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Les « geysers sauvages » par temps de canicule, un jeu dangereux

L’ouverture intempestive des bouches d’incendie pour se rafraîchir est un phénomène en expansion en France. Les pompiers et plusieurs villes touchées sonnent l’alarme.

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Publié le 22 juin 2017 à 19h26, modifié le 26 juin 2017 à 17h57

Temps de Lecture 3 min.

Avec la canicule, les « geysers sauvages » – ou street pooling – ont rejailli dans le paysage urbain. Variante en vogue cette année, les piscines autoportantes qui se remplissent en quelques minutes au pied des bornes à incendie. C’est rafraîchissant, photogénique – succès assuré sur les réseaux sociaux –, mais avant tout « dangereux », martèlent les pompiers, rappelant qu’elles « servent à la sécurité de tous et [leur] sont réservées ».

Aucune statistique nationale n’existe sur les ouvertures intempestives des bouches à incendie. Mais pour la seule journée de mercredi 21 juin, le Syndicat des eaux d’Ile-de-France (Sedif), qui assure l’alimentation en eau potable de cent cinquante communes autour de la capitale, en a relevé plus de cinq cents, essentiellement en Seine-Saint-Denis, selon des chiffres communiqués au Monde. « Cela correspond à 150 000 m3 d’eau perdue, soit l’équivalent de soixante piscines olympiques, ou la consommation journalière de cent mille personnes », précise-t-il.

Risque de pénurie d’eau en cas d’incendie

Le phénomène, venu des Etats-Unis, est en pleine expansion. A l’été 2015, lorsqu’il est apparu en France, il avait provoqué la perte de 250 000 m3 d’eau, puis 370 000 m3 en 2016 sur la même période. Cette année, la perte est déjà évaluée à 450 000 m3 d’eau depuis mai, alors que l’été vient juste de commencer.

« C’est préoccupant, assure Philippe Knusmann, directeur général du Sedif. Jusqu’à présent c’était limité en région parisienne, mais cela commence à faire des émules en province, comme dans la banlieue de Lille, posant de graves problèmes de sécurité. »

Les pompiers mettent en garde contre le risque de choc thermique, de blessures liées à la pression du jet d’eau, ou encore d’accident électrique si la projection d’eau touche une ligne aérienne ou une infrastructure technique sous terre. Mardi 20 juin, un enfant « a pris la pression sur le thorax et a eu un hématome », selon le maire de L’Ile-Saint-Denis, Mohamed Gnabaly.

Plus que tout, pompiers et autorités locales redoutent une pénurie d’eau en cas d’incendie alentour. « Ce n’est pas un jeu, il y a des vies qui peuvent être en danger à cause de ça, insiste le lieutenant-colonel Michael Bernier, chargé de la communication de la sécurité civile au ministère de l’intérieur. On risque de voir des gens mourir parce qu’il n’y aura plus assez d’eau à la borne. »

« Il y aura un drame si cela continue »

Les villes touchées étudient des solutions techniques pour rendre l’ouverture des bouches à incendie plus difficile. Mais elles se disent désemparées face à l’ampleur croissante du phénomène. A Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis, deux médiathèques et le parking d’une piscine ont été inondés jeudi, selon la maire (PCF), Mériem Derkaoui.

« Cela prend des proportions inadmissibles. On est dans une situation d’urgence, et c’est intolérable du point de vue de l’environnement. Tous les jours à partir de 14 heures, c’est le début des ouvertures [de bouches à incendie]. Hier, on en a eu une dizaine. J’ai même dû faire intervenir la police nationale parce que ça dérapait. »

Pour rafraîchir les passants sans utiliser toute l’eau du réseau, l’élue a fait installer des jets d’eau et instauré la piscine gratuite depuis trois jours. Elle a aussi concouru à la réalisation d’un clip sur place avec le rappeur Youssoupha, produit par Veolia, pour sensibiliser la population. Sans effet. « On a fait notre part, mais on a atteint nos limites, d’autant qu’on est parmi les villes les plus pauvres de France », relève-t-elle.

Face à l’impossibilité de juguler, seule, le phénomène, elle s’est alliée avec cinq autres maires des villes voisines (Stains, Saint-Denis, L’Ile-Saint-Denis, La Courneuve et Pantin) pour solliciter un rendez-vous avec le préfet. Elle s’apprête également à envoyer une lettre sous quarante-huit heures au premier ministre, cosignée par dix élus, réclamant de « débloquer des fonds afin de faire face à cette situation ». « Je ne comprends pas que l’Etat ne réagisse pas ! Je lance un cri d’alarme. Il y aura un drame si cela continue », avertit-elle.

Pour l’heure, les pompiers préfèrent miser sur la prévention. L’ouverture des bouches à incendie, interdite, est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende. Quant à la facture des millions de litres d’eau perdue, les communes touchées rappellent que ce sont les citoyens qui la payent.

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