Consigny - Saint-Étienne-du-Rouvray : tous à la messe !

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a appelé, en accord avec l'Église catholique, les musulmans de France à se rendre à la messe ce dimanche, pour témoigner de leur compassion et de leur soutien vis-à-vis des proches du père Hamel, égorgé à Saint-Étienne-du-Rouvray le 26 juillet dernier. La communauté musulmane étant restée pour le moins silencieuse après les nombreux attentats de ces derniers mois, cette initiative est heureuse. Reste à voir si cet appel sera suivi. Il ne faudra pas nécessairement déduire d'une faible mobilisation des musulmans leur indifférence par rapport à l'assassinat du prêtre, mais s'ils étaient nombreux à se rendre à l'église la plus proche de chez eux, dimanche à 11 heures, une forme de dialogue, de partage, d'unité pourrait renaître dans notre pays morcelé.

Il faut se souvenir qu'avant le massacre de Charlie Hebdo, il y a eu le procès des caricatures de Mahomet, où s'était manifestée l'intolérance totale des représentants de la communauté musulmane, et possiblement de nombreux membres de celle-ci, à l'égard de la liberté d'expression, qui ne s'embarrassait pas en l'occurrence, au XXIe siècle, du vieux blasphème. Il faut se souvenir qu'avant ce procès, il y avait eu l'assassinat du réalisateur néerlandais Théo van Gogh, coupable d'un court-métrage hostile à l'islam.

Fractures

Et il faut se souvenir qu'après le massacre de Charlie Hebdo, dont les mousquetaires de l'humour et de l'esprit furent décimés à la kalachnikov, il s'était trouvé toutes sortes de gens, à travers le pays, pour, outre ne pas « être Charlie » (après tout, on a le droit de ne pas se laisser imposer un nouveau dogme), considérer qu'au fond ces dessinateurs avaient eu le blasphème facile et que, d'une certaine façon, ils l'avaient un peu cherché. Minorés dans un premier temps par une presse débile d'aveuglement volontaire, les incidents qui ont émaillé la minute de silence que l'on a tenté de faire respecter dans les collèges et les lycées français en hommage aux dessinateurs ont finalement été exposés au grand jour, révélant nos fractures.

Parce qu'il ne faut pas qu'il y ait deux peuples, ou plusieurs, en France, parce qu'il faut qu'il n'y ait que le peuple français, nous pourrions tous aller à la messe dimanche. Ce n'est pas faire insulte à quiconque que de rappeler que ce pays est irrigué de christianisme des pieds à la tête ; dans sa pensée politique, son mépris pour l'argent, sa volonté égalitaire, son souci du plus faible ; dans son visage : ses innombrables petits villages, avec, pour beaucoup, leurs églises pluriséculaires, vestiges des siècles qui l'ont façonné ; et donc bien sûr dans sa mémoire, dans le sacre de ses rois et le désintéressement de ses sœurs.

Allons tous prier et penser

« Embrassant la Croix, Jésus embrasse nudité et faim, soif et solitude, douleur et mort des hommes et des femmes de tous les temps », rappelait vendredi le pape François. Les terroristes de Saint-Étienne-du-Rouvray, dans un dialogue irréel avec les religieuses qui se trouvaient aux côtés du père Hamel, ont parlé de Jésus. Ils ont affirmé que Jésus ne pouvait être homme et Dieu à la fois, et qu'en cela les catholiques se trompaient. Pour que ces questions millénaires ne se résolvent pas dans le sang, allons tous à la messe, allons tous prier et penser, allons tous chanter, allons tous embrasser la nudité et la faim, la soif et la solitude, la douleur et la mort des hommes et des femmes de tous les temps. Il y a un horizon où tous les Français peuvent se retrouver : l'amour pour leur pays, le désir qu'il demeure celui qu'ils aiment. Et comme il n'y a que des preuves d'amour, allons tous à la messe.