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La situation se tend en Guyane, les syndicats votent la grève générale

VIDÉO - Le premier ministre Bernard Cazeneuve a appelé à «l'apaisement». La mission envoyée par le gouvernement ne parvient pas à établir le dialogue. Le point complet.

Les 37 syndicats réunis au sein de l'Union des travailleurs guyanais (UTG) - une organisation syndicale proche de la CGT et qui défend plutôt les thèses indépendantistes de la Guyane - ont voté samedi à l'unanimité la grève générale, à compter de lundi sur ce territoire ultramarin confronté à un mouvement social, a annoncé à l'AFP le secrétaire général de l'UTG, Albert Darnal. La Guyane est touchée depuis plusieurs jours par une grogne sociale d'ampleur.

«J'appelle à l'apaisement, j'appelle au calme, j'appelle au dialogue parce que rien ne se construit dans le désordre et l'affrontement», avait déclaré plus tôt samedi Bernard Cazeneuve. Avant d'ajouter: «Nous avons pris des dispositions de manière à ce que le dialogue puisse s'engager en Guyane, que nous puissions prendre des mesures le plus rapidement possible qui doivent être prises», a souligné le chef du gouvernement, qui a décidé vendredi l'envoi dans ce territoire ultramarin d'une «mission interministérielle de haut niveau» afin de «nouer un dialogue constructif et apaisé».

Cette mission est arrivée sur place dès samedi, conduite par Jean-François Cordet, conseiller maître à la Cour des comptes et ancien préfet de Guyane. Elle est également composée de plusieurs hauts fonctionnaires issus de différents ministères, dont Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie et ex-conseiller social de François Hollande. La ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, leur a remis leur lettre de mission samedi matin lors d'une réunion de travail. «Je suis aussi très attaché à ce qu'en Guyane, comme partout ailleurs sur le territoire national, ce soit le respect et la concertation qui prévalent sur toutes les formes de violences», a encore déclaré Bernard Cazeneuve.

Mais le dialogue avec les contestataires a été impossible, ces derniers ne reconnaissant pas la légitimité de la mission gouvernementale et réclamant la venue de la ministre Ericka Bareigts. Celle-ci argue d'obtenir les conditions réunies pour se faire. Elle indique toutefois que la mission a déjà annoncé «des mesures très concrètes», dont le maintien du centre médical de Kourou, ou encore l'expérimentation d'un scanner à l'aéroport «pour le contrôle du trafic de drogue». En ce qui concerne le renforcement de la sécurité, elle n'a pas exclu l'envoi de troupes supplémentaires, en plus de celles déjà envoyées en renfort.

De nombreux barrages

Depuis plusieurs jours, un mouvement social paralyse tous les secteurs de l'économie de la Guyane (Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni, Kourou....).

Plusieurs établissements publics ont tiré leur rideau et de nombreux commerces sont restés fermés. Vitrine économique du territoire, la fusée Ariane a été contrainte d'ajourner son lancement lundi dernier, à cause d'un barrage à l'entrée du Centre spatial guyanais à Kourou et d'une grève au sein de la société Endel qui assure le transfert. Cette paralysie a également eu des conséquences sur le trafic aérien. Un Boeing 777 d'Air France assurant la liaison Paris-Cayenne vendredi a dû faire demi-tour après 4 heures de vol. Un autre vol d'Air Caraibes a été dérouté sur Pointe-à-Pitre, à la suite d'une notification de la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) sur le nombre insuffisant de personnel de lutte anti-incendie pour assurer la sécurité des gros-porteurs, à l'aéroport de Cayenne. Air France a décidé d'annuler tous ses vols pour Cayenne jusqu'à au moins mardi prochain.

Dans le détail, plus d'une dizaine de barrages ont été érigés au cours de la semaine, notamment à l'initiative du syndicat UTG (Union des travailleurs guyanais)-CGT, bloquant plusieurs ronds-points autour des villes. Ils rassemblent pêle-mêle des salariés d'EDF en grève, un collectif dénonçant l'insuffisance de l'offre de soins et les retards structurels en matière de santé, un collectif qui réclame un commissariat à Kourou et un autre collectif contre la délinquance, «les 500 frères», qui défilent cagoulés.

Mais parmi ces barrages, certains sont «sauvages» et source de «rackets», dénonçait jeudi soir le préfet de la région Guyane, ordonnant aux forces de l'ordre de les «éradiquer». Et d'ajouter: «seuls les barrages dressés par les collectifs seront maintenus».

«Nous voulons un travail sérieux»

Des agriculteurs bloquent aussi des locaux de la Direction de l'agriculture (DAAF), reprochant des lenteurs administratives et des refus d'aide, et des transporteurs bloquent le port de Degrad des Cannes inquiets de la répartition des marchés du chantier du futur pas de tir d'Ariane 6. Les Amérindiens ont aussi appelé à se mobiliser, notamment contre le «vol» de leur terre et un projet d'extraction aurifère controversé, ainsi que les associations de lutte contre l'orpaillage. Sont aussi bloqués le Grand Port Maritime, la Collectivité Territoriale de Guyane, la Préfecture, les axes routiers.

La ministre des Outre-mer, Ericka Bareigts, a assuré dimanche qu'elle n'avait pas «peur» de se rendre en Guyane. «On pourra aller en Guyane lorsque les conditions seront réunies et que les choses auront bien avancé. Aujourd'hui ce que je souhaite, c'est le dialogue, l'identification des demandes pour pouvoir apporter des réponses», a déclaré la ministre sur franceinfo, assurant qu'elle n'avait «peur de rien».

«Nous voulons ce travail sérieux, nous ne voulons pas juste y aller pour pouvoir avoir une discussion large politique, et au bout ne pas avoir de réponses», a-t-elle ajouté. «Nous sommes avec une mission interministérielle de haute qualité, des gens qui connaissent parfaitement le territoire et qui ont le pouvoir de décider», a martelé Bareigts sur Europe 1.

Objectif affiché, «traiter sans délai les problèmes immédiats» et «finaliser» le Pacte pour l'Avenir de la Guyane, promis par François Hollande en 2013.

Un taux de chômage à 22%

Si les revendications de ce mouvement social sont nombreuses, le constat est unanime. Ce département français, qui compte plus de 200.000 habitants, souffre depuis de nombreuses années. En 2015, le taux de chômage était évalué à 22%, soit 18.000 personnes «au sens du Bureau international du travail (BIT)», indique l'Insee. Une situation qui affecte davantage les 15-24 ans, qui représentent 46% des chômeurs. Le taux de pauvreté, en revanche, n'est pas indiqué. La Guyane est également l'un des territoires français les plus touchés par la criminalité. En 2015, 38 personnes ont été assassinées. Les chiffres du ministère de l'Intérieur en 2016 recensaient 3 vols pour 1000 habitants, «soit 13 fois plus que dans l'Hexagone».

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