Les Concerts de Poche, la musique classique pour tous !

Il y a un mois, dans deux petits villages de l'Aisne, des lycéens et des bénévoles ont proposé deux opéras. Loin des grandes salles parisiennes et des festivals dédiés, adolescents, familles et mélomanes se sont réunis pour deux soirées qui détonnent. « Nous savons que dans ce département, de nombreuses personnes sont en difficulté et votent parfois pour des partis très différents. Mais ces soirs-là, ils ont tous voté pour l'émotion musicale », se réjouit Gisèle Magnan, à l'origine de cette initiative via son association, Les Concerts de Poche.

Depuis 2002, cette structure, reconnue d'utilité publique, se déplace dans les quartiers et les zones rurales reculées pour proposer concerts et ateliers. Désormais, une vingtaine de personnes s'affairent dans l'association au quotidien pour « retisser des liens » grâce à la musique classique, « jamais dénaturée » d'après Gisèle Magnan. Cette ancienne pianiste revient pour Le Point.fr sur le succès de son association, récemment labélisée « La France s'engage » par un programme gouvernemental.

Le Point.fr : Comment avez-vous eu l'idée de fonder Les Concerts de Poche ?

Gisèle Magnan : J'étais pianiste-concertiste depuis de nombreuses années déjà. J'avais envie d'aller à la rencontre du public du XXIe siècle, et pas seulement du milieu de la musique classique, des mélomanes, des gens qui ont les moyens… J'étais agacée par le fait qu'il n'y avait rien de complémentaire aux grandes salles et aux festivals. C'était dommage de ne pas pouvoir partager avec ceux qui n'ont ni l'idée, ni l'envie, ni le budget de venir à de tels concerts. Plutôt que de rouspéter contre ce constat, j'ai eu envie de m'investir sans attendre !

Comment cette volonté s'est-elle concrétisée ?

Cela s'est passé très vite, au-delà de mes attentes. J'ai eu envie d'aller dans des salles des fêtes dans les milieux ruraux, dans les quartiers aussi. L'idée, c'était de bâtir des ponts entre les générations et entre les milieux sociaux. Rapidement, l'association a répondu à un besoin et s'est développée. C'est devenu un outil pour tisser du lien social, bien au-delà de l'accès à la musique classique. Ce qui est intéressant, c'est que ces ateliers et ces concerts ne se font jamais au détriment de la musique.

Qui sollicite Les Concerts de Poche ?

Au début, j'ai commencé à faire des concerts en Seine-et-Marne, dans des communes rurales. Des élus sont venus et m'ont conseillé pour me produire dans d'autres salles, et l'association s'est fait connaître par des prospections, mais surtout via le bouche-à-oreille. Désormais, ce sont surtout des collectivités locales ou des communes qui nous sollicitent.

« Le public pousse les artistes à être audacieux »

De quelle façon se crée le lien social dont vous parlez ?

Au début, nous organisions des rencontres créatives qui sont devenues au fil du temps des ateliers de création, de chant choral. On fait appel à nous parce que ces ateliers permettent aux habitants de monter sur scène, de se dévoiler. Les artistes côtoient les habitants et il y a un respect mutuel qui s'instaure au fil des répétitions. La première rencontre, c'est souvent un choc. Mais avec humanité, compréhension et humour, on arrive à se comprendre, à se respecter et à se faire confiance.

Quel impact ces initiatives ont-elles sur les personnes qui s'y investissent ?

Chez les jeunes, on constate régulièrement que les plus assidus participent davantage en classe et parviennent à sortir de l'échec scolaire. Dans les chantiers d'insertion où nous intervenons, cela permet de redonner confiance, de reprendre goût à la vie. Nous faisons appel à l'imagination, à l'invention, à la créativité : en somme, on tend la main à des populations à qui on n'offre plus cette chance.

Quel regard portent les artistes qui interviennent dans les ateliers ou qui se produisent dans ces concerts ?

Quand ils arrivent dans des salles rurales ou en banlieue, les artistes, même ceux qui sont très connus, se rendent compte qu'ici, personne ne les connaît ! Pourtant, l'atmosphère dans les salles libère rapidement et est propice à l'inspiration. En face d'eux, ils ont un public qui n'a pas d'a priori. C'est faux de dire que la musique, classique de surcroît, ne peut être comprise que par les initiés. Le public peut avoir des frissons que l'artiste ressent, ce qui le pousse à être audacieux et à prendre des risques. Parfois, des jeunes applaudissent et sifflent comme dans un match de foot : pour les musiciens, c'est rafraîchissant !

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