VIDEO. Richard Ferrand épinglé pour un montage immobilier, premier couac du quinquennat Macron

POLITIQUE Cette affaire «tombe mal parce que ça crée la suspicion dans un contexte de suspicion», a réagi le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner...

Mathieu Bruckmüller
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Richard Ferrand, secrétaire général de La République en marche, le 11 mai 2017 à Paris.
Richard Ferrand, secrétaire général de La République en marche, le 11 mai 2017 à Paris. — Eric Feferberg/AP/SIPA

C’est la première fausse note du quinquennat Macron. Alors que le gouvernement prépare un projet de loi de « moralisation de la vie publique », l’affaire immobilière révélée par Le Canard enchaîné autour du ministre Richard Ferrand, pièce maîtresse du nouveau président, fait un peu désordre.

« La probité de Richard Ferrand pas en cause »

L’entourage du Premier ministre Edouard Philippe a fait savoir à l’AFP que « la probité de Richard Ferrand [n’était] pas en cause ». Le ministre, secrétaire général de La République en Marche ! qu’il fut un des premiers à rejoindre en provenance du PS, a évoqué sur BFMTV « une pseudo-affaire » en guise de « cadeau de bienvenue » pour son entrée au gouvernement.

Selon Le Canard Enchaîné, en 2011, les Mutuelles de Bretagne, dont Richard Ferrand était le directeur général, souhaitent louer des locaux commerciaux à Brest pour ouvrir un centre de soins et choisissent entre trois propositions celle d’une société immobilière appartenant à la compagne de Richard Ferrand.

Cette dernière, selon l’hebdomadaire, monte alors très rapidement une SCI et la promesse de location lui permet d’obtenir un prêt bancaire équivalent à la totalité du prix de ces locaux « en mauvais état ». Outre une rénovation complète des locaux par la mutuelle pour 184.000 euros, toujours selon le Canard, la valeur des parts de la SCI « a été multipliée par 3.000 » six ans plus tard.

« Les administratrices et les administrateurs du Conseil d’administration, dont je ne suis pas, ont retenu la meilleure offre, pour les conditions de travail des salariés, pour la proximité avec les transports, qui était celle d’un local détenu par ma compagne », a détaillé Richard Ferrand sur BFMTV, ajoutant que le local avait fait l’objet d’un « renouvellement de bail, donc ça veut dire que les gens se satisfont de l’endroit où est situé ce local ».

« Ca crée la suspicion dans un contexte de suspicion »

Mais cette affaire « tombe mal parce que ça crée la suspicion dans un contexte de suspicion », a réagi le porte-parole du gouvernement Christophe Castaner, alors que le premier texte de loi annoncé par le nouvel exécutif est un projet de « moralisation de la vie publique » que le garde des Sceaux, François Bayrou, doit présenter avant les élections législatives (11-18 juin).

Le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis a demandé « solennellement » à Richard Ferrand et à Edouard Philippe de s’exprimer. Pour Marine Le Pen (FN), M. Ferrand, auteur d’un « enrichissement personnel parfaitement immoral », doit « poser sa démission ».

« Ca meurtrit évidemment Richard qui est un homme d’une probité exceptionnelle (…) mais une chose est sûre, il n’y a rien d’illégal, il n’y a rien qui ne serait pas moral, a assuré Christophe Castaner. Il ne saurait être question» de la démission de Richard Ferrand.

Un constat que ne partage pas Eric Alt, vice-président d'Anticor, une association qui lutte contre la corruption en politique. «Il est vrai qu'on ne peut rien retenir contre lui sur le plan légal. Il ne s'agit pas d'un délit d'initié. En revanche, ce qu'on sait aujourd'hui nous permet-il de garder une confiance intacte en lui? Si c'est le cas, il faudrait envisager une démission, même si c'est sévère. La conjoncture actuelle exige d'être irréprochable.» Quant aux Républicains, ils ont annoncé qu'ils allaient formellement saisir le procureur de la République et le procureur national financier, pour l'ouverture d'une enquête. 

« C’était de l’argent privé, dans le cadre de fonctions privées »

Porte-parole de la République en marche !, Benjamin Griveaux s’est montré plus offensif. « La moralisation de la vie publique concerne l’argent public. Là, c’était de l’argent privé, dans le cadre de fonctions privées, ça n’a rien à voir », a-t-il déclaré.

« Soit vous voulez des gens qui viennent et qui ont eu une expérience dans le secteur privé, qui ont exercé pendant près de 25 ans dans le privé, et vous pouvez leur faire tous les procès que vous voulez sur leurs 25 années et vous n’aurez jamais ni de députés, ni de ministres qui viennent du secteur privé », a soutenu Benjamin Griveaux.

Selon RTL, le parquet national financier (PNF) ne se saisira pas du dossier. C'est au parquet de Brest, qui pour l'instant ne fait pas de commentaire, de décider si une enquête doit être ouverte sur ces révélations du Canard. 

Dans sa déclaration d’intérêts remplie en 2014 comme député auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), Richard Ferrand fait état de rémunérations comme directeur général des Mutuelles de Bretagne jusqu’en 2013, et indique conserver l’activité de « chargé de mission auprès de la direction générale » du même établissement, avec pour ce dernier poste une rémunération de 1.250 euros par mois. Selon son entourage, il n’occupe plus cette fonction depuis décembre.

Le programme du candidat Macron prévoit que le projet de loi interdise à tout élu ou ministre d’embaucher un membre de sa famille. Pour prévenir les conflits d’intérêts, sera interdit aux parlementaires l’exercice d’activités de conseil parallèlement à leur mandat. L’exécutif souhaite également imposer un casier judiciaire vierge aux candidats aux élections et interdire plus de trois mandats identiques successifs. Pour l'instant, le Parquet national financier (PNF) a indiqué qu'il ne se saisirait pas du dossier.