Sonia Rykiel, la rousseur, le noir et le strass

AFP

La couturière Sonia Rykiel, à Paris le  22 octobre 2000
La couturière Sonia Rykiel, à Paris le 22 octobre 2000 © AFP/Archives

Temps de lecture : 4 min

Fine silhouette noire à la chevelure rousse flamboyante, la "reine de la maille" Sonia Rykiel, morte jeudi à l'âge de 86 ans, avait fait de la liberté et de la sensualité les maîtres mots d'une mode chic et joyeuse, inscrite dans le mouvement de libération du corps féminin.

Le point du soir

Tous les soirs à partir de 18h

Recevez l’information analysée et décryptée par la rédaction du Point.

Votre adresse email n'est pas valide

Veuillez renseigner votre adresse email

Merci !
Votre inscription a bien été prise en compte avec l'adresse email :

Pour découvrir toutes nos autres newsletters, rendez-vous ici : MonCompte

En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité.

Figure familière de Saint-Germain-des-Prés où elle avait établi sa principale boutique, l'inventrice de la "démode", née Sonia Flis à Paris le 25 mai 1930, avait débuté dans la mode par hasard.

Née dans un milieu aisé et cultivé, d'un père français et d'une mère roumaine, cette aînée de cinq filles connaît le parcours classique d'une jeune fille de bonne famille. Elle fréquente un cours secondaire pour jeunes filles à Neuilly (Hauts-de-Seine), se marie et n'a qu'un rêve: avoir dix enfants.

Mais, une fois enceinte, elle ne trouve pas de vêtements à son goût. Elle crée donc des robes pour future maman mais aussi des petits pulls moulants qui sont vendus dans la boutique de son mari, dans le XIVe arrondissement de Paris. Le succès est rapide, le pull fait la couverture du magazine féminin Elle et les femmes se l'arrachent.

Sonia Rykiel (c) pose avec ses mannequins, lors de la présentation de la collection automne-hiver 1983, le 20 mars 1983 à Paris © PIERRE GUILLAUD AFP/Archives
Sonia Rykiel (c) pose avec ses mannequins, lors de la présentation de la collection automne-hiver 1983, le 20 mars 1983 à Paris © PIERRE GUILLAUD AFP/Archives

Six ans plus tard, en plein Mai 68, Sonia Rykiel ouvre sa première boutique, dans le Quartier latin. Elle ne connaît rien à la mode, ne sait ni coudre ni tricoter, et est assaillie de doutes.

"Tous les jours je me disais: +je vais fermer, parce que je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas du tout+", confiera-t-elle bien des années plus tard.

La jeune femme met quelques vêtements en vitrine, en les accompagnant curieusement de livres. "Je n'ai jamais pu démêler la littérature de la mode, ça fait partie de la même histoire", explique cette amoureuse des mots qui s'amuse à en inscrire sur ses pulls ("amour", "artiste", "sexe"...) comme de petits manifestes.

La couturière Sonia Rykiel à l'Elysée le 26 novembre 2013 © CHRISTIAN HARTMANN POOL/AFP/Archives
La couturière Sonia Rykiel à l'Elysée le 26 novembre 2013 © CHRISTIAN HARTMANN POOL/AFP/Archives

Après avoir hésité pendant près de dix ans, Sonia Rykiel décide finalement de rester dans la mode. Une mode loin des tendances, qu'elle conçoit pour une femme active, intéressée par la marche du monde, "plutôt une intello", libre comme ces femmes qui, dans les années 70, viennent de jeter leur soutien-gorge aux orties et de proclamer haut et fort que leur corps leur appartient.

- hédoniste et séductrice -

La créatrice privilégie la maille "pour la tendresse, la douceur", le velours, la dentelle.

Nathalie Rykiel (d) accompagne sa mère Sonia Rykiel, à la remise de la décoration de Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, le 22 janvier 2010 à Paris © PATRICK KOVARIK AFP/Archives
Nathalie Rykiel (d) accompagne sa mère Sonia Rykiel, à la remise de la décoration de Chevalier de l'ordre des Arts et des Lettres, le 22 janvier 2010 à Paris © PATRICK KOVARIK AFP/Archives

Elle lance les coutures à l'envers, le "pas d'ourlet", le "pas doublé". Elle fait du noir la couleur de la féminité et de la séduction, et strie ses célèbres pulls de rayures multicolores. Des motifs ou des mots en strass brillent sur ses vêtements caressants qui dessinent une silhouette fluide, toute en souplesse.

Sonia Rykiel préconise "la démode", invitant chaque femme à refuser les diktats des créateurs pour créer sa propre garde-robe, adaptée à son corps et à sa personnalité.

Parallèlement à la mode, cette séductrice qui aime mentir, cette hédoniste qui apprécie le chocolat, le vin et les cigares, se consacre à l'écriture.

Sonia Rykiel, qui compte de nombreux écrivains parmi ses amis, notamment une autre célèbre rousse, Régine Deforges, a publié une dizaine de livres. Elle a notamment signé un recueil de contes écrits pour ses petites-filles, "Tatiana, Acacia" (1993) et "N'oubliez pas que je joue", où elle se livre sur sa maladie de Parkinson (2012).

Elle qui n'avait jamais pensé travailler aura finalement consacré sa vie à la mode en ayant mal au ventre d'angoisse à chaque collection comme si c'était la première. Elle avait développé sa marque en créant plusieurs lignes de prêt-à-porter, des parfums, des accessoires.

Son "clan" lui était indispensable et elle s'était entourée de ses proches --sa soeur Danièle, son fils, Jean-Philippe, musicien et surtout sa fille Nathalie, qui fut directrice artistique et présidente de la griffe.

Nathalie Rykiel est encore consultante alors que la maison est passée sous pavillon chinois en 2012, la famille Rykiel gardant des parts jusqu'en 2016. "C'est une femme qui avait le sens de la famille et beaucoup de qualités humaines", a confié jeudi à l'AFP Jean-Marc Loubier, président du groupe First Heritage Brands, auquel la marque appartient désormais.

En novembre 2013, entourée de sa famille, Sonia Rykiel avait reçu des mains de François Hollande les insignes de Grand Officier de l'Ordre National du Mérite. "Elle a inventé non seulement une mode, mais aussi une attitude, une façon de vivre et d'être, et offert aux femmes une liberté de mouvement", a salué jeudi le président de la République.

25/08/2016 15:12:34 -  Paris (AFP) -  © 2016 AFP