 2012. C'est lui qui a recruté Miguel Lluch en Espagne, pour construire cette piscine. Le jour de l'arrestation du directeur, pour détournements de fonds publics, Jean-Jacques Barbaux disait « ne pas être ami avec Jacques Ducastel ». Le maçon qui a construit la piscine témoigne

    « Elle est aussi grande que notre maison », s'étonnent des voisinsA Neufmoutiers-en-Brie, à l'automne 2011, le projet de piscine se précise. Au cÅ?ur d'un bâtiment de 105 m2 au sol, de style néobriard à la charpente cathédrale apparente, se trouve un bassin de 8 m sur 3 m, profond de 1,50 m. Tout autour, une plage carrelée, un vestiaire avec douche, un spa, un bar, etc. Peu d'ouvertures visibles de la rue et des baies vitrées immenses donnant sur le jardin. Le bâtiment est entouré d'un large trottoir en pavés plats. Des voisins s'interrogent : « Comment a-t-il fait pour construire une piscine aussi grande que notre maison ? »C'est Miguel Lluch qui nous apporte la réponse : il a été embauché du 1er novembre 2011 au 30 novembre 2012 par le biais du Chèque emploi service universel (Cesu). Un organisme qui permet de déclarer et de rémunérer du personnel pour 21 types d'activités : menus travaux ménagers, jardinage, garde d'enfantsâ?¦ Le maçon a tout conservé de cette période : son contrat de travail, ses fiches de paie à l'entête du Cesu, les plans de la piscine à construire et une cinquantaine de photos du chantierâ?¦

    Neufmoutiers-en-Brie, 2012. Le bâtiment abritant la piscine couverte est une véritable extension de la maison (au fond). (DR.) Sur le contrat, la case « Homme et femme toutes mains » a été cochée au stylo bleu. A la ligne suivante, on a inscrit : « Tous travaux dans la propriété ». Au Cesu, on précise que « cela correspond à du petit bricolage qui ne nécessite aucune qualification particulière. Comme une poignée de porte mal fixée, un tableau à accrocher, une plinthe à recoller. A ne pas confondre avec des travaux de bâtiment ».« Je croisais Miguel tous les matins vers 8 heures », témoigne une voisine« Je me suis chargé de toute la maçonnerie. J'ai creusé avec une pelleteuse, plus d'un mètre de profondeur sur 100 m2. J'ai coulé la dalle, monté les murs en parpaings. J'ai fait l'isolation intérieure, la terrasse et les trottoirs extérieursâ?¦ », détaille Miguel Lluch. Comment un homme seul a pu réaliser un tel chantier en ne travaillant que quatre heures par jour ? Car, sur le contrat de travail, dans la case « Nombre d'heures de travail effectif », il a été noté « 4 H/jour selon besoins ». Et de préciser, pour les jours de repos hebdomadaires, « samedi/dimanche ».La réalité est tout autre, selon Miguel Lluch et les témoins que nous avons interrogés. « Je travaillais huit à neuf heures par jour, plus certains samedis et des jours fériés », assure le maçon. Effectivement, sur le contrat, à la rubrique « Jours fériés travaillés », les cases du 1er janvier, 11 novembre, 25 décembre sont cochées. « Je croisais Miguel tous les matins vers 8 heures, témoigne une voisine des Barbaux. Ce pauvre homme était là du matin au soir. »« C'est de l'inquisition politique! » Jean-Jacques Barbaux, président (LR) du conseil départementalJean-Jacques Barbaux affirme que Miguel Lluch a travaillé seulement quatre heures. « Il m'a aidé pour finir la préparation des terrains, des allées. Il a monté les murs mais j'avais embauché un autre maçon ». Miguel Lluch assure qu'il était seul pour la maçonnerie.Son ex-employeur estime lui avoir donné « tous travaux, comme c'est écrit sur le contrat. J'ai travaillé avec lui le week-end », reconnaît-il, avant de se rebiffer : « Pourquoi ces questions ? C'est de l'inquisition politique (sic). Cela relève de ma vie privée », s'agace l'élu qui estime « avoir aidé un homme dans le besoin.Quand j'ai su que ce pauvre homme était sans emploi, je lui ai proposé de venir travailler chez moi. »V.R.

    Neufmoutiers-en-Brie, 2012. Comment un homme seul a pu réaliser un tel chantier en ne travaillant que quatre heures par jour ? Lui témoigne avoir travaillé huit à neuf heures par jour. (DR.) Le contrat de Miguel a donné droit à une réduction d'impôt de 10 500 â?¬ pour son employeur

    Pour déclarer verser 300 â?¬ par semaine, l'employeur a mentionné lui verser un « salaire horaire net » de 15 â?¬, soit deux fois le Smic. (DR.) Pour déclarer verser 300 â?¬ par semaine, soit environ 1 200 â?¬ par mois comme l'indiquent les bulletins de paie de Miguel Lluch, tout en ne déclarant que quatre heures de « travail effectif » par jour, son employeur a mentionné lui verser un « salaire horaire net » de 15 â?¬, soit deux fois le Smic.C'est la formule gagnant-gagnant pour l'employé et l'employeur. En douze mois de travail, le maçon, qui a eu le droit à un mois de vacances en août, a gagné 14 580 â?¬, bénéficié d'une couverture sociale et perçu le chômage après le chantier. « Pour l'aider, je lui ai même trouvé du travail chez un fermier. On a fait beaucoup pour lui, ma femme et moiâ?¦ », déclare Jean-Jacques Barbaux.Son employeur a déboursé 20 896 â?¬, compte tenu des charges sociales. Ce qui lui a ouvert le droit à une réduction d'impôt de 50 % de cette somme, soit 10 448 â?¬. Interrogée sur une telle « subvention », la direction des services fiscaux de Seine-et-Marne reconnaît que « la déclaration des Cesu est difficile à contrôler ».V.R.Un ouvrier logé et nourri aux frais du contribuable

    Neufmoutiers-en-Brie, le 31 janvier. Miguel Lluch témoigne avoir été, durant les douze mois de travaux chez Jean-Jacques Barbaux, logé par la fondation Hardy, à Fontenay-Trésigny, puis par la commune de Neufmoutiers-en-Brie. (LP/V.R.) Pendant les travaux qu'il effectuait chez Jean-Jacques Barbaux, entre début novembre 2011 et fin novembre 2012 (lire ci-contre), Miguel Lluch a été logé aux frais du contribuable. Le maçon espagnol a d'abord été hébergé dix mois à la Fondation Hardy, sous tutelle de l'Agence régionale de Santé, à Fontenay-Trésigny, dont Jean-Jacques Barbaux présidait le conseil d'administration. Eric, le gardien de l'établissement pour enfants handicapés, confirme avoir logé Miguel dans sa maison de fonction.Logé dans le studio de la communePuis, après les déboires de Jacques Ducastel, qui a quitté la fondation, et le départ d'Eric, Miguel a emménagé en septembre 2012 dans un logement de la mairie. « Je n'ai jamais payé de loyer le temps des travaux chez M. Barbaux, ni à la fondation, ni les trois mois dans le studio », assure le maçon. Interrogé jeudi soir, Jean-Jacques Barbaux botte en touche la question de l'hébergement de Miguel à la fondation : « Cela relève de la responsabilité du directeur. M Ducastel a commis des fautes, à lui de les payer.Mais c'est moi qui ai payé les trois mois de loyer du logement de la mairie. Vous pensez bien que je voulais être en règle en tant que maire », assure-t-il. En revanche, une fois les travaux finis, Miguel est resté quelques mois dans le studio de la mairie, en réglant cette fois un loyer.Des repas pris à la mairie avec le personnelQuant aux repas du midi, l'employé dit avoir été l'invité du maire. « Je ne payais pas mes repas non plus.Le midi je déjeunais en mairie, avec deux cantonniers et deux secrétaires. » Un cantonnier confirme la présence de Miguel à la cantine. « Oui, je me souviens de lui, il faisait la piscine chez M. Barbaux. Après il est parti chez un fermier.Il bossait dur, si tout le monde était aussi courageux que luiâ?¦ » « J'ai largement nourri Miguel chez moi, affirme Jean-Jacques Barbaux. Il a peu déjeuné en mairie », reconnaît-il tout de même.Deux cantonniers de la commune ont d'ailleurs aidé Miguel à monter des parpaings, sur le chantier de la piscine couverte. « Ils sont venus quatre ou cinq fois, les après-midi. M. Barbaux m'avait dit de faire appel à eux en cas de besoin », raconte Miguel. Un coup de main confirmé par l'un des cantonniers.La camionnette Jumper du Val BréonEnfin, si les matériaux pour le gros-oeuvre ont été livrés, le reste était acheté par Jean-Jacques Barbaux. « On allait chercher une camionnette à la communauté de communes du Val Bréon, c'est M. Barbaux qui nous conduisait dans des magasins de bricolage. On a utilisé la camionnette du Val Bréon une dizaine de fois », estime Miguel. « A chaque fois que j'ai conduit le Jumper du Val Bréon, c'était pour les besoins de la communauté de communes », nie le président du Val Bréon qui reconnaît tout de même avoir pris le volant d'un utilitaire communautaireâ?¦ V.R.