Photo Guillaume Herbaut

Par Michel Lefèbvre

Pour réussir une commémoration, il faut une date, une volonté politique et un engouement populaire. Ces trois éléments semblent bien réunis à Verdun en ce week-end de la fin du mois de mai où François Hollande et Angela Merkel, sur les lieux de la terrible bataille, entourés d’enfants porteurs de l’avenir de l’Europe, vont raviver la flamme du souvenir. La date du 29 mai n’a pas été retenue par hasard. Il y a cinquante ans, le général de Gaulle avait choisi la même pour rendre hommage aux combattants de Verdun dans une cérémonie strictement française. L’exercice était déjà délicat.

 

A l’époque, l’ombre du vainqueur de la bataille, le maréchal Pétain, plane sur la commémoration. Ses partisans réclament le transfert de ses cendres à Douaumont, ce que le Général écarte tout en rendant hommage à son rôle décisif dans la victoire et saluant la gloire acquise qui « ne saurait être contestée ni méconnue par la patrie » malgré « des défaillances condamnables » au soir de sa vie.

 

L’année 1966 est aussi marquée par une vilaine polémique accusant le capitaine de Gaulle, fait prisonnier à Verdun en 1916 avec ses soldats, de s’être rendu sans combattre. Avec l’annulation du concert du rappeur Black M à Verdun cette année, c’est encore une polémique qui marque ces commémorations, comme si Verdun était à la fois le symbole de l’héroïsme des soldats et le creuset des fractures françaises.

Le "mythe" Verdun

En un siècle, légendes, vérités et contre-vérités ont façonné, en France comme en Allemagne, le récit historique et littéraire de la bataille.  On est passé d’une mémoire magnifiant le courage et la volonté à celle de la folie des hommes plongés dans une guerre industrielle inutile. L’historien américain qui a consacré un livre à l’histoire du terrible affrontement de 1916,  revient longuement sur sa postérité.

A Verdun, sous la forêt, les plaies

Cent ans après la terrible bataille qu’Angela Merkel et François Hollande commémorent ce 29 mai, la forêt de Verdun recrache toujours corps et obus de la Grande Guerre. Forestiers, médecins légistes et démineurs l’auscultent et veillent sur sa mémoire. Visite guidée des lieux.

Verdun, mémoire familiale

Cent ans après, le souvenir de la bataille continue de hanter les familles françaises et allemandes.

Cycle mémoriel sur 14-18

Une autre date marque la mémoire de Verdun, celle du 22 septembre 1984. Cette année-là, à l’ossuaire de Douaumont, la grande bataille sort définitivement du cadre militaire et français et devient une date symbolique de l’alliance franco-allemande autour de la construction européenne, avec la poignée de main spectaculaire entre François Mitterrand et Helmut Kohl. L’évocation de la Grande Guerre passe dorénavant par l’exaltation de l’Europe, de la paix et du sacrifice des soldats et de l’arrière, le « Plus jamais ça » a remplacé le « On les aura ! ».

 

Arrive le centenaire, et la préparation des commémorations ; une difficulté va surgir que l’actualité va rendre encore plus compliquée. L’année 1916 est marquée, certes, par Verdun, mais aussi par la bataille de la Somme, qui commence le 1er juillet et sonne l’heure de gloire des Britanniques dans la Grande Guerre. Il y aura donc une commémoration britannique au début de l’été dans la Somme. Cette concurrence de dates prend dès lors un tour très symbolique, alors qu’en juin les Britanniques vont choisir de rester ou de sortir de l’Union européenne.

 

La volonté politique d’inscrire le quinquennat dans l’Histoire a été maintes fois réaffirmée par le président François Hollande ; 2014 a été une première étape, mais le succès de la commémoration du 6 juin 1944 a quelque peu éclipsé les initiatives prises autour de l’anniversaire du début de la première guerre ; 2016 sera la deuxième étape de ce cycle mémoriel autour de 14-18.

Engouement populaire

Reste l’engouement populaire, qui est bien là. Les Français aiment l’histoire, celle des livres et des documentaires qui revisitent sans fin le passé pour essayer d’éclaircir le présent bien sûr, mais surtout celle qu’on approche à pied, guide et carte en main, de monuments en musées, de cimetières en parcours de tranchées. De la Marne à la Meuse, de la Flandre aux Vosges, il y a l’embarras du choix pour explorer les traces de l’orage d’acier qui a labouré la terre et les hommes de 1914 à 1918, laissant une terre striée de blessures indélébiles.

 

Et là, sur le terrain que Français, Britanniques, Australiens, Canadiens ou Allemands arpentent sans fin en car, en voiture ou à pied, la commémoration est bien internationale. Grâce au centenaire, tous ces touristes de mémoire trouveront à Verdun un Mémorial rénové, un Centre de la paix et surtout un champ de bataille-linceul sur lequel la nature a repris ses droits tout en préservant à jamais la mémoire des morts.