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Les erreurs sur le climat de Philippe Verdier, le M. Météo de France 2

Le présentateur, qui refuse le qualificatif de climatosceptique, a été mis à pied par la chaîne de télévision.

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Publié le 12 octobre 2015 à 16h23, modifié le 15 octobre 2015 à 10h08

Temps de Lecture 6 min.

Capture d'écran de la météo de Philippe Verdier sur France 2.

Alors qu’il devait retourner à l’antenne le 19 octobre après avoir assuré la promotion de son livre Climat investigation, le M. Météo de France 2, Philippe Verdier, a annoncé avoir été mis à pied par sa direction. Mercredi 14 octobre, il a ainsi expliqué sur RTL, avoir reçu « un courrier qui [lui] demand [ait] de ne pas venir ».

M. Verdier était allé présenter son livre, le 2 octobre, sur RMC, dénonçant le « scandale planétaire » qui plane sur le réchauffement climatique. Même s’il réfute le qualificatif de « climatosceptique », le présentateur météo a avancé plusieurs arguments mensongers pour battre en brèche l’idée d’un consensus scientifique sur le sujet. Retour sur ses déclarations.

» Voir son interview sur le site de RMC

1. Les incertitudes à propos du réchauffement climatique « sciemment gommées » par le GIEC ?

FAUX

L’un des principaux points de l’argumentation de Philippe Verdier concerne les incertitudes quant à l’ampleur du réchauffement climatique. Sur RMC, le chef du service météo de France Télévisions affirme que les incertitudes sont « sciemment gommées » des rapports du GIEC (Groupe d’experts sur l’évolution du climat).

Il suffit pourtant de les lire pour voir que ça n’est pas vrai. Dans le dernier rapport d’évaluation du GIEC, publié en 2014, les auteurs détaillent le niveau de certitude et de compréhension pour chaque aspect ou mécanisme du système climatique. De nombreux éléments du climat restent mal compris par les climatologues eux-mêmes, faute de données fiables ou parce que certains facteurs contribuant au climat échappent encore à la compréhension des scientifiques. Mais les incertitudes ne sont pas « gommées » puisqu’elles figurent sans exception dans les rapports.

Ainsi, le réchauffement des terres émergées depuis 1880 ne fait aucun doute pour les multiples études indépendantes qui ont été menées sur le sujet. En revanche, il n’est pas encore prouvé que les précipitations aient augmenté sous les latitudes tropicales depuis 1951, alors qu’il est certain qu’elles se sont accrues sous les latitudes tempérées.

Les imprécisions et les incertitudes, dont font part les experts du climat, n’invalident pas pour autant le réchauffement mondial observé depuis plusieurs décennies, ni ses conséquences multiples sur les écosystèmes.

2. Les scientifiques du GIEC, payés par les gouvernements ?

FAUX

Dans son intervention aux « Grandes Gueules », sur RMC, Philippe Verdier affirme que les scientifiques du GIEC sont payés par les gouvernements et donc politisés. Cette affirmation est tout simplement fausse. En effet, les scientifiques qui participent à la rédaction des rapports d’évaluation du GIEC ne sont pas rémunérés du tout pour cette activité.

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Le GIEC est composé d’une administration (dont un bureau exécutif de trente et un membres élus), dont l’activité est financée à la fois par l’ONU (via le Programme des Nations unies pour l’environnement, le PNUE, et la Convention cadre sur le changement climatique, la CCNUCC), par l’Organisation météorologique mondiale (OMM), et par des contributions volontaires des Etats. Depuis 1988 et la création du GIEC, l’ONU et l’OMM ont contribué à 14,3 % du financement total de l’organisation. Le reste provenant d’organisations partenaires et d’Etats membres.

Qui finance l'administration du GIEC ?
De 1988 à 2014

Les financements servent à rémunérer l’administration, à financer les coûts de la production des rapports (publication, traduction, etc.) ainsi qu’à fournir une aide technique à de nombreux pays en développement. Le budget sert aussi à payer les frais associés à l’organisation des séances plénières et à payer les frais de voyage aux experts des pays émergents.

Il faut aussi rappeler que le GIEC ne produit aucune recherche scientifique lui-même. Ce groupe d’experts, formé en 1988, réunit près de 2000 scientifiques aux spécialités diverses (climatologues, météorologistes, économistes, etc.) et produit de volumineux rapports d’évaluation (cinq publiés depuis 1988, le dernier en 2014) qui synthétisent l’état des connaissances scientifiques sur le climat.

Les rapports sont corédigés par des centaines d’experts et évalués par des pairs afin de garder un regard critique permanent. Sur le cinquième rapport paru l’an dernier, on a dénombré plus de 142 000 commentaires de pairs et de membres des gouvernements membres.

Les auteurs principaux participant à la rédaction des rapports sont choisis par les bureaux des trois groupes de travail, donc par leurs pairs. Le choix se fait sur la base de la représentativité des différentes expertises, tout en essayant de garder une répartition géographique et de genre équitable.

3. En France, les hivers plus doux sont-ils une bonne chose ?

« Quand vous n’avez pas d’hiver comme en 2014, vous avez 18 000 décès en moins parce qu’il n’y a pas eu d’épidémie de grippe. Il y a un effet sur le tourisme aussi, et il y a une baisse de la consommation d’énergie. »

PLUTÔT FAUX

S’il est vrai que la consommation d’électricité a baissé de 6 % en 2014 par rapport à 2013, les hivers plus chauds prédits par les modèles climatiques utilisés aujourd’hui ne sont certainement pas de bon augure.

L’hiver 2014-2015 a été légèrement plus doux que la moyenne, mais cela n’a pas empêché la France de connaître une épidémie de grippe particulièrement virulente ayant provoqué, non pas une sous-mortalité, mais bien une surmortalité avec plus de 18 000 décès confirmés par l’Institut de veille sanitaire (IVS).

De plus, le réchauffement des hivers à long terme affectera de manière durable plusieurs facteurs-clés. A commencer par la productivité des terres cultivables qui dépendent du niveau des nappes phréatiques et des températures moyennes. D’après les prévisions du projet Explore 2070, qui s’est appuyé sur les scénarios du GIEC, le niveau moyen des nappes pourrait baisser de 10 % à 25 % dans les cinquante prochaines années. De quoi sérieusement diminuer la productivité agricole et provoquer des sécheresses.

Des températures plus clémentes en hiver bousculeront aussi les écosystèmes, car elles favoriseront le développement d’insectes vecteurs de maladies dans des latitudes qui n’étaient guère accueillantes auparavant. Ainsi, le paludisme a déjà gagné de nouveaux territoires sur le continent africain et pourrait s’étendre bien au-delà à long terme.

Selon une étude (en anglais) publiée en 1995, les changements majeurs pourraient intervenir sur les zones tempérées, là où les moustiques sont déjà présents mais où la variation saisonnière des températures les empêche de proliférer. En 2100, le climat de larges parts d’Amérique du Nord ou d’Europe pourrait permettre la transmission de la maladie, même avec une population de moustiques restreinte.

4. Les modèles climatiques, pas fiables ?

« Aucune prévision fiable ne permet de déterminer le climat de la France et de l’Europe entre 2016 et 2050. Il y a des prévisions des experts du GIEC (…) pour la fin du siècle. Entre les deux, tout le monde le dit, on ne sait pas ce qui va se passer entre un mois et trente ans. »

FAUX

Les modèles climatiques développés et affinés depuis plusieurs années se sont montrés plutôt précis pour prévoir l’évolution passée du climat terrestre, même s’ils ne sont pas parfaits.

Pour vérifier la précision des modèles climatiques, ceux-ci sont testés sur le climat passé. S’ils sont capables de prévoir correctement les évolutions passées, il n’y a aucune raison de penser qu’ils ne peuvent prévoir l’évolution du climat dans le futur.

Les modèles utilisés pour prévoir l’augmentation moyenne des températures à la surface du globe se sont révélés plutôt fiables, l’écart entre les observations et les prédictions étant assez réduit.

Les modèles climatiques (courbe grise) ont su correctement prédire l'augmentation des températures à la surface du globe (en rouge).

Les climatologues ont pu vérifier la précision de leurs modèles de multiples fois, comme après l’éruption du mont Pinatubo (aux Philippines) en 1991, ou après chaque passage du courant chaud équatorial El Niño. Dans la majorité des cas, ces modèles ont été jugés fiables.

Les modèles existants n’ont, par contre, pas pour fonction de prédire la météo et ne peuvent prévoir les événements météorologiques. Ils ne dégagent que des tendances et des évolutions possibles des principales variables du climat sur des périodes longues. Et même s’ils conservent une part d’incertitude, liée aux événements imprévisibles comme l’activité volcanique ou l’activité solaire, l’évolution générale du climat en Europe et dans le monde pour les décennies à venir, ne fait, pour sa part, aucun doute.

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