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Les talibans confirment la mort du mollah Omar et nomment un nouveau chef

Le leader historique des talibans serait mort « de maladie ». Le mollah Akhtar Mansour le remplace à la tête du groupe. Une session de négociations de paix est reportée.

Le Monde avec AP, AFP et Reuters

Publié le 30 juillet 2015 à 17h26, modifié le 31 juillet 2015 à 09h45

Temps de Lecture 5 min.

Le mollah Omar en Afghanistan, en 2001.

Les talibans afghans ont confirmé, jeudi 30 juillet dans un communiqué, la mort « de maladie » de leur chef suprême, le mollah Omar, annoncée la veille par la Direction nationale de la sécurité (DSN), les services de renseignement afghans. Le mouvement ne mentionne pas la date de la mort de son leader historique. La présidence afghane avait affirmé que le mollah Omar était mort depuis plus de deux ans, en avril 2013. Elle n’avait pas fait mention des doutes de la DSN sur les circonstances de sa mort, « dans un hôpital de Karachi », au Pakistan, que les services jugeaient « suspecte ».

Le mollah Akhtar Mohammed Mansour, chef de facto des talibans depuis que le mollah Omar avait disparu du paysage politique, a été élu nouveau chef du mouvement selon un communiqué des talibans diffusé vendredi. La place de numéro deux serait occupée par Sirajuddin Haqqani selon l’agence AP.

Si les militants n’avaient plus entendu sa voix depuis des années, la hiérarchie continuait de diffuser des textes signés du nom du mollah Omar, prétendant qu’il était encore vivant. Le dernier message datait de la mi-juillet, à la veille de l’Aïd el-Fitr, la fête de rupture du jeûne, à la fin du ramadan.

Dans ce message émaillé de citations du Coran, le mollah Omar appelait à soutenir les efforts de paix laborieusement engagés avec la présidence d’Ashraf Ghani, une amorce de discussion activement encouragée par le Pakistan voisin et une Chine à l’influence croissante sur le théâtre afghan. Une nouvelle session de négociations, prévue vendredi entre les insurgés et le gouvernement afghan, a été reportée. En annonçant ce report, le Pakistan a mis en avant le communiqué publié à Kaboul mercredi pour annoncer la mort du mollah Omar et les tensions qu’il pourrait engendrer autour de sa succession.

Lire notre analyse Article réservé à nos abonnés L’Afghanistan, dans l’ombre de la mort du mollah Omar

Une hiérarchie fragilisée

La rapidité avec laquelle la direction du mouvement a pu choisir un successeur surprend, comme la facilité apparente qu’elle aura eue à admettre implicitement avoir menti pour préserver vivant le mythe du mollah Omar.

La haute hiérarchie des talibans est politiquement fragilisée et divisée depuis plusieurs années. Akhtar Mohammed Mansour y faisait face à une vigoureuse opposition, dont l’une des têtes d’affiche est Mohammed Yakoub, le propre fils du mollah Omar.

Elle est par ailleurs de plus en plus concurrencée par l’Etat islamique (EI) dans certains de ses bastions, notamment dans les provinces de Nangahar (Est) et du Helmand (Sud). Les nouveaux supporteurs d’Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l’EI, tirent parti du désarroi d’une partie des combattants talibans face au vide politique apparent au sommet du mouvement.

Une aura unique

Ainsi, raviver cette direction s’annonce une tâche ardue pour le successeur du mollah Omar, tant ce dernier jouissait d’une aura unique. Né entre 1958 et 1960 – la date n’a jamais été clairement établie –, ce fils d’une famille pauvre de la province pachtoune méridionale de Kandahar n’avait joué qu’un rôle mineur dans la résistance antisoviétique des années 1980, où il perdit son œil.

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Son destin va prendre un tour exceptionnel à la faveur de la guerre civile entre factions moudjahidine qui ravage le pays après l’effondrement du régime communiste en 1992. Une révolte éclate à Kandahar et aux confins de la frontière pakistanaise contre les petits chefs de guerre locaux rackettant et terrorisant la population.

Le mollah Omar est l’un des animateurs de cette fronde vite soutenue par la corporation des transporteurs vivant du commerce transfrontalier, handicapés dans leurs affaires par le chaos ambiant. Les troupes seront fournies par les étudiants (« taleb » en arabe, d’où le nom du mouvement) des écoles coraniques issues de l’école ultraconservatrice deobandi – proche du wahhabisme saoudien – dominante dans cette ceinture frontalière pachtoune. Le mouvement embryonnaire, qui rallie sans mal les populations sous le double mot d’ordre de « la paix » et du « Coran », enlève sans coup férir Kandahar en 1994.

Mais la légende du mollah Omar naît vraiment le 4 avril 1996. Ce jour-là, il se drape d’une cape, pieusement conservée dans une mosquée locale car elle aurait été jadis portée par le prophète Mahomet, et s’autoproclame devant une assemblée de fidèles Amir Al-Mominin (Commandeur des croyants). A la faveur du succès politico-militaire du mouvement taliban, qui conquiert Kaboul en septembre 1996, ce titre éminemment prestigieux sera reconnu par un nombre croissant de fidèles.

Hôte de Ben Laden

Le mollah Omar choisira de rester à Kandahar, dans un logement sans ostentation où il tenait cour et prêchait, vivant en compagnie de ses femmes et de ses enfants et passant, selon certaines sources, des heures à s’occuper d’une vache bien-aimée. Pendant ce temps, les talibans instauraient un régime rétrograde, violent, souvent absurde entre des frontières de plus en plus fermées au monde extérieur, massacrant les populations chiites hazara, maintenant les jeunes filles hors des écoles et privant de nombreuses femmes de leur travail, détruisant une partie du patrimoine préislamique du pays, comme les bouddhas de Bamiyan en 2001.

Dès 1996, Omar autorisa le Saoudien Oussama Ben Laden à revenir en Afghanistan – il s’y était déjà établi dans les années 1980, durant la guerre contre l’occupant russe – pour y ouvrir des camps d’entraînement et des bases pour une internationale djihadiste en construction. Il devra quitter Kaboul en 2001 à l’approche de l’armée américaine, qui envahit le pays en réponse aux attentats du 11-Septembre.

Depuis, Omar restait invisible. Mais il restait un personnage majeur, dirigeant d’une insurrection qui, à partir de 2005, infligea des pertes de plus en plus lourdes à la coalition internationale menée par les Etats-Unis qui s’était établie dans le pays pour aider le jeune Etat afghan à se reconstruire. Ce conflit a fait des dizaines de milliers de morts afghans et 3 393 parmi les soldats de la coalition, pour la plupart des Américains.

Aujourd’hui encore, malgré l’affaiblissement de leur direction, les talibans engrangent les succès militaires. Alors que l’OTAN a mis un terme début janvier à sa mission de combat en Afghanistan, laissant un dispositif résiduel d’environ 12 500 hommes (principalement américains) se cantonner à des opérations ponctuelles de « contre-terrorisme », la rébellion profite du vide stratégique. Ces dernières semaines, elle a surpris en réalisant des percées dans les provinces septentrionales de Kunduz, Faryab et Badakhchan, une zone où elle est pourtant traditionnellement moins bien implantée que dans le Sud pachtoune.

Le Monde avec AP, AFP et Reuters

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