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Pourquoi la croissance est sous-estimée

¤ L'économiste Philippe Aghion estime que la croissance française est sous-évaluée de moitié depuis 2006. ¤ Le PIB prendrait mal en compte le progrès technologique.

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Par Guillaume de Calignon

Publié le 23 juin 2017 à 01:01

Depuis la crise de 2008 et le long et difficile retour à la normale de l'activité dans les pays développés, les économistes s'interrogent : le monde ne vivrait-il pas une période de croissance faible, baptisée « stagnation séculaire » ? L'idée est reprise notamment par l'Américain Robert Gordon. Pour lui, les nouvelles technologies numériques n'auraient qu'un impact modeste sur les gains de productivité, contrairement à l'électricité ou au moteur à explosion autrefois.

Philippe Aghion, professeur d'économie au Collège de France, n'est pas de cet avis. Pour lui, la comptabilité nationale, créée après la Seconde Guerre mondiale, qui permet de calculer le PIB, prend mal en compte le progrès technique. Dans une étude présentée mercredi aux membres de l'Association française de science économique (AFSE), il montre que, entre 2006 et 2013, la croissance française aurait été sous-estimée de moitié et la croissance américaine d'un quart. Dans l'Hexagone, la croissance, mesurée par l'Insee, atteint en moyenne 0,42 % par an sur la période, alors que l'ex-professeur d'Harvard estime, lui, que, si le progrès technologique avait été correctement pris en compte, elle se serait élevée à 0,99 % par an.

La démonstration emprunte à Schumpeter, un économiste autrichien du XXe siècle, et à sa théorie sur le processus de destruction créatrice. Lorsqu'un produit innovant arrive sur le marché, s'ajoute aux produits existants ou les remplace, les instituts de statistiques ont du mal à évaluer l'amélioration de la qualité en termes de prix, c'est-à-dire à la traduire dans le calcul de l'inflation. Il leur est difficile de prendre en compte les nouvelles fonctionnalités des produits innovants, tels qu'un nouveau smartphone ou un nouveau service sur le Web, qui font partie d'une catégorie précise de biens ou services déjà existants, définie par les statisticiens. Ces derniers se basent donc sur l'observation du prix des produits qui ne sont pas remplacés pour calculer le taux d'inflation de l'économie dans son ensemble.

Recalculer le « vrai » taux

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Par exemple, ne sachant pas traduire dans l'indice des prix l'amélioration qu'a apportée l'iPhone il y a dix ans, les statisticiens se sont basés sur les téléphones classiques. Ils auraient donc comparé des choses non comparables. L'inflation globale est alors surestimée (elle serait plus basse si la qualité des nouveaux biens était prise en compte) et, donc, la croissance du PIB est sous-évaluée. Pour tenter d'estimer l'apport du progrès technologique à la croissance, Philippe Aghion et son équipe ont étudié la part de marché des entreprises qui continuent à exister sur longue période, c'est-à-dire celles auxquelles les statisticiens s'intéressent de facto. Si celle-ci baisse dans le temps, alors c'est au profit des nouveaux entrants, dont l'activité est mal évaluée par les instituts de statistiques. Il est alors possible d'estimer la part de marché des nouveaux entrants et de recalculer un « vrai » taux de croissance du PIB. De cette mauvaise estimation du progrès technique proviendrait donc la sous-évaluation des gains de productivité - atones si l'on s'en tient aux mesures actuelles - et de la croissance.

Les conséquences de cette étude sont importantes en matière de politique économique. D'abord, « comme la hausse des prix, aujourd'hui très faible, est surestimée, l'économie est probablement beaucoup plus en déflation que ce que nous croyons », affirme Philippe Aghion. Pour lui, « il faut donc a minima repenser les objectifs de taux d'inflation des banques centrales ». Ensuite, « il faut réestimer le pouvoir d'achat de certains ménages ». En effet, celui des personnes utilisant beaucoup les nouvelles technologies est probablement sous-estimé, sans que cela se soit traduit en termes statistiques.

Guillaume de Calignon

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