C’est à croire que le paysage parle parfois à la place du restaurant. Il contourne, revient sur lui, irradie, plonge et replonge de vallons en légers coteaux. C’est le Morvan. Qui plus est, le temps est radieux. Au détour d’un lacet sur un léger plateau, non loin d’Avallon (que c’est beau !) et de Vézelay, voici un café-restaurant où jamais vous n’auriez l’idée de vous arrêter. Pourquoi ? Parce qu’on a dépoétisé le genre. Il est caduc, démonétisé. On triche en cuisine, on n’a plus faim en salle. On roule si vite.
Pourtant ici, depuis un an, un jeune couple s’est installé. Il était sommelier chez Marc Meneau, à L’Espérance de Vézelay. Elle était réceptionniste. Ils ont des prénoms d’amoureux : Angeline et Romuald. Ils sont beaux, frais dans un probable bonheur. Plein d’espoir et de culot. Car ce jour-là, nous étions deux pour toute clientèle. Un homme était passé juste avant, mais il voulait déjeuner au soleil. Comme la terrasse n’était pas encore prête, il est reparti un peu chafouin. On se demande où il a dû se poser.
Certainement plus cher, moins bon et moins tendre que ce menu scintillant à 24 euros. Le saumon bio en gravelax aux épices douces, pulpe de fenouil et huile de curry tapait aux quatre coins de l’assiette, multipliant les contrechamps, n’éludant pas le propos en allusions : un plat debout.
Ensuite, le filet de cabillaud huile d’olive parfumée, mogettes de Vendée : parlant, avec ses rondelles de chorizo et une belle bagarre d’épices écourtée par une sauce un chouïa trop liquide. La tarte du moment (aux poires) avait encore la tiédeur de la matinée. Le décor de la salle cahote à sa façon, cherche un style et ne le trouve pas. Ne lui en voulez pas, car on devine que toutes les économies sont passées dans l’équipement de la cuisine et les emprunts à la banque.
Le lieu est hors radar, il ne doit pas y avoir de médecin à cent lieues à la ronde, encore moins d’attaché(e) de presse. Du coup, à la fin du repas, repassant dans la partie café-bar avec son poisson bleu, l’annonce du loto à Quarré-les-Tombes, on sent combien le message de ces tables nous retient par le coude. Cet étrange militantisme gourmand qui nous pousse, au-delà de ces lignes, à être solidaire de ces instants délicieux, de cet élan plein de grâce, de ces plats à tâtons. Nous voilà presque redevables, faisant partie des meubles. Comme si on les avait montés ensemble.
Passage à l’acte
Le Chastellux, 16, route du Lac, Chastellux-sur-Cure (89). Tél. : 03-86-32-08-83.
Ouvert au déjeuner du mardi au dimanche ; au dîner le vendredi et le samedi.
Décibels : quiétude provinciale.
Mercure : il faisait beau, température extérieure : 20 °C.
Addition : menu à 24 €.
Minimum syndical : 19 € la formule deux plats.
Verdict : accompagnons-les.
Place de choix : aux beaux jours, en terrasse, sinon près des portes-fenêtres.
Dommage : il n’y avait pas un chat, ce midi-là.
A emporter : surtout pas leur énergie et leur foi (ils en ont besoin), mais des cartes à distribuer.