Côte d'Ivoire - Condamnés pour violences post-électorales : ce que disent les chiffres

Y a-t-il partialité dans l'administration de la justice ? Le Point Afrique a répertorié les mises en accusation et les verdicts des jugements. Pleins d'enseignements.

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Anselme Seka Yapo, au centre, ex-chef de la sécurité de l'ancienne première Dame Simone Gbagbo, arrive le 1er février 2016 au tribunal d'Abidjan pour être jugé à propos du meurtre en septembre 2002 de l'ex-général Robert Guei.
Anselme Seka Yapo, au centre, ex-chef de la sécurité de l'ancienne première Dame Simone Gbagbo, arrive le 1er février 2016 au tribunal d'Abidjan pour être jugé à propos du meurtre en septembre 2002 de l'ex-général Robert Guei. © AFP / ISSOUF SANOGO

Temps de lecture : 4 min

Le procès est historique : un ancien chef d'État, Laurent Gbagbo, s'est présenté dans le box des accusés devant la Cour pénale internationale (CPI) le jeudi 28 janvier. Ses partisans parlent du « procès de la honte », évoquant la partialité de la justice. Un sillon sur lequel s'inscrit depuis le 4 août dernier l'organisation Human Rights Watch. Dans son rapport intitulé « Pour que la justice compte : enseignements tirés du travail de la CPI en Côte d'Ivoire », l'organisation américaine de défense des droits de l'homme critique le règlement de la crise postélectorale de 2010-2011 par la CPI. Le reproche a également déjà été maintes fois exprimé à l'encontre des autorités ivoiriennes accusées d'appliquer une justice des vainqueurs.

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Pour y voir plus clair, Le Point Afrique a comptabilisé le nombre de personnes officiellement inculpées, puis condamnées ou relaxées, et a passé au crible les peines prononcées. Au total, nous avons répertorié 150 personnalités qui ont eu maille à partir avec la justice. Nous nous sommes basés sur les verdicts prononcés par la justice ivoirienne, ainsi que sur les rapports d'Amnesty International et de Human Rights Watch.

Les pro-Gbagbo d'abord, les pro-Ouattara après

Les chiffres établis à partir de cette liste parlent d'eux-mêmes : la majorité des 150 Ivoiriens jugés ou en cours de jugement sont des partisans de l'ancien président Laurent Gbagbo. Dernier verdict en date : celui de l'ex-première dame, Simone Gbagbo, condamnée à 20 ans de prison, le 10 mars à Abidjan. Elle est également poursuivie pour « crimes contre l'humanité » par la Cour pénale internationale, mais Abidjan refuse de la transférer à la Haye, où sont déjà incarcérés son époux, Laurent Gbagbo, et Charles Blé Goudé.

La justice a cependant récemment commencé à s'intéresser au camp opposé et à inculper des militants du camp d'Alassane Ouattara. Au total, une vingtaine de personnes seraient concernées, dont l'ex-comzone de Man (Ouest), Losseni Fofana, celui du fief rebelle de Bouaké (centre), Chérif Ousmane, et deux de ses hommes, le lieutenant Daouda Koné et le lieutenant Eddie Medy. Mais le nombre exact des hommes inquiétés par cette procédure judiciaire n'est pas public, pas plus que les dates d'ouverture de leur procès ou que les chefs d'inculpation qui pèsent sur eux : « Lorsque les instructions sont en cours, l'identité des personnes est confidentielle ainsi que le nombre qui peut révéler des indices. Ce sont des dossiers sensibles. Il est difficile d'enquêter sur des personnes qui sont au pouvoir », estime une source proche du dossier.

Le profil des personnes visées : des militaires mais aussi des civils

Le profil des 150 Ivoiriens jugés ou en cours de jugement est assez variable. D'un côté, les hommes politiques en poste durant la crise postélectorale sont majoritaires et largement punis d'emprisonnement. De l'autre, des militaires ou combattants ont été pour la plupart acquittés. On dénombre une minorité de civils ainsi que des journalistes.

Peines de prison ferme

Les chefs d'inculpation ont varié de gravité de suspicions. Ils vont de « trouble à l'ordre public » à « attentat ou complot contre l'autorité de l'État », en passant par « rébellion », « constitution de bandes armées » et « crime contre l'humanité ». Les peines appliquées ont été lourdes : de 18 mois à 20 ans de prison ferme ou avec sursis, assortis d'amendes et de privation de droits politiques.

La fin du « deux poids, deux mesures » ?

L'inculpation récente de proches du régime en place commence à ébranler les critiques dénonçant le « deux poids, deux mesures ». Selon le vice-président de la FIDH Drissa Troaré, « la remise en cause est venue du rapport officiel de la Commission nationale d'enquête de 2012 qui établissait que les deux camps avaient commis des atteintes aux droits de l'homme pendant la crise post-électorale. La pression des associations et des organisations des droits de l'homme pour que la justice soit impartiale a fini par payer. Mieux vaut tard que jamais. »

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