Turquie : Erdogan seul maître à bord

En conflit avec le président, le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu renonce à la présidence de l'AKP et de facto à son poste de Premier ministre.

Source AFP

La presse turque s'est fait l'écho de graves dissensions entre le président Recep Tayyip Erdogan et son Premier ministre. 
La presse turque s'est fait l'écho de graves dissensions entre le président Recep Tayyip Erdogan et son Premier ministre.  © Murat Cetinmuhurdar/Turkish Pres

Temps de lecture : 4 min

Le parti au pouvoir en Turquie tiendra fin mai un congrès extraordinaire qui ouvre la voie à un départ du Premier ministre Ahmet Davutoglu, en pleines divergences avec le président Erdogan, qui devrait consolider son pouvoir. Le Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) tiendra un congrès extraordinaire le dimanche 22 mai lors duquel Ahmet Davutoglu, son dirigeant, ne sollicitera pas de nouveau mandat, ont rapporté jeudi les médias turcs. Sans se représenter à sa propre succession, Ahmet Davutoglu, 57 ans, perdra automatiquement son poste de Premier ministre, les deux fonctions étant liées selon les statuts de l'AKP.

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Cette décision a été prise lors d'une réunion spéciale de la direction de l'AKP qui s'est tenue à Ankara au lendemain d'informations sur une rupture consommée entre Ahmet Davutoglu et le président Recep Tayyip Erdogan, selon les chaînes de télévision. Des divergences importantes ont éclaté au grand jour ces dernières semaines entre l'homme fort de la Turquie et le chef de l'exécutif, élu à la tête de l'AKP en août 2014 dans la foulée de l'élection à la présidence de Recep Tayyip Erdogan après trois mandats de Premier ministre.

Erdogan aggresif, Davutoglu modéré

Le départ d'Ahmet Davutoglu, qui ouvrirait la voie à une consolidation des pouvoirs du chef de l'État, pourrait ajouter aux turbulences au moment où la Turquie, partenaire-clé de l'Europe dans la crise migratoire, fait face à de nombreux défis : menace djihadiste, reprise du conflit kurde, extension de la guerre en Syrie à sa frontière sud. « Davutoglu se retire », proclamait jeudi à la une le journal à gros tirage Hürriyet. Le journal Milliyet évoquait « une transition démocratique » en douceur convenue entre les deux hommes lors d'un entretien crucial mercredi soir, afin d'éviter une crise au sommet de l'État. Recep Tayyip Erdogan, qui a gardé les rênes de l'AKP qu'il a fondé en 2001, n'aurait pas aimé que son Premier ministre semble négocier seul l'accord des politiques migratoires entre Bruxelles et Ankara et la volonté affichée de celui-ci de retourner à la table des négociations avec la rébellion kurde.

Lorsqu'il a été élu président après trois mandats de Premier ministre depuis 2003, Recep Tayyip Erdogan a désigné comme successeur l'universitaire spécialisé dans les affaires moyen-orientales Ahmet Davutoglu, son ancien conseiller en chef et chef de la diplomatie, faisant, pour beaucoup, le pari de la docilité. Mais celui-ci, perçu comme une figure modérée contrairement à l'agressif mais populaire Erdogan, s'est peu à peu taillé une place sur la scène politique turque, négociant un accord crucial avec Bruxelles sur les migrants qui a conduit mercredi la Commission européenne à soutenir une exemption de visas historique pour les Turcs. Les deux hommes se sont aussi publiquement opposés au sujet du placement en détention provisoire de journalistes pendant leur procès, mesure à laquelle Ahmet Davutoglu s'est dit défavorable.

L'AKP déleste Davutoglu

La décision prise la semaine dernière par l'instance dirigeante de l'AKP de retirer à Ahmet Davutoglu le pouvoir de nommer les responsables du parti à l'échelle locale a sérieusement raboté son pouvoir au sein des cadres de l'AKP. Depuis son élection à la tête de l'État, Recep Tayyip Erdogan ne cache pas son ambition de modifier la Constitution pour instaurer un régime présidentiel, un projet publiquement soutenu par Ahmet Davutoglu, qui a toutefois semblé peu pressé de le mettre en œuvre. « Nous allons attendre que cette question prenne de la maturité », a déclaré le Premier ministre, ce qui aurait déplu au chef de l'État impatient d'obtenir un renforcement de ses prérogatives. « Demain matin, la politique turque sera entrée dans une période où le système présidentiel aura de facto commencé », a déclaré à l'Agence France-Presse Fuat Keyman, directeur du groupe de réflexion Istanbul Policy Center.

Plusieurs noms sont cités dans la presse pour succéder à Ahmet Davutoglu : Binali Yildirim, compagnon de route de Recep Tayyip Erdogan et actuel ministre des Transports, Mehmet Ali Yalçin, ex-président du Parlement, Yalçin Akdogan, vice-Premier ministre actuel, mais aussi le gendre du président, Berat Albayrak, ministre de l'Énergie. « Quel que soit le nouveau Premier ministre, il est clair que cela signifie que le président aura plus de pouvoir sur le gouvernement », a déclaré Ozgur Altug, économiste chez BGC à Istanbul, « le sentiment du règne d'un seul homme à la tête du pays va se renforcer chez les investisseurs ». Ces nouvelles ont provoqué une certaine crispation des marchés : la livre turque a perdu mercredi près de 4 % de sa valeur face au dollar, sa plus forte baisse quotidienne cette année, avant de reprendre des couleurs jeudi.

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Commentaires (11)

  • ANTARES_BETA_SCORPII

    Et avant longtemps ce "bravemonsieur" Erdogan va se parer du titre de Sultan puis de Calife (il est imam patenté... Mais on lui trouvera bien quelque obscur lien de parenté avec le prophète pour légitimer ce blasphème). Ainsi la farce sera complète et le monde ridiculisé par un dictateur supplémentaire. Mustapha s'en retourne dans son mausolée !

  • mnbee

    Va bénéficié de l'appelation de sultan ?

  • ivo

    Pourquoi continuer à gaver d'argent européen ce régime dictatorial. Et en plus l'Europe envisage l'exemption de visas, non ce n'est pas une fausse info c'est réel. Hollande il faut refuser ce délire.