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Enquête antitrust : Google répond aux accusations de l’Union européenne

Le géant américain espère éviter que la procédure qui vise son comparateur de prix ne soit menée à son terme et ne lui coûte plusieurs milliards de dollars.

Par  (Bruxelles, bureau européen)

Publié le 27 août 2015 à 19h30, modifié le 28 août 2015 à 10h30

Temps de Lecture 4 min.

Le siège de Google, à Mountain View, en Californie.

Il s’agit d’une étape cruciale dans l’enquête antitrust menée par l’Europe contre Google depuis maintenant cinq ans. Le groupe américain a envoyé, jeudi 27 août, avec quatre jours d’avance par rapport à la date butoir, sa réponse écrite aux accusations formelles prononcées contre lui, en avril 2015, par la Commission européenne.

Dans un post de blog, Kent Walker, un des vice-présidents de Google, explique : « La réponse que nous avons envoyée aujourd’hui [à la Commission] montre pourquoi nous pensons que ces accusations sont injustifiées et pourquoi nous estimons que Google contribue à accroître le choix des consommateurs européens, et offre des opportunités à d’autres entreprises de toutes tailles. » A Bruxelles, un porte-parole a sobrement répondu que la Commission allait « examiner avec attention la réponse de Google avant de prendre quelque décision que ce soit sur [sa] manière de procéder ».

« Préoccupations infondées »

Bruxelles ne met en cause qu’un service très spécifique de Google : son comparateur de prix Google Shopping, estimant que le groupe le met systématiquement en valeur aux dépens d’autres moteurs de comparaison de prix dans ses résultats de recherche. « Je crains que l’entreprise n’ait injustement avantagé son propre service (…) en violation des règles de l’Union européenne [UE] en matière d’ententes et d’abus de position dominante », avait déclaré Margrethe Vestager, la commissaire en charge de la concurrence, en avril.

La défense de Google – longue d’une centaine de pages, non publique – repose sur trois arguments. D’abord, des faits « qui prouvent que les préoccupations de la Commission sont “infondées” », selon M. Walker. Le trafic généré par les services de commerce en ligne a beaucoup progressé (de l’ordre de 227 %) sur la période couverte par l’acte d’accusation (2010 à 2014), selon Google.

« Beaucoup d’investissements ont été effectués dans le secteur du commerce en ligne. Dans quatre grands pays de l’UE, l’apparition de 300 nouvelles sociétés sur la période considérée par l’enquête a été observée », avance une source proche du groupe. Preuve encore, à en croire Google, qu’il n’a pas contribué à freiner la concurrence, malgré son énorme part de marché dans la recherche en ligne sur le continent (90 % environ).

Pas de décision « avant Pâques 2016, au plus tôt »

Deuxième argument : les comportements des internautes changent vite, et la Commission n’en aurait pas assez tenu compte. « Les utilisateurs, depuis leurs ordinateurs et leurs smartphones, veulent souvent avoir directement accès aux vendeurs en ligne qui ont réussi à établir une présence sur le Net », argue M. Walker. Enfin, Google ne voit pas en quoi sa « présentation des résultats des requêtes ne respecte pas la concurrence », alors que la Commission lui reproche justement son format Google Shopping et lui demande de traiter sur un pied d’égalité les autres comparateurs. Ce que demande la Commission « est une vraie intrusion dans les affaires du groupe », insiste une source proche du groupe américain.

« Google choisit la ligne dure en disant que Bruxelles a tort sur toute la ligne », estime une source proche d’un plaignant – une quarantaine en tout, dont les influents Axel Springer ou Lagardère. « C’est toujours comme ça dans les réponses aux actes d’accusation de la Commission. Les entreprises ne lâchent rien », nuance une source européenne. Dans les jours qui viennent, la procédure contradictoire va commencer, durant laquelle les multiples avocats de Google vont pouvoir défendre leurs arguments lors de réunions avec la puissante Direction générale de la concurrence de la Commission. Cette dernière ne devrait pas prendre sa décision finale « avant Pâques 2016 au plus tôt », estime une source bruxelloise.

Google ne prend pas l’enquête à la légère : elle constitue à court terme la principale menace pour son modèle économique. Le fait que le géant du Web ait annoncé une réorganisation radicale – la création d’une holding, Alphabet –, n’y change rien. Les dirigeants du groupe sont conscients du risque que fait encourir la procédure pour sa réputation. Mais pas seulement : l’Europe, avec son demi-milliard de consommateurs, est un marché crucial. Si l’enquête est menée à son terme, si la Commission reste convaincue des torts de Google, elle peut prononcer une amende de plusieurs milliards de dollars (dans la limite de 10 % de son chiffre d’affaires). Et surtout obliger le groupe à changer de comportement. « Il serait quand même très regrettable de ne plus pouvoir innover sur le marché européen », relève une source proche de Google.

La Commission prend des risques

Entre 2009 et 2014, Google a espéré s’en sortir en transigeant avec Bruxelles. Le commissaire à la concurrence de l’époque, Joaquin Almunia, était convaincu que le dialogue devait primer. Mais les trois tentatives de conciliation du groupe ont échoué, en raison notamment de la mobilisation des plaignants. Et quand elle est arrivée en poste, en novembre 2014, Mme Vestager a décidé de passer à la manière forte.

Au lieu de s’attaquer de front à tous les services et comportements inadéquats de Google, elle a décidé de « saucissonner » l’enquête et de commencer par Google Shopping, « un cas relativement simple, l’acte d’accusation ne [faisant] que 120 pages », selon une source européenne.

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Mais Bruxelles n’a pas abandonné pour autant ses investigations concernant Android, le système d’exploitation pour mobiles, et continue à scruter les contrats de publicité signés par Google et ses pratiques consistant à « emprunter » du contenu à d’autres sites.

Si Google est donc dans l’œil du cyclone, la Commission prend, elle aussi, des risques. Vu la médiatisation de l’affaire Google, ne pas réussir à prouver, après tant d’années d’enquête, que le droit européen a effectivement été violé, lui ferait perdre beaucoup de légitimité.

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