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Nicole, 47 ans, Marcelle, 90 ans, Émilie, 34 ans, Marion, 41 ans, mais aussi Kelly, Fatima, Jennifer, Rita, Stéphanie, Sylvie, Catherine, Marie-Rose, Hélène, Julie, Blandine... Le point commun de ses femmes qui avaient de 19 à 90 ans : elles sont mortes dans l'année écoulée, tuées par leur conjoint. Cette liste macabre est dressée par une journaliste indépendante, Titiou Lecoq, sur Slate le vendredi 23 juin. Il y a un an, elle a mis en place dans sa boîte mail une alerte google quotidienne en entrant les mots-clés « femme + mort » et « femme + homicide ». Tout au long des derniers mois, elle a reçu des articles de la presse régionale relatant ces « faits divers ». Une quête qui avait pour but de comprendre la réalité qui se tapit sous la froide statistique « une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son conjoint ».
Premier constat de la journaliste. Non, les femmes ne meurent pas « sous les coups » de leur conjoint. Il ne s'agit pas de « crimes passionnels », encore moins d'accidents. À 90 %, écrit-elle, ce sont des meurtres, souvent prémédités. « En France, en 2017, on tue sa femme en général de deux façons : on la plante au couteau ou on lui tire dessus avec une arme à feu, souvent un fusil de chasse », écrit-elle. Pas toujours. Certains sont plus inventifs. Et basculent dans la barbarie pure : Jean-Pierre, 58 ans, a foncé sur son ex-compagne en voiture. Après « 33 ans de mariage » et parce qu'« il la soupçonnait d'infidélité », le mari de Doris, 60 ans, « a choisi la batte de base-ball ». Frédéric, 86 ans, était malade d'Alzheimer. Il a tué son épouse « à coups de casserole ». Quant à Guillaume, il a ligoté son ex-femme sur les rails du TGV. Titiou Lecoq précise que, selon l'autopsie, « elle était vivante au moment du passage du train »...
Il la préfère morte plutôt que libre
L'effet de liste est « saisissant », explique la journaliste. Derrière le chiffre, les victimes sont des femmes de tous âges et de tous les milieux « secrétaire, aide-soignante, assistante maternelle, conductrice de car, patronne de bistrot, agricultrice, employée municipale, groom, serveuse ». Le rappeler, c'est « comprendre qu'on les croise tous les jours... » Pas de profil type non plus des meurtriers : ainsi Franck, ancien de HEC et trader dans la haute finance. Ou Claude, carrossier. Tous deux ont tué leurs femmes qui voulaient les quitter.
Dresser la liste de ces meurtres permet aussi de comprendre qu'il ne s'agit pas seulement de coups de folie. La constante de ces tragédies individuelles : ces hommes ont tué leurs femmes parce qu'ils estimaient qu'« elle [leur] appartenait ». « Il la préfère morte plutôt que libre », écrit Titiou Lecoq. Un archaïsme ancré profondément dans la société et qui explique que le phénomène soit massif. Ce phénomène a un nom : féminicide. Le fait d'être tué parce qu'on est une femme. « [Ces hommes] refusent à ces femmes leurs droits d'êtres humains libres. En cela, ils rejoignent les crimes de discrimination », martèle la journaliste.
En cela, ce ne sont pas des « faits divers » et ils ne devraient pas être l'affaire de la seule presse régionale qui, par nature, en rend compte localement, ce qui dissémine le phénomène et finalement le masque. Pour sortir du déni, provoquer une prise de conscience seule à même de changer les mentalités, il faut en faire une affaire nationale, plaide Titiou Lecoq. Cet article – et le travail minutieux qu'il a nécessité – sera-t-il un tournant ? Publié vendredi, il a été massivement retweeté. Le mot qui revient le plus souvent dans les commentaires : « Merci »
Cet article me tient énormément à coeur : en France en 2017, on peut mourir parce qu'on est une femme https://t.co/9lZ9jT8Wez
— Titiou Lecoq (@titiou) 23 juin 2017
Incroyable papier, merci.
— Deborah Gay (@deborah_gay) 23 juin 2017
Merci, merci, merci. J’espère que cet article sera un tournant.
— Moana Genevey (@moanagenevey) 23 juin 2017
Entièrement d'accord avec vous ! Certes il doit y avoir des hommes qui sont victimes des femmes mais combien de morts ? On ne lit pratiquement jamais qu'un homme a été assassiné par sa femme parce qu'il voulait la quitter. Pour mon grand bonheur je n'ai jamais eu affaire à des hommes violents mais si j'avais vingt ans aujourd'hui je m'inscrirai à un cours d'auto-défense !
Et victime moi-même de violences conjugales auxquelles je ne pouvais répondre, je ne peux qu'être solidaire de ces femmes qui subissent agressions, violences, brutalités, mépris.
Le fait que qu'il s'agissent de femmes, évidemment moins capables de se défendre, rend l'acte encore plus odieux ; un homme sait qu'il a la force, même s'il ne l'utilise pas. Mais finalement il subit.
Je pense que toutes les violences intra familiales sont à mettre sur le même plan : celle subies par les enfants aussi ; ce sont eux les plus faibles et ceux qui souffrent le plus parce qu'il ne peuvent se penser comme victimes et, de ce fait, portent le poids supplémentaire de la culpabilité...
De voir que beaucoup d'hommes qui réagissent ici non seulement n'ont aucune compassion mais de plus se sentent agressés et répondent par une inversion des faits, comme s'il y avait commune mesure. Machisme pas mort, machisme se porte bien, heureuse de vivre avec un homme qui respecte les femmes et que je respecte en retour.