Théories du complot : il faut "’accepter la contradiction"

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M.S. , modifié à
Pour le sociologue Pascal Froissart, il faut ouvrir le débat avec les tenants de théories du complot pour les combattre.
INTERVIEW

La meilleure manière de lutter contre les théories du complot qui fleurissent à l’école est d'"établir le dialogue" avec les élèves, selon Pascal Froissart. Plutôt que de dénoncer brutalement leur raisonnement, il faut se féliciter de la capacité critique des adolescents, a expliqué le sociologue mardi dans la Matinale d’Europe 1. Le chercheur est l’auteur de La rumeur : histoire et fantasmes. Le ministère de l’Education nationale, qui a lancé la semaine dernière un site intitulé On te manipule, organise mardi une journée de réflexion sur le sujet.

"Un rapport à l'autorité". Dans la diffusion et la discussion autour de théories du complot dans le milieu scolaire, "il n’y a plus un rapport à la connaissance ou au savoir, mais un rapport à l’autorité". Les élèves "viennent chercher l’enseignant" et ces théories peuvent apparaître "comme la très bonne mauvaise blague", pour Pascal Froissart. D’où la nécessité, pour lui, de ne pas tomber dans une discussion frontale où le dialogue serait impossible.

Ne pas sombrer dans l'accusation. Qu’est-ce qu’une théorie du complot ? "C’est une sorte d’accusation contre des gens avec lesquels on n’est pas d’accord, (...) une forme d’accusation de gens qui ont l’autorité", répond le sociologue. "Il ne faut pas accuser a priori les gens qui ne sont pas d’accord avec vous de verser dans l’obscurantisme. Il est très important d’accepter la contradiction." Les théories du complot se présentent comme des théories alternatives et la plupart du temps opposées à une version de faits ou d’événements communément admise. C’est ce qui rend le débat souvent difficile, car il devient "un jeu très ouvert où il s’agit d’opposer deux vérités".

Recontextualiser. Ces argumentaires s’appuient souvent sur de petits faits, par exemple la carte d’identité de Saïd Kouachi, retrouvée dans une voiture en janvier 2015, après l'attentat contre Charlie Hebdo. "Cela pose un problème plus général du journalisme aujourd’hui", avance Pascal Froissart. "On se fie beaucoup aux faits. (...) Et on oublie, en se centrant sur le fait, qu’il y a une analyse derrière, qu’il y a un ensemble de faits, une véritable histoire." Plutôt que de débattre ou de remettre en cause ces faits bien réels, il est nécessaire de les replacer dans un contexte et dans un enchaînement d’événements, sur la durée.