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Qui était le jeune photographe chinois Ren Hang, mort à 29 ans ?

L’artiste, auteur d’une œuvre singulière, peuplée de nus délicats et désinvoltes, a mis fin à ses jours le 24 février.

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Publié le 28 février 2017 à 11h01, modifié le 06 mars 2017 à 14h47

Temps de Lecture 3 min.

Une image de Ren Hang extraite du livre publié par les éditions Taschen.

L’une des jeunes voix de la photographie chinoise vient de se taire. Ren Hang, auteur de photos de nus démantibulés et de poèmes mélancoliques, a mis fin à ses jours vendredi 24 février à l’âge de 29 ans.

Le jeune homme avait déjà fait l’objet d’une monographie chez Taschen en janvier, intitulée tout simplement Ren Hang. En Occident, son œuvre singulière, pleine de nus à la fois délicats et désinvoltes, lui avait valu une reconnaissance rapide. Il empilait les corps pour faire des dunes, entremêlait les bras et les jambes en piles ou accrochait ses modèles dans les arbres comme des pantins ou au sommet de gratte-ciel. Cheveux au vent, sexes apparents et corps tout blancs, se doublaient toujours chez lui de visages au regard impassible ou lointain. Un mélange d’érotisme, de distance et d’humour qui ne plaisait pas vraiment en Chine, où il a été censuré de nombreuses fois.

Ren Hang photographie avec un petit Minolta et saisit son intuition du moment

Né le 30 mars 1987 à Changchun, province de Jilin, au nord-est du pays, d’un père cheminot et d’une mère ouvrière, Ren Hang n’a pas étudié la photographie mais le marketing à l’université. Trouvant ses études ennuyeuses, il s’est mis à photographier ses amis de dortoir dans des mises en scène improvisées. Il gardera toujours cet aspect instantané : chez lui, pas de lumière sophistiquée, pas d’équipe fournie, il photographie avec un petit Minolta et saisit son intuition du moment.

Il choisit ses modèles parmi ses connaissances, et ensuite parmi ceux qui postulent sur son site Internet. Il doit leur parler et s’entendre avec eux pour faire une photo, sinon il arrête la séance. Son studio, au début, se limite à son petit appartement. Sans jamais théoriser sa démarche, Ren Hang renouvelle le genre du nu en traitant le féminin et le masculin avec la même désinvolture amusée et distante, mêlant les corps des deux sexes, s’arrêtant aussi bien sur les seins que les fesses, les aisselles, le pénis.

« Suspicion de sexe »

En Chine, la nudité et l’absence de pudeur de ses images jugées pornographiques lui valent très vite des ennuis. Il se fait arrêter lors des séances de shooting, on l’empêche d’exposer certaines images – il répond en accrochant des cadres vides –, on ferme son exposition au bout de quelques heures ou quelques jours, on clôt son profil Weibo (un mélange de Facebook et Twitter chinois). Pourtant, les images de Ren Hang ne se veulent pas provocantes ou subversives. « Les idées politiques exprimées dans mes images n’ont rien à voir avec la Chine, expliquait-il dans la monographie publiée chez Taschen. C’est la politique chinoise qui veut s’introduire dans mon art. Une de mes expositions a déjà été annulée par le gouvernement chinois pour suspicion de sexe” ».

Ren Hang, photographe : « Je fais ça parce que j’y trouve encore un sentiment de nouveauté. Et cela remplit le vide de mon cœur »

Auteur de plus d’une quinzaine de livres autopubliés, et d’un recueil de poèmes, il a été exposé dans plusieurs galeries à travers le monde, à Paris, à Stockholm ou à Los Angeles, et a souvent travaillé pour des magazines de mode comme Purple ou Numero. C’est une de ses images qui a orné la couverture du numéro des Inrocks « sexe » à l’été 2014.

On fait souvent le lien entre ses images et celles de l’Américain Ryan McGinley, connu pour ses corps jeunes et libres et dans le vent. Des éléments naturels servent parfois de décor – plantes, arbres, lacs – et des animaux – paons, colombes – s’invitent parfois dans les images, mêlant leurs plumes et leur corps fragile aux nus de Ren Hang. Mais le photographe chinois n’a pas l’art léger. « Je fais cela parce que j’y trouve encore un sentiment de nouveauté, déclare-t-il dans un entretien à la chaîne CNN. Et cela remplit le vide de mon cœur. »

La dépression, dont il souffre depuis des années, occupe une section à part entière de son site Internet, où il consigne des poèmes et des notes personnelles. Sa maladie a même donné le titre à un de ses livres, en 2013. « Depuis tant d’années, j’ai essayé de me soigner, partageant mon moi entre les rôles de médecin et de malade, écrit-il sur son site Web en 2016. Si la vie est un abîme sans fond, lorsque je sauterai, la chute sans fin sera aussi une manière de voler. » Son travail reste visible en ce moment au Musée Foam d’Amsterdam, qui lui consacre une exposition jusqu’au 12 mars, et au Musée de la photographie de Stockholm, où il est exposé jusqu’au 2 avril.

Monographie consacrée au photographe Ren Hang chez Taschen en janvier 2017.
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