INTERVIEWNobel de médecine: «Leur découverte a été une révolution»

Prix Nobel de médecine 2015: «Ils sont à l’origine d’une petite révolution, qui a sauvé des millions de personnes»

INTERVIEWChargée de recherche à l’Inserm, Stéphanie Blandin explique l’avancée que représentent les travaux des trois chercheurs primés ce lundi par le comité Nobel…
Montage photo: Tu Youyou, William Campbell et Satoshi Omura.
Montage photo: Tu Youyou, William Campbell et Satoshi Omura. -  Jin Liwang/ Mary Schwalm/ AP/NEWSCOM/SIPA
Nicolas Bégasse

Propos recueillis par Nicolas Bégasse

Trois prix Nobel de médecine pour un fléau : celui des maladies parasitaires, qui concernent des milliards d’êtres humains sur presque tous les continents. William Campbell et Satoshi Omura ont découvert un nouveau médicament « dont les dérivés (…) montrent de l’efficacité contre un nombre de plus en plus grand de maladies parasitaires ». L’autre Nobel 2015, Tu Youyou, a elle découvert l’artémisinine, à la base d’un traitement particulièrement efficace contre le paludisme. Chercheure à l’Inserm spécialiste du paludisme, Stéphanie Blandin nous aide à mieux saisir l’importance du travail des trois lauréats.

Le comité Nobel parle de « décennies de progrès limités dans le développement de thérapies durables contre les maladies parasitaires », comment expliquer cette difficulté ?

Si on parle du paludisme, il y a eu des avancées : plusieurs molécules ont été testées sur le terrain et se sont montrées efficaces. Simplement, leur principal problème c’est le développement de résistances rapides chez le parasite, qui font que leur molécule finit par ne plus soigner. La petite révolution de l’artémisinine, c’est qu’elle apporte une nouvelle molécule particulièrement efficace, et qui pendant longtemps n’a pas vu de résistances se développer. Pour deux raisons : elle tue très vite les parasites, et elle est utilisée en combinaison avec d’autres drogues antiparasitaires, ce qui fait qu’il n’y a pas de risque que le parasite développe en même temps une résistance contre toutes les molécules. La molécule a pu être employée seule au Cambodge, et on y voit des résistances se développer, mais ailleurs elle continue de fonctionner très efficacement.

Pourquoi à votre avis a-t-on choisi de récompenser ces chercheurs ?

Ils sont à l’origine d’une petite révolution, mais qui a sauvé des millions de personnes [le paludisme touche près de 200 millions de personnes par an, et en tue plus de 500.000] ! C’est le « gold standard » des drogues antiparasitaires, à la fois rapide et efficace. Et pour trouver cette molécule il y a eu un travail énorme, dont la contribution au bien-être de l’humanité n’est vraiment pas négligeable.

Depuis les découvertes réalisées par ces trois chercheurs, comment a évolué la recherche dans ce domaine ?

Ma spécialité c’est de regarder la transmission des maladies comme le paludisme, qui se fait par le moustique. Sauver des vies c’est très important, mais il faut aussi trouver la drogue qui peut tuer les formes infectieuses chez le moustique, car ce n’est pas la même que chez l’Homme : un patient guéri peut très bien contaminer un moustique qui transmettra ensuite le parasite. Ce qu’on essaie de comprendre, c’est comment le moustique se défend contre le parasite, et comment on peut l’y aider, pour qu’il ne le transmette plus. L’artémisinine n’est pas la plus efficace pour lutter contre la transmission, mais c’est vraiment la meilleure pour soigner les gens.

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