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Australie : la Grande Barrière de corail pourrait disparaître

La majorité des coraux est menacée de mort d’ici à vingt ans, sous l’effet du blanchissement lié au réchauffement.

Par  (Sydney, correspondance)

Publié le 02 mai 2016 à 09h19, modifié le 02 mai 2016 à 12h04

Temps de Lecture 4 min.

Une photographie de l'Institut australien des sciences de la mer montre les dommages  causés sur un récif de corail de la Grande Barrière de corail, en Australie, par les tempêtes, les étoiles de mer toxiques et le changement climatique.  La Grande Barrière de Corail a perdu plus de la moitié de sa couverture corallienne lors des vingt-sept dernières années.

« La majorité des coraux de la Grande Barrière pourrait avoir disparu quand un enfant né aujourd’hui fêtera ses 18 ans. » Cette annonce du Centre pour la science du système climatique (ARCCSS), un organisme financé par le gouvernement australien, vient s’ajouter aux nouvelles particulièrement alarmantes tombées ces dernières semaines à propos de la mauvaise santé du joyau du patrimoine australien. Son déclin était déjà connu, mais les récentes études révèlent qu’il est plus rapide que prévu et qu’il pourrait encore s’accélérer. « De grandes parties de la Grande Barrière de corail seront mortes d’ici à 2034 si nous ne réduisons pas les émissions de gaz à effet de serre », a précisé, le 29 avril, l’ARCCSS.

Si le sort de la Grande Barrière de corail, au nord-est de l’Australie, au large du Queensland, préoccupe autant les chercheurs, c’est parce qu’elle constitue le plus grand ensemble corallien du monde, aussi étendu que l’Italie avec ses 2 300 km de long. La Grande Barrière, inscrite au Patrimoine de l’humanité, concentre plus de 400 espèces de coraux, plus de 1 500 espèces de poissons. « Les coraux servent d’habitat pour quantité de créatures. Donc s’ils meurent, tout l’écosystème est affecté », résume le chercheur Terry Hughes, du Centre d’étude des récifs coralliens, à l’université James-Cook en Australie.

Il a été l’un des premiers à annoncer l’étendue des dégâts, en mars, et depuis, la situation n’a cessé de s’aggraver. « Nous faisons clairement face au plus grave épisode de blanchissement des coraux » jamais enregistré, déplore-t-il. « Nous avons survolé un millier de récifs. Nous les avons étudiés pour voir s’ils avaient blanchi, et si c’était le cas, dans quelle proportion. » On sait désormais que 93 % des récifs étudiés présentent des signes de blanchissement. « 55 % ont gravement blanchi », la plupart dans la partie nord de la Grande Barrière, qui était considérée jusqu’ici comme parfaitement préservée, car elle est à l’écart des activités humaines (agriculture, pêche, ports, etc.).

Ecoulement des engrais

Ce blanchissement est « dû au réchauffement du climat, et cette année, El Niño a aggravé les choses », explique Terry Hughes. El Niño est un phénomène climatique qui revient tous les quatre à six ans et provoque des hausses de température dans le Pacifique équatorial. Mais jusqu’en 1998, les coraux ne blanchissaient pas, malgré El Niño, précise-t-il. La température de l’océan autour de la Grande Barrière de corail a atteint des records cette année. Dans la partie nord, l’eau à la surface a été entre 1 et 2,7 degrés au-dessus de la normale, selon le Bureau de la météorologie. Cette hausse de la température entraîne l’expulsion des petites algues (zooxanthelle) qui donnent au corail sa couleur et ses nutriments, entraînant alors leur blanchissement. « Certains regagneront leurs couleurs dans les mois à venir, quand l’eau refroidira, mais beaucoup, parmi ceux qui ont gravement blanchi, sont en train de mourir », déplore M. Hughes.

L’Australie fait partie des pays les plus pollueurs par habitant, en partie à cause de sa dépendance au charbon

La Grande Barrière a subi trois grands épisodes de blanchissement jusqu’ici : en 1998, en 2002 et le plus grave, actuellement. Or, selon la dernière étude de l’ARCCSS, ils pourraient se multiplier : « Les températures extrêmes à l’origine de l’actuel blanchissement pourraient devenir la norme d’ici à vingt ans, si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter. » L’un des auteurs, Andrew King, ne mâche pas ses mots : « Nous avons plombé les chances de survie de l’une des plus grandes merveilles naturelles au monde. » « La probabilité que l’épisode actuel de blanchissement se produise est 175 fois plus forte dans le monde actuel que dans un monde où les êtres humains n’émettraient pas de gaz à effet de serre », explique le chercheur.

La Grande Barrière ne souffre pas seulement du blanchissement. Elle a déjà perdu la moitié de ses coraux en trente ans, surtout dans le sud et le centre. L’Australie a cependant évité en juillet un classement de la Barrière dans le « patrimoine en péril » de l’Unesco. Les activités agricoles pèsent sur la qualité de l’eau, à cause de l’écoulement des engrais dans la mer. Cela favorise la multiplication d’une étoile de mer invasive, l’acanthaster, qui peut tuer les coraux en quelques heures. Le gouvernement australien a annoncé plusieurs plans pour améliorer la qualité de l’eau, dont un de 50 millions de dollars (33,2 millions d’euros) le 26 avril, destiné aux agriculteurs.

Terry Hughes accuse en revanche le gouvernement d’« ignorer » le réchauffement climatique, qui est pourtant la première menace pesant sur la Grande Barrière. L’Australie fait partie des pays les plus pollueurs par habitant, en partie à cause de sa dépendance au charbon. Le pays s’est engagé à réduire de 26 % à 28 % ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport à 2005, des objectifs souvent jugés trop modestes par les scientifiques et les défenseurs de l’environnement. En outre, Canberra a donné son accord à l’indien Adani pour exploiter pendant soixante ans une gigantesque mine de charbon dans l’Etat du Queensland. « C’est un immense échec pour la Grande Barrière de corail », déplore le scientifique.

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