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Conclusion

Affaire Bettencourt: les biens confisqués à Banier affectés à l'Etat

Le photographe, ex-confident de la milliardaire, a été condamné à quatre ans de prison avec sursis et une amende de 375 000 euros par la cour d'appel de Paris. La cour a maintenu la confiscation de certains de ses biens mais, cette fois, au profit du Trésor Public.
par Renaud Lecadre
publié le 28 août 2016 à 16h15

Le Trésor Public est finalement le grand gagnant de l'affaire Bettencourt. La Cour d'appel de Bordeaux, en condamnant François-Marie Banier à quatre ans de prison avec sursis pour abus de faiblesse, a débouté mercredi 24 août la famille de l'héritière de L'Oréal de ses demandes en dommages et intérêts – elle lui réclamait pas moins de 230 millions d'euros, après en avoir obtenu près de 160 en première instance. La cour a néanmoins maintenu la confiscation de certains des biens du photographe mondain : trois contrats d'assurance-vie d'un montant total de 80 millions d'euros, plus un ensemble immobilier dans le VIe arrondissement de Paris – qui reste à évaluer mais se mesure lui aussi en millions. En première instance, le tribunal correctionnel avait spécifiquement affecté cette confiscation «au bénéfice prioritaire de la partie civile» «A tort», estime au contraire la Cour, proclamant qu'il «s'agit bien d'une peine pénale», en sus de la prison et d'une amende. En confirmant la confiscation tout en annulant les dommages et intérêts, les magistrats la réaffectent de facto à l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC, qui dépend de Bercy). En période de disette budgétaire, il n'y a pas de petits profits.

Pour en arriver là, il fallait d'abord débouter les parties civiles. En décembre 2007, la famille Bettencourt avait signé une transaction, permettant à la mère et la fille (Liliane et Françoise) de se réconcilier. Dans ce cadre, François-Marie Banier renonçait à un autre contrat d'assurance-vie, au montant astronomique de 262 millions d'euros, mais obtenait quitus pour toutes les autres libéralités de la vieille dame. Cet «accord transactionnel met fin, a priori, à toute velléité contentieuse, civile ou pénale, de la victime», proclame la Cour d'appel. La famille Bettencourt désormais réunie (1) peut certes s'inviter au procès pénal en appui du parquet, maître des poursuites, mais «en s'abstenant de formuler des demandes indemnitaires».

Les magistrats bordelais ont toutefois tenu à préciser, dans leur arrêt d'une centaine de pages que cette «confiscation ne dépouille en aucune façon M. Banier, qui dispose de biens importants.» Notamment trois autres propriétés immobilières, à Paris Ve, dans le Midi et au Maroc, d'une valeur globale de 28 millions d'euros ; des tableaux et œuvres d'art évalués 34 millions.

Si l'ancien amuseur de Liliane Bettencourt s'en sort bien financièrement, l'arrêt motivant sa peine contient des passages durs à avaler. Certes, il échappe à de la prison ferme mais le quantum infligé (quatre ans avec sursis) dépasse le montant prévu par le code pénal en matière d'abus de faiblesse (trois ans). Pour y parvenir, la Cour détaille comment Banier aurait «instrumentalisé Mme Bettencourt en profitant des sentiments d'hostilité à l'égard de sa fille, dont il a habilement tiré profit.» Et si «leur relation fut bénéfique dans les premiers temps, une fantaisie dont sa vie pouvait être dépourvue», la suite ne l'est plus : le dandy de la milliardaire «connaît sa particulière vulnérabilité, il la sait incapable de lui résister, pouvant la faire signer n'importe quel acte sous couvert de mécénat.» La Cour peint la vielle dame, «dont rien ne permet de penser qu'elle fut une femme d'affaires de premier plan, au-delà d'une place d'honneur en qualité de fille du fondateur de L'Oréal», comme incapable de compter : «Elle ne fait manifestement aucune différence entre les euros et les francs.» La Cour va jusqu'à proclamer que le photographe et écrivain aurait mené une «déstabilisation d'une importante entreprise française, qui aurait pu être dramatique pour l' économie nationale.» L'égo de François-Marie Banier en sera peut-être flatté, mais pas son casier.

(1) Liliane aujourd’hui âgée de 93 ans vit désormais recluse et sous tutelle.

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