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L'assiette comtoise d'Elisabeth Pierre

Cette experte en bière introduit le breuvage dans presque tous ses plats, telle cette assiette composée qui rappelle son enfance en Franche-Comté.

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Publié le 30 novembre 2015 à 12h11, modifié le 30 novembre 2015 à 12h11

Temps de Lecture 4 min.

« Je suis née à Montbéliard, en Franche-Comté, entre les Vosges et le Jura. Nous sommes des montagnards, habitués aux climats rudes, et notre cuisine est généreuse et réconfortante. Dans ma famille, les déjeuners du dimanche étaient toujours longs et copieux. En entrée, ma grand-mère faisait des “croûtes aux morilles”, c'est-à-dire des tartines de pain grillées au feu, sur lesquelles on versait les champignons crémés. J'en raffolais.

Ensuite, c'était poulet au vin jaune, gigot d'agneau ou truite aux amandes et, toujours, des gâteaux pour le dessert. Le soir, après ce festin, on ne faisait pas de cuisine, on “ jeûnait” avec une assiette de salade, un peu de jambon ou de saucisse, quelques rösti, parfois de la cancoillotte. Il incombait à mes sœurs et moi de préparer la cancoillotte : dans une casserole à feu très doux, il fallait faire fondre le metton (lait écrémé caillé et solidifié) et touiller longuement sans jamais s'arrêter. Ajouter un peu d'eau, un peu de beurre, quelques épices, jusqu'à obtenir la consistance parfaite, épaisse et onctueuse. Il n'y a rien de meilleur qu'une cancoillotte maison quand on peut trouver du metton. On trempait nos morceaux de charcuterie et nos pommes de terre dedans. C'était ça, le repas du dimanche soir.

Et puis il y a les bières, bien sûr. Je crois que ma passion remonte à mes 11 ans, lorsque j'ai visité, un peu par hasard, la grande brasserie de Sochaux, qui était juste à côté de mon collège. Cela m'a marquée, surtout olfactivement : des odeurs puissantes d'acide et d'ammoniaque émanaient des cuves de fermentation et, à l'inverse, la salle de brassage sentait bon le malt chaud, le chocolat, la noisette grillée... La brasserie n'existe plus, mais je pense que la bière m'a fascinée dès cet instant. Mon  “assiette comtoise” rassemble tous ces souvenirs, y compris la bière, que j'adore boire mais qui est aussi un formidable ingrédient en cuisine.

Les odeurs de résine, la neige et la cheminée

Je l'utilise pour mes pâtes à crêpes et à beignets, dans les sauces, les marinades, les ragoûts. Une bière blanche artisanale, à base de blé et pleine de levures, rend les pâtes légères et croustillantes, une bière ambrée caramélisée, une rouge flamande ou une bière brune, avec le gibier par exemple, attendrissent et donnent un goût inimitable aux viandes marinées, grillées ou mijotées.

Pour mes salades, je remplace le vinaigre par une bière fruitée, à la cerise ou au miel. Et j'ajoute un peu de bière fumée à la cancoillotte — c'est ma petite touche personnelle. Car j'adore les goûts fumés, boisés, torréfiés. Cela vient, là encore, de mon enfance : les balades dans les forêts de sapins, les odeurs de résine, la neige et la cheminée.

Le fumé, c'est aussi le jambon cuit du Haut-Doubs, le mont-d'or, le feu de bois, les saucisses de Montbéliard et de Morteau, qui sont fumées dans les “tuyés”, ces grands âtres au cœur des fermes franc-comtoises, où l'on fait brûler bois de sapin, d'épicéa et de genévrier. Dans la bière, le fumé provient de malts grillés au feu de hêtre ou à la tourbe, qui lui confèrent des saveurs profondes, chaudes et charpentées. En hiver, surtout, ce sont tous les goûts dont j'ai envie.»

Les derniers ouvrages d'Elisabeth Pierre. « Bières, leçons de dégustation », (La Martinière, 19,90 €). « Biérographie », avec Anne-Laure Pham, illustration de Mélody Denturck, (Hachette, 14,95 €).

Site Internet. www.lafilledelorge.com

Adresse à retenir : épicerie Le Franc-comptoir, 99, rue du Chemin-Vert, Paris 11e.

 

LA RECETTE

Ingrédients (Pour 4 personnes)

200 g de morilles séchées (ou moitié morilles, moitié trompettes de la mort), 4 pommes de terre, 1 saucisse de Montbéliard, 250 g de cancoillotte, 2 tranches de jambon fumé du Haut-Doubs, 1 poignée de feuilles de pissenlit (ou mesclun), 1 bière lager fumée (Vieux Tuyé), 1 bière à la cerise (la Griottines), 1 c. à s. de crème fraîche, huile d'olive.

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Faire tremper les morilles dans de l'eau tiède pendant une demi-heure, rincer, puis les cuire à l'eau frémissante pendant 15 minutes. Faire cuire les pommes de terre à l'eau salée. Les égoutter, les passer sous l'eau froide, les éplucher et les couper en rondelles.

Préparer une vinaigrette en mélangeant 3 c. à c. d'huile d'olive et 2 c. à c. de bière à la cerise. Couper la saucisse en morceaux.

Faire revenir les pommes de terre avec les morceaux de saucisse dans une poêle (sans gras). Une fois qu'elles sont bien grillées, réserver et déglacer la poêle avec 10 cl de bière fumée. Ajouter la cancoillotte et remuer à feu très doux.

Mélanger la salade et sa vinaigrette. Disposer sur chaque assiette un peu de salade, une demi-tranche de jambon fumé, les rösti de pommes de terre et morceaux de saucisse. Verser la moitié de la cancoillotte dans un ramequin. Ajouter les morilles au reste de cancoillotte, et incorporer la cuillérée de crème fraîche. Transvaser le tout dans un deuxième ramequin. Servir avec une bière brune.

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