Menu
Libération
Profil

Muriel Mayette, nomination polémique à la tête de la Villa Médicis

La désignation de l'ancienne administratrice de la Comédie-Française, sur fond de jeu de chaises musicales à la tête des institutions culturelles, provoque la consternation dans le milieu.
par Frédérique Roussel
publié le 2 septembre 2015 à 19h44

L’atterrissage de Muriel Mayette, ex-patronne de la Comédie-Française, se précise. Selon nos informations, l’ex-administratrice, 51 ans, prendra bien la tête de la Villa Médicis à Rome, malgré la bronca que cette nomination ne va pas manquer de susciter. Ce n’est pas une surprise : dès le mois de mars, son nom avait été subrepticement associé au palais de la colline du Pincio, établissement convoité entre tous. Il a également été un temps accolé à l’Institut français ou à La Grande halle de la Villette. Les deux établissements ont été pourvus dès la mi-juin, le premier par Denis Pietton, ex-ambassadeur de France à Brasilia ; le second par Didier Fusillier, ex-directeur du Manège de Maubeuge.

Restait la fameuse curie romaine de l'art, qui a semblé faire l'objet d'une sorte de billard à trois bandes. Le feuilleton a démarré bruyamment début juillet avec l'éviction de Nicolas Bourriaud du poste de directeur de l'École nationale supérieure des beaux-arts (ENSBA) par Fleur Pellerin. Une décision «arbitraire digne d'une république bananière», a contesté l'interessé. Il se murmure alors que son poste aurait été libéré pour être dévolu à l'historien d'art Eric de Chassey, dont le deuxième mandat à la Villa Médicis se termine début septembre, et par ailleurs soupçonné d'être chouchouté en haut lieu car proche de Julie Gayet… Cette information du Canard enchaîné a été illico démentie par la ministre de la Culture qui a lancé dans la foulée un appel à candidature pour l'ENSBA, en signe de transparence. Ce sera finalement le photographe Jean-Marc Bustamante, professeur de l'école, ce qui devrait clore pacifiquement la polémique.

Vaudeville

La suite du feuilleton estival continuera ensuite de nourrir le vaudeville : selon le Journal des arts, c'est en fait Manuel Valls lui-même qui voulait la direction de la Villa Médicis pour Muriel Mayette, épouse depuis 2010 de son ami le journaliste sportif Gérard Holtz. Le 19 juillet, le Premier ministre, de séjour à Avignon, pour deux soirées théâtrales, lâche simplement : «Muriel Mayette aura un grand poste.»

Première femme à diriger la Comédie-Française de 2006 à 2014, Muriel Mayette-Holtz serait la première femme à tenir les rênes de la Villa Médicis, siège de l’Académie de France depuis 1803. La comédienne et metteur en scène siégeait déjà au sein de la commission chargée de nommer le directeur de la Villa Médicis qui avait inspiré le choix de Frédéric Mitterrand en 2008. En 2014, elle avait suscité l’opposition à un troisième renouvellement d’une majorité de la troupe du français après deux mandats controversés. Si on lui reconnaît d’y avoir fait éclore de nouveaux talents, d’avoir étoffé la fréquentation et habilement géré la rénovation de la salle Richelieu, on lui reproche notamment un «manque d’ambition artistique».

La nouvelle de sa nomination imminente à la villa romaine a déclenché la consternation. Plusieurs dizaines d'anciens pensionnaires, exposants ou invités de la Villa Médicis, ont signé mercredi une lettre ouverte à la ministre de la Culture (dont le musicien Rodolphe Burger, l'écrivain Chloé Delaume, les historiens Philippe Artières et Yves-Alain Bois, l'actrice Clotilde Hesme) pour demander le maintien d'Eric de Chassey à la tête de l'établissement qui accueille une vingtaine de pensionnaires de toutes les disciplines artistiques. En deux mandats, ce spécialiste de Matisse a dépoussiéré l'institution, réduit les passe-droits politiques et élargi les types de résidence. «Nous connaissons ce laboratoire de la création qui a fait l'objet depuis ces six ans d'une profonde réforme qui a mis fin à des pratiques non conformes avec ce symbole que constitue cette institution et a permis, comme vient de le saluer la présidence italienne, d'en faire à nouveau un point de référence incontournable de la vie culturelle et artistique romaine», souligne la lettre ouverte. L'arrivée éventuelle de Muriel Mayette inquiète d'autant plus quelle ne correspond guère aux canons du lieu, qu'elle «ne connaît aucun des domaines artistiques et intellectuels représentés à la Villa». Elle scandalise parce qu'elle est entachée du soupçon d'affinités politiques et conforterait la vision d'un pouvoir qui joue aux chaises musicales pour recaser ses favoris.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique