Le tribunal correctionnel de Bobigny a demandé, lundi 20 février, qu’un policier municipal jusque-là poursuivi pour des violences commises en marge d’une interpellation à Drancy en 2015 soit jugé devant les assises pour viol.
Au vu des certificats médicaux présentés par la victime, faisant état d’une « pénétration anale », « les faits sont de nature à entraîner une requalification criminelle », a déclaré la présidente de la 14e chambre.
« C’est une décision qui est juste, importante et que nous attendions », a réagi l’avocate de la victime, Me Marie-Cécile Nathan, qui, dès le début de l’affaire, avait estimé que les faits relevaient des assises et non du tribunal correctionnel.
Possible renvoi en cour d’assises
Les parties, y compris le parquet, ont dix jours pour faire appel de cette décision. Si le parquet ne le fait, il doit ouvrir une information judiciaire pour viol, confiée à un juge d’instruction, une étape incontournable dans les affaires criminelles.
Le policier risquerait alors une mise en examen pour viol avant un éventuel renvoi devant une cour d’assises. Sinon, la cour d’appel de Paris devra trancher sur la qualification des faits, délictuelle ou criminelle.
En janvier, l’affaire et le procès, avaient fait peu de bruit. Mais le dossier a pris un nouvel écho avec la révélation de l’affaire d’Aulnay-sous-Bois, dans laquelle un homme de 22 ans, Théo L., a été victime d’un viol suspecté au moyen d’une matraque lors de son interpellation par des policiers le 2 février.
L’affaire d’Aulnay-sous-Bois, devenue hautement politique, a déclenché de nombreux mouvements de protestation en France et des incidents qui ont duré plusieurs jours dans certaines villes de la région parisienne.
D’abord « violence aggravée »
Le policier municipal de Drancy, âgé de 33 ans, est poursuivi pour avoir exercé des violences sur Alexandre, âgé de 29 ans, qu’il avait interpellé avec sa patrouille dans la soirée du 29 octobre 2015 en état d’ébriété. Pour le contraindre à monter dans un véhicule, le fonctionnaire avait fait usage de sa matraque télescopique.
Pendant sa garde à vue, le jeune homme s’était plaint de douleurs, affirmant qu’un policier lui avait introduit une matraque dans l’anus.
A l’hôpital, un médecin avait constaté une « plaie ouverte profonde de 1,5 cm » au niveau de l’anus, et Alexandre s’était vu prescrire dix jours d’interruption totale de travail (ITT).
Au terme de l’enquête, le policier a été renvoyé devant le tribunal correctionnel pour « violence aggravée ». Devant les enquêteurs, il avait expliqué que le bâton avait dérapé alors qu’il tentait de maîtriser l’homme, qui se débattait.
« Violences policières indéniables »
Lors du procès du fonctionnaire, le 16 janvier, le procureur a évoqué des « violences policières indéniables ». Il a toutefois écarté la requalification en viol demandée par les avocats d’Alexandre, estimant que le geste avait peut-être une « connotation sexuelle » mais ne revêtait pas pour autant un « caractère sexuel ». Il a requis six mois de prison avec sursis et une interdiction professionnelle d’un an à l’encontre du policier municipal.
« Depuis le tout début, je regrette que le parquet ait tué toute forme de débat en décidant par avance que ça n’avait rien de sexuel », a déclaré un des avocats d’Alexandre, Me Joseph Cohen-Sabban.
Le conseil espère que le tribunal décidera d’un renvoi devant un juge d’instruction, « ou alors c’est à ne plus rien comprendre de la justice ». Me Cohen-Sabban a ajouté que, sans l’émotion suscitée par le cas de Théo, « il n’y aurait aucune chance » que le tribunal aille dans ce sens.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu